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Critique de Lucilou


Durablement fascinée, profondément séduite par "Les Inconsolés" , je n'ai eu de cesse, depuis ce rapt, de vouloir prolonger ma découverte des oeuvres de Minh Tran Huy et j'ai jeté mon dévolu sur "La Princesse et le Pêcheur", fascinant à sa manière lui aussi, d'une déchirante mélancolie et d'une cruauté contenue, comme le conte qui enserre le roman et en ouvre les chapitres.

Lan et Nam se rencontrent sur le ferry qui les emmène en Angleterre pour un séjour linguistique. Ils ont seize ou dix-sept ans peut-être et sans doute se rapprochent-ils d'abord parce qu'ils se ressemblent et que leurs traits reflètent le Viêt-Nam.
Elle, elle est née en France de parents vietnamiens qui ne lui ont jamais dit grand chose de leur passé, lui est réfugié depuis peu et sur le pont du ferry ils se chuchotent des légendes du pays qu'elle ne connaît pas et qu'il a quitté.
De promenades en séances de cinéma, de chocolat chaud en discussions interminables, de contes en confidences, les adolescents se rapprochent et se lient l'un à l'autre, d'autant plus intensément que cette relation demeure discrète, tue, comme secrète.
Lan ne tarde pas à tomber amoureuse de son ami, si beau, apparemment si sûr de lui parfois, si mystérieux aussi et si doux mais cet amour et ce désir même restent silencieux et pour cause Nam semble considérer la jeune fille davantage comme une petite soeur que comme une amante.
Et puis, il y a ses silences, tout ce qu'il ne dit pas et les murs qu'il semble avoir bâti autour de lui. Cette gêne qui le saisit parfois, cet inexplicable malentendu qui plane souvent autour d'eux comme un fantôme. Et la disparition.
Plus tard, Lan partira en voyage au Viêt-Nam avec ses parents où ils retournent pour la toute première fois et de secrets dévoilés en révélations douces-amères, elle comprendra peut-être. Elle comprendra enfin.

"La Princesse et le Pêcheur", c'est le roman d'une non-rencontre, d'un amour manqué et le roman du silence. le roman d'une mélodie poignante, déchirante égrenée sur un piano.
C'est aussi un roman sur l'exil et ses traumatismes, sur sa violence et sur l'impossibilité de l'exprimer. Dire sa souffrance est inconvenant et douloureux, alors il vaut mieux se taire et avancer. Se taire pour avancer. Quitte à en être hanté. Quitte à en mourir.
C'est enfin un roman sur la fin de l'enfance et de son innocence, sur les renoncements et les douleurs qu'impose l'âge adulte, sur ses deuils, comme en témoignent sa construction qui laisse la place aux légendes et aux contes, qui sont comme un dernier cadeau avant que tout passe et se termine.

Il en ressort un livre aux accents déchirants, teinté d'une bouleversante mélancolie qui poignarde et serre le coeur; une histoire douloureuse, cruelle mais évanescente comme un rêve, comme un pan de brume. de ces histoires où on ne sait plus, quand on les a vécu, distinguer la part de réel et la part de fantasme.

Une histoire comme un sanglot, comme le Clair de Lune de Debussy.




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