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Citations sur Rue des pas-perdus (5)

Alors permettez que je crache sur les drapeaux et les parades, sur vos titres et sur vos slogans. Au nom du pain. Sur vos haines et sur vos mensonges. Au nom du pain. Sur les rats que vous devenez quand il vous prend de mordre et de souffler dans la misère de qui n'a rien à mordre et pas de souffle pour souffler. Au nom du pain.
(page 126)
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Alors permettez que je crache sur les drapeaux et les parades, sur vos titres et sur vos slogans. Au nom du pain. Sur vos haines et sur vos mensonges. Au nom du pain. Sur les rats que vous devenez quand il vous prend de mordre et de souffler dans la misère de qui n'a rien à mordre et pas de souffle pour souffler. Au nom du pain. Sur vos diatribes, vos têtes d'affiche, sur les galons que vous vous inventez parce qu'à force de mentir on finit par croire en la vérité du mensonge. On finit par se dire c'est pas si mal, ça peut aller, ils ont vu pire et de toute façon ce n'est pas du jour au lendemain qu'on changera leurs habitudes d'abstinence, de pas assez de ci, d'insuffisance de ça. Alors de prophète en prophète, de dictateur en dictateur, il suffit de leur foutre une poignée de sel sous la langue et des vivants à tuer ou des morts à pleurer, de la poudre de toc d'héroïsme dans les documents officiels. Une place, une statuette, un mausolée de pacotille à la mémoire d'un quelconque, si grand et si quelconque, dictateur Décédé Vivant-Eternellement. Permettez que je crache sur vos monuments. Au nom du pain. Vous n'êtes même pas foutus de leur faire des fontaines qui coulent. Tant il est vrai, mes messieurs dames, que vous n'avez à leur offrir que des orgies d'apocalypse, des jérémiades de poitrinaire. Et vos gueules de couteaux de pharmacie qui viennent trancher dans leur misère. Et eux comme des chiens errants qui n'ont plus de place pour errer parce que la misère ça prend toute la place et ne te laisse que les recoins, ils chassent les mouches avec des gestes que vous prenez pour des vivats, pour ne point perdre l'illusion de leurs bras, ils miment des airs de semence en attendant qu'un jour ils accourent demander justice à vos mensonges et à la faim. Au nom du pain.
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« Aujourd’hui que j’ai fermé, je n’ai plus que des histoires de vies ratées comme des peaux de bananes qui te glissent sous les pieds, comme des impôts pour le souvenir que t’as jamais fini de payer, parce que peut-être toi aussi tu te seras trompée de destin et voudras faire comme Andrée, grignoter sur le temps, pratiquer l’art de la nature, oublier que cette nuit-là Jeanine est sortie, qu’elle est revenue sans le couteau, que les soldats avaient empilé des cadavres dans la rue, n’avoir rien vu, rien entendu, remplacer la mort par ma première robe de sortie, … »
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Voilà. Monsieur, cela commença par un grand coup de vent. Forcément. Toutes nos histoires commencent par des coups de vent comme en un tourbillon de légendes paresseuses. Amoncellement d'oiseaux oisifs, nous sommes les nains du mémorable, les meilleurs artisans de la contrefaçon. Un coup de vent par-ci, un coup de vent par-là, nous procédons par divination, cumul de bribes incantatoires. Notre histoire est un justaucorps, un étouffoir, un grand feu qui brûle, un calypso d'apocalypse menant campagne touristique, mesdames, messieurs, venez-y-voir : ce n'est pas un pays ici mais fabrique d'échouages épiques, un lieu-dit, un herbage, précipice pour danseurs de corde, colin-maillard d'aveugles nés avec la folie des grandeurs, salaise rance, jarre sous terre, poudre de terre à rabattre le caquet des montagnes en bonnes mesures comestibles pour gueules en croix d'enfants malades accroupis dans l'attente de folles épiphanies, se tenant mal, noyés pareils, englués dans leurs mares au diable. Alors, toutes nos histoires commencent par de grands coups de vent pour donner le change au néant, aire peau d'île d'âne sur la carte.
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Oui, tout commença avec ce vent d’avril qui nous fit croire que c’en était fini de la dictature. Les poètes voyaient déjà les chevaux de l’avant-jour courir les grands espaces ouverts par le vent, l’âme hautaine de Bohio faire pirouette de femme libérée au sommet du pic Macaya. Camarades, frères preneurs, sans chamailles ni conciliabules les gens s’embrassaient dans les rues comme en trente-quatre à la fin de la première occupation. Elles sont belles les photos de la fin de l’occupation. Même en noir et blanc on voit les couleurs du drapeau, les arbres riaient, les femmes jetaient de l’eau et du sel sur les routes, leurs époux, leurs fils, leurs fiancés, tous chantaient never again, y en a même une sur laquelle ma mère souriait, c’est l’image la plus vivante que je garderai d’elle, l’éclosion d’une reine-chanterelle, elle avait trente ans en trente-quatre et pas un cheveu gris, pas une ride, tout en elle avait été préservé en fonction de ce grand moment.
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