Ce matin, il y avait un chat mort dans le port, un chat noir qui flottait à la surface de l'eau, il était droit et raide, et il dérivait lentement le long d'une barque. Hors de sa gueule pendait une tête de poisson décomposée de laquelle dépassait un fil de pêche cassé d'une longueur de de trois ou quatre centimètres.
Je goûtai encore une fois une cuillerée de ce mélange audacieux, pâteux et mou, d'une fadeur irréprochable, et, sans pour autant le trouver à mon goût, il me parut suffisamment tiède, d'une tiédeur idéale, dirais-je, pour que je puisse en tendre une cuillerée à mon fils, qui attendait toujours sagement sur le lit, la bouche déjà grande ouverte à toutes fins utiles.
[…] l'étendant sur le lit, je lui mis une nouvelle couche tandis qu'il battait des jambes de façon désordonnée pour me compliquer la tâche. Tu arrêtes, lui dis-je. Il s'arrêta, me fit un petit sourire charmeur. Il était sur le dos et il me souriait, tout content de lui – quel hypocrite --, et je le redressai pour lui faire revêtir la petite grenouillère [...]
Je songeais en tout cas qu'il n'était pas mauvais que les Biaggi n'aient pas reçu la lettre que je leur avais envoyée moi-même de Paris quelques jours plus tôt. C'était un simple mot pourtant, juste une manière de leur dire que j'envisageais de passer quelques jours à Sasuelo, mais, si d'aventure ils avaient reçu cette lettre, il ne m'aurait plus été loisible à présent de retarder encore le moment de leur faire une visite. Or, je n'étais pas du tout sûr d'avoir envie que les Biaggi sachent que je me trouvais à Sasuelo. Le jour de mon arrivée déjà après être resté tout l'après-midi indécis dans ma chambre d'hôtel, je m'étais rendu compte qu'il était plus compliqué pour moi que je ne me l'imaginais de me résoudre à aller voir les Biaggi.