Le Fermier Gilles avait un chien, lequel s'appelait Garm. Les chiens devaient se contenter de noms brefs dans l'idiome du pays : le latin des livres était réservé à leurs supérieurs. Garm ne parlait même pas le latin canin ; mais il pouvait se servir de la langue vulgaire (comme la plupart des chiens en son temps) pour houspiller, fanfaronner ou cajoler. Le houspillement était réservé aux mendiants et aux intrus, les fanfaronnades aux autres chiens, et les cajoleries à son maître. Garm était aussi fier de Gilles qu'il le craignait : son maître savait mieux que lui houspiller et fanfaronner.
Ses pieds étaient encore bien bas, de l’autre côté, creusant des fossés à chaque pas. La lune donnait en plein sur son visage, de sorte qu’il ne vit pas le fermier ; mais le fermier le vit et il en fut épouvanté. Sans réfléchir il pressa la gâchette du tromblon. Pan ! Il tira droit dans l’énorme face hideuse du géant, et du tromblon jaillirent les débris, les os, les pierres, les morceaux de plomb, les tessons et les clous. Beaucoup atteignirent le géant et un clou s’incrusta dans son nez.
La nuit était belle. Les vaches se trouvaient dans les prés, et le chien du Fermier Gilles était sorti faire un tour de son propre chef. Il aimait bien le clair de lune et les lapins. Il n'avait aucune idée, bien sûr, qu'un géant fût aussi sorti se promener. Cette notion lui aurait fourni une bonne raison de sortir sans permission, mais une raison encore meilleure de rester tranquille dans la cuisine.
Ils connaissaient tous la renommée de Mordqueues, car cette épée avait appartenu à Bellomarius, le plus grand de tous les tueurs de dragon du royaume.
Les poneys avec le bagage et les valets tournèrent les talons et s'enfuirent aussitôt. Eux n'avaient aucun doute sur l'ordre de préséance.
"-Donne-moi mon épée! hurla le Roi retrouvant sa voix, mais oubliant son pluriel.
-Donnez-nous votre couronne! répliqua Gilles: remarque renversante telle qu'on n'en avait jamais entendu de tous les temps du Royaume du Milieu."