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Critique de Franz


Franz
29 septembre 2008
Le titre de l'essai de Serge Tisseron donne le ton et le la. Il y est fait référence autant à l'oeuvre de Gaston Leroux, le mystère de la chambre jaune qu'à celle de Roland Barthes, La chambre claire. Dans une langue limpide, dense, précise qui s'appuie sur une culture ouverte, l'écrivain psychiatre joue des mots et entrelace des concepts freudiens pour tenter d'aller au-delà de l'image et ainsi définir les motivations secrètes du photographe lors de la prise de vue car « […] l'appareil… est en continuité immédiate avec sa vie psychique » ; l'appareil photographique permet de s'approprier le monde, tout au moins il peut le rendre plus compréhensible par l'intermédiaire de son image. Comme les aspirations et les désirs influencent la perception de notre environnement, la photographie ne saurait être objective et refléter sans parti pris la réalité : « de façon générale, seules existent dans notre vision les choses que le langage nous permet de nommer ». L'analyse et la critique de l'image photographique se fera donc en fonction de ses effets sur la vie psychique du spectateur.
Le psychiatre Serge Tisseron s'intéresse de près aux relations entretenues entre l'homme et l'image. La bande dessinée, la photographie, le dessin sont des médias qui lui ont permis de mettre en valeur ses talents de limier et de fin psychologue. le Mystère de la chambre claire est plaisant à lire et sans cesse stimulant. le lecteur peut ne pas être totalement séduit par des propos parfois trop psychanalytiques mais Serge Tisseron sait être passionnant et convaincant quand il devient littéraire et s'approche de l'indicible, à l'exemple de la démarche de Henri Cartier-Bresson rendue de la façon suivante : « Démarche quasiment mystique, à la fois de flottement maximum et de réceptivité optimale, une sorte d'accompagnement de la durée propre du monde. le photographe est en équilibre dans l'air du monde comme les figures du mouvement dont il tente de fixer la course. Il se fait « funambule ». Parfois la danse jaillit de son corps comme l'expression de son désir d'adéquation physique à la structure rythmique du monde ». le corps se trouve sollicité alors que tous les sens sont en éveil. le chapitre suivant sur la photographie comme écran ou enveloppe du monde est exceptionnel. L'auteur élabore les concepts de l'« Un-visible » opposé au « vu-suel » avec brio et persuasion. Il est difficile d'exposer toute la richesse de l'essai tant les mots et les idées s'emboîtent impeccablement. Il faudrait encore évoquer la signification du flou en photographie, l'importance de la trace et sa relation à l'empreinte, le rapport de la photographie à la mémoire, à la vie et à la mort. Plusieurs photographies en noir et blanc bien choisies ponctuent le propos de l'écrivain. A la fin du livre, le lecteur a bien compris que l'acte photographique est une façon d'assimiler le monde qui l'entoure. Tout photographe amateur ou professionnel devrait faire son credo de la phrase de Serge Tisseron : « Pour cadrer un fragment du monde, il faut se sentir d'abord pris dans le monde ».

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