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Critique de Dirlandaise


Avant toute chose, je tiens à souligner la belle couverture du livre (édition Babel). Il s'agit d'une toile du grand peintre québécois Alfred Pellan intitulée « Jeune fille au collier vert » peinte en 1941. Ce livre constitue le premier tome de la série « Chroniques du Plateau Mont-Royal » chef-d'oeuvre de Michel Tremblay. L'auteur nous plonge au coeur de la vie d'un quartier ouvrier francophone du Montréal des années 1942, date à laquelle s'ouvre cette histoire. Plus qu'un roman, cette oeuvre foisonnante de vie et de personnages truculents constitue une remarquable analyse sociologique et politique de ces années de guerre et des terribles conditions de vie auxquelles les Québécois francophones peu instruits et confinés dans des emplois subalternes étaient assujettis. Les hommes jeunes et célibataires sont partis tandis que les pères de famille triment dur toute la semaine pour, durant la fin de semaine, se saouler à mort afin d'oublier leurs chagrins et leur misère. Les femmes enceintes foisonnent car mettre sa femme enceinte constitue une garantie contre le départ à la guerre. Les familles doivent partager leur logement car leur salaire est insuffisant pour leur permettre d'habiter chacun chez soi. La promiscuité est difficile à supporter mais comporte de bon moment particulièrement aux repas qui se passent la plupart du temps dans la joie et la bonne humeur. Car, afin de pouvoir supporter leur misère, les gens ont développé un remarquable sens de l'entraide et de l'économie. Les enfants pullulent et leur éducation laisse à désirer. L'éveil des sens se fait dans la plus parfaite ignorance et les expériences sexuelles se passent souvent très mal et sont décevantes. le mariage n'apporte que bien rarement le bonheur espéré : les femmes se retrouvent prisonnières de leur logement bien souvent en compagnie d'un mari paresseux, porté sur la boisson.

Il y aurait tant à dire sur ce roman. le génie de Michel Tremblay s'y déploie en toute liberté et comme toujours avec lui, les sentiments dominent malgré le fait qu'à cette époque, le clergé condamnait toute manifestation de tendresse en public. Mais ce qui est remarquable de la part de cet écrivain québécois dont le talent ne cesse de m'éblouir, c'est d'avoir su intégrer à son récit un côté surnaturel. Il a aussi intégré à ses personnages un chat et nous connaissons toutes les pensées et les réflexions du félin. C'est savoureux !

Un chef d'oeuvre absolu, un roman remarquable, un cri d'amour d'un écrivain aimant ses personnages à la folie et décrivant leur milieu de vie avec une justesse poignante qui laisse le coeur en miettes.

« « Des fois, tu penses avoir oublié tes malheurs, pis la chienne de vie vient toujours te les rappeler en les multipliant par cent huit. » « Vous parlez tu-seule, à c't'heure ? » Rose se tenait dans la porte, la bouilloire à la main. « J'ai toujours parlé tu-seule parce que j'ai jamais rencontré parsonne d'assez intéressant pour y parler vraiment. » »

« Et maintenant, cette porte close entre sa solitude qu'elle n'avait jamais réussi à combler, mal mariée qu'elle était, mal baisée, vite écoeurée d'un mari malhabile et égoïste, et le bonheur de son frère qu'elle ne pouvait pas s'empêcher de trouver grotesque, cette porte close sur des rires enfantins et des soupirs complices l'insultait comme une injure cuisante. »
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