Dans ce livre, qui s'apparente à un journal intime,
Claire Touzard expose son parcours de sobriété.
Je vais évacuer d'emblée un élément qui m'agace profondément : même si elles ne sont pas nombreuses, j'ai trouvé quelques fautes de syntaxe ou d'orthographe grossières (cf p23 ou 236, je n'ai pas tout noté). Je suis toujours dépitée lorsqu'un livre contient des fautes. Quel dommage. Cela ne devrait jamais être le cas…
Passons au fond maintenant. Certains lecteurs ont reproché aux rédacteurs de critiques de parler davantage de leur vie que du livre critiqué. Il n'est pas aisé de s'oublier lorsqu'un livre aborde un tel sujet, mais je vais tenter de ne pas sombrer dans cette dérive.
Claire Touzard recense donc dans ce livre toutes les raisons qui l'ont amenée à boire : elle interroge notamment la société, le rapport au père, la féminité ; elle explique qu'elle a bu pour faire comme tout le monde, pour oublier les insultes, le patriarcat, pour échapper au réel, au manque d'estime voire au dégoût de soi. Qu'en buvant elle renforçait ce rapport à l'alcool et qu'elle était entrée dans un cercle vicieux, jusqu'au jour où elle a eu le déclic et a décidé de se lancer un défi en arrêtant définitivement de boire. Nous suivons alors sa progression sur la route de la sobriété et découvrons les réactions successives de ses proches, que sa décision semble bousculer et même gêner de prime abord, la consommation d'alcool étant, il est vrai, considérée comme « normale » en France (surtout la consommation d'apéritif ou de vin à table), voire même comme un comportement attendu. Lorsqu'on souhaite prendre une boisson soft, surtout quand on est une femme, cela devient tout de suite suspect.
J'ai assez vite eu le sentiment de lire une opinion manichéiste : on boit ou on ne boit pas, on ne peut pas boire un peu en étant raisonnable. J'ai eu cette impression que l'auteur percevait tout ce qui l'entourait à travers le prisme de son ancien état alcoolique, ce que j'ai à la fois trouvé logique, humain (chacun a sa propre vérité) et exagéré. Pour autant, loin d'elle l'idée de faire sa moralisatrice. Ecrire a simplement été l'un des moyens à sa disposition pour tenir dans ce combat et exorciser ses douleurs.
Ainsi, tout en analysant comment la pression sociale engendre un certain mal-être qui encourage toutes formes d'addictions et plus particulièrement celle à l'alcool,
Claire Touzard assume sa responsabilité dans tout ce qui lui est arrivé ou aurait pu lui arriver. J'avoue que lire les pages 235 et 236 a été comme un soulagement pour moi, que ce livre commençait à écraser un peu. J'ai apprécié cette espèce d'honnêteté de sa part.
J'ai par ailleurs été touchée de lire des considérations semblables à celles d'une adolescente ou d'une jeune adulte qui peine à mûrir, et qui se pose une question que tout adulte se pose à un moment donné : en revenant sur le droit chemin, suis-je en train de trahir la résistante, la pure, que j'ai été ?
En définitive,
Claire Touzard prend conscience qu'elle a tenté de reproduire un modèle que la société lui imposait, alors que, profondément, elle ne souhaitait pas suivre cette voie. En arrêtant de boire, elle s'est autorisée à suivre une autre route. Je pense que ce n'est pas tant la sobriété que d'apercevoir le bout du tunnel, de mettre fin à son mal-être, qui a engendré cette prise de conscience que tout un chacun peut avoir au cours ou à l'issue d'une période sombre.
J'ai évidemment bien compris tous les bienfaits d'arrêter totalement l'alcool pour une personne alcoolique au plus haut degré, moins pour un buveur disons modéré (au sens raisonnable, moins de deux verres et pas tous les jours comme préconisent les campagnes). Je dois donc être dans le déni, moi aussi !
Pour conclure, je suis partagée au sujet de ce livre, que j'ai parfois trouvé catégorique, un peu narcissique, redondant, mais qui a le mérite de nous interpeller et de nous faire réfléchir à notre propre rapport à l'alcool.
Alors, boire de l'alcool, est-ce subversif ou normatif ? Je crois que la réponse peut varier et que boire peut être les deux en même temps, tout dépend de l'angle sous lequel on regarde la chose…