Citations sur Journal de L. (1947-1952) (94)
Premier amour, premier chagrin. Comme ça a été vite! Un battement de cœur, le vol d'un colibri entre deux fleurs, la première s'ouvre, l'autre est déjà fanée.
Pour l'instant il ne parle pas. Il ferme les yeux, sourit doucement, de son sourire d'ange heureux quand je lui dis je t'aime.
Tu dis : le ciel est la chose la plus importante dans nos vies, nous vivons au fond d'un océan d'air bleu, comme des poissons qui marcheraient au fond des fosses. Et les oiseaux, eux, sont des poissons de l'air.
Tu dis : personne ne s'en rend compte mais c'est grâce à lui, à cet océan avec ses vents, ses marées, ses nuages et son oxygène bleu, que nous pouvons vivre et que nous sommes là tous les deux.
... nous avons grimpé des montagnes et des cols où on se sent moins que rien, et puis traversé des prairies boueuses où chaque brin d'herbe vous colle le bourdon...
J'espère qu'il ne peut pas voir dans mon rêve.
Dehors, le soleil a surgi comme un poing.
Même sous les ventilateurs qui tournent au plafond, on crève de chaud.
Mes cheveux collent, mon haut est taché, j'ai l'air d'une fugueuse.
Alors je fais semblant de dormir dans ma chambre, je suis enfin seule, j'oublie tout et j'écoute en secret les vagues et les mouettes qui crient comme des pensées qui s'envolent.
J'étouffe. L'univers s'est rétréci, il a mangé son ciel, ses continents, ses étoiles, et tous ses souvenirs.
Il y a un coyote qui hurle, accroché à la lune par une sorte de fil invisible.
Alors les milliers de mouches que j'ai dans la tête depuis quelques jours ont cessé de bourdonner. Et pendant un long moment je n'ai pensé à rien.