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Critique de EvlyneLeraut


Fondamental, « le Dernier chat noir » d'Eugène Trivizas est un classique à l'aube née. Crucial, palpitant, ce récit remporte la palme d'une subtilité hors pair. « D'abord disparut Soyeux. Puis Saltimbanque. Puis encore Miauleur, Othello, Ramsès, Moricaude, Sardanapale, et Bisous. » Cette fable animalière est menée d'une main de maître. L'anthropomorphisme est de finesse et d'excellence. Nous sommes dans la cour des grands. Sociétale, politique, cette satire est une piqûre de rappel. le jeu narratif est impressionnant. Ce sont les chats qui, ici, content l'évènementiel advenu sur cette île où au préalable, chats et humains cohabitaient tout en amitié et tolérance. Symbole quand tu nous tiens ! Jusqu'au jour où, un groupuscule d'hommes décide de l'anéantissement des chats noirs. La parabole est vive. « -Nous souhaiterions le concours du gouvernement dans notre combat contre la guigne ! répondit Gui Della Gomina. - C'est -à-dire ? -Nous avons bon espoir que vous nous aiderez à éliminer tous les chats noirs de notre pays. » Loukoum au pelage noir est celui qui fédère les autres, dont la parole est reconnue. Il va mener un combat d'enfer contre les habitants hostiles aux chats noirs. Un contre-pouvoir prend forme. Néanmoins les uns après les autres, tous meurent sous d'atroces tortures, noyades, affamés et abandonnés par leurs maîtres. On ressent un trouble. Nous sommes dans les affres du mal. A l'instar des relents fascistes, racistes. On imagine Matin Brun de Franck Pavloff, Maus de Art Spiegelman. On relève les signaux de délation, de génocide. « La plupart des hommes étaient gagnés par une haine généralisée pour tout ce qui revêtait la couleur noire. » Certains chats sont des traites, d'autres veulent changer de couleur, devenir blanc comme neige. Les diktats d'une société, microcosme d'un monde en danger. Dictature, oppression, la liberté de conscience bafouée, les chats sont des boucs émissaires, des cibles. Tous les habitants vont monter crescendo dans leur haine. Il ne s'agit plus de chats noirs mais de tous les chats. Plus un seul sur l'île telle est la consigne. L'avilissement d'un peuple par des discours, tous les chats sont tués. L'horreur monte en puissance. Attention ! nous ne sommes pas dans une littérature tourmentée à l'extrême. Il y a des sourires, des amours, de la tendresse, de l'humour aussi. La concorde entre les chats est la République des coeurs. Ce qui est plausible et réalisable et qui maintient en vie : la résistance, la solidarité. La littérature ici est oeuvre. La profondeur intrinsèque d'une fable roue de vie. L'homme est la caricature des doctrines nauséabondes du monde. Les degrés de cette histoire sont des bravoures. « Mais en dehors de cela, la plupart des hommes étaient gagnés par une haine généralisée pour tout de qui revêtait la couleur noire. Ils voulaient tout blanchir. Ils voulaient que tout soit blanc, plus blanc que blanc. Comme si la folie du blanc les avait pris. » Il y a une sacrée morale dans ce grand livre. « En accusant les chats de tous les maux de l'île, ils trouvent là la parfaite excuse de leurs échecs, de la récession du pays. » « le Dernier chat noir » est un avertissement pour tout à chacun. « Apprendre à toujours se méfier » comme le disait Prosper Mérimée. Magistral, culte. Offrez ce livre, glissez le dans les bibliothèques, les écoles, qu'il soit lu et étudié par tous. C'est un devoir de lecture. Magistral, incontournable. « Déjà traduit dans plus de dix langues enfin traduit en français ! » Traduit du grec par Michèle Justrabo, illustré par Léa Djeziri. Publié par les majeures Editions du Jasmin, c'est une chance inouïe.
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