Un personnage principal qui nous livre ses pensées, et trois autres points de vue. Pour conter la misère d'Haïti. La corruption, les bidonvilles, les orphelins, les villages sans électricité qui meurent, les femmes malmenées.
Je n'avais jamais lu de livre se déroulant à Haïti ni d'auteur haïtien, je n'avais donc aucun a priori. Belle surprise que ce court roman, touchant, qui sonne très juste, qui dit beaucoup et si peu. Qui aborde des sujets que nous occultons la plupart du temps, sans tomber dans le pathos.
Une belle plume qui donne envie de tourner la page.
Mais aussi la tristesse, les "à quoi bon", la bonté parfois, l'amour souvent, et des gens qui essayent de s'en sortir.
C'est très décousu comme critique: j'ai beaucoup aimé mais suis un peu sonnée.
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Nous sommes en Haïti ; le livre s'ouvre sur le personnage de Mathurin D. Saint-Fort, jeune avocat de trente ans, ambitieux, cynique, lucide. Inquiet aussi, sans doute, de trouver sa place, puis de garder sa place.
Cette place c'est celle qu'il s'est faite, dans le monde des riches et des puissants, à raison d'un oubli, d'un reniement complet de ce qu'il fut, du lieu où il a grandi, des ses racines, de son nom.
La vie de Mathurin va pourtant basculer à l'arrivée du second personnage : Charlie. Un jeune gosse paumé, venu du même village que Mathurin, et qui, au nom des valeurs ancestrales, au nom de la fidélité à des amitiés communes va exiger de Mathurin qu'il l'héberge et surtout qu'il l'écoute.
Mathurin repart en arrière, retrouve ce qu'il a voulu ensevelir ; paie son tribut au passé.
"Se tenait debout devant moi un garçon sale que je voyais pour la première fois, une curiosité venue d'un autre monde, et j'entendais ses silences. J'entrais dans sa tête et je disais ses mots. Je me suis mis à transpirer malgré la climatisation. Pris d'effroi. Comme là-bas, au village, il y a longtemps, quand j'ai rencontré la mort pour la première fois et que j'ai passé trois nuits à attendre qu'elle vienne me chercher. Là-bas, le village, mon père, les vieux joueurs de bésigue, Anne, le petit cimetière. Ce crétin de Charlie, avec sa vie de chien et son histoire de fou, était venu ouvrir la porte du retour."
Le livre est construit à partir de quatre voix successives, qui viennent dire la même histoire : celle de gosses perdus, coincés dans ce pays embourbé, obligés de grandir trop vite, et de payer trop cher leur impossibilité de vivre.
J'ai particulièrement aimé ce livre. Pour ce qu'il dit de la jeunesse haïtienne, pour les envolées poétiques qui émaillent le récit, pour l'humanité que Trouillot revendique.
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Plongée au coeur du dénuement et de la désespérance...
A Port-au-Prince, Mathurin, le brillant avocat qui a réussi "sans passé et sans état d'âme", connaîtra une sorte de rédemption après l'entrée en scène de Charlie dans son quotidien : Charlie va ranimer en lui le souvenir de l'enfance douloureuse qu'il a occultée en quittant son village natal.
De la ville moderne et superficielle avec son lot d'ambitieux et de combinards aux petits villages reculés, en passant par les bidonvilles de Port-au-Prince, la crasse et la misère, l'auteur dévoile un coin d'Haïti et dénonce en vrac l'injustice de l'ordre mondial, les mirages du modèle américain, la peur du pauvre, l'aveuglement, l'illusion humanitaire...
Mais peut-être la conscience collective de chacun peut-elle être réveillée par Charlie ?
Roman/conte choral divisé en quatre parties, chaque fois portés par un nouvel intervenant, le style s'adapte à chaque intervenant et se fait tour à tour léger, cynique, pathétique ou sombre, voire dérangeant....
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Lecture Jeune, n°132 - décembre 2009 - Mathurin Dieutor Saint-Fort a réussi sa carrière d'avocat d'affaires à Port-au-Prince. Jeune, beau et travailleur, il a su mener parfaitement sa destinée, quittant sans hésitation son village, son amour, son ami... Soucieux de cacher ses origines paysannes, il est même allé jusqu'à changer de prénom, Mathurin, pour Dieutor. Aujourd'hui, il mène dans la capitale une vie bien réglée - boulot, télé, whisky - jusqu'à ce que Charlie, un adolescent, fasse irruption chez lui, demandant son aide au nom de la solidarité du village. Le langage de Charlie est direct et n'a rien à voir avec la langue de bois des citadins. L'enfant des rues va se charger de rappeler son passé à Dieutor, celui de la misère : il lui raconte le village, le centre d'accueil avec le prêtre qui tente de s'occuper des gamins des rues, les ONG qui oscillent entre « pouvoir et bonne conscience », les bidonvilles... Le récit du jeune homme, puis celui de son compagnon Nathanaël, évoquent une descente aux enfers, dans laquelle les adolescents n'ont plus d'autre issue que le recours aux armes et au vol. Enfin, c'est à Anne, premier amour de Dieutor, de faire entendre sa voix. À l'opposé de son carriérisme, elle a choisi de rester au village pour y ouvrir une école.
Un roman avec des personnages attachants, adultes et adolescents réunis, au service d'un message fort : on ne peut vivre dans le déni de ses origines et instaurer impunément une barrière sociale. « Sais-tu ce que signifie le mot Yanvalou ? Je te salue, ô terre. La terre n'a pas de mémoire. Le sol sec et pierreux ne garde pas souvenir de la bonne terre arable qui descend vers la mer. Seuls les hommes se souviennent. » Une lecture à partager, portée par une écriture haletante et émouvante. Cécile Robin-Lapeyre
Lire la critique sur le site : Lecturejeune
Chaque personne qui visite le Centre est un parent potentiel, et nous on doit faire bonne figure. Vu que nos géniteurs nous ont abandonnés, je suppose que les gens nous considèrent comme des miraculés et se félicitent, au nom de la société, d'avoir participé au miracle collectif, même quand ils n'ont rien fait pour nous. Ca doit être pareil pour les réfugiés, quand ils arrivent dans un pays et qu'on leur ouvre la frontière. Quand on est les fils de personne ou qu'on n'a plus de pays, il faut toujours s'excuser de se trouver là où on se trouve ou tout simplement d'être en vie.
Il est des pays où l'on construit des villes, des routes qui mènent vers les villes, et des banlieues. Ici, l'on construit des banlieues, et surtout pas de routes qui y mènent, jusqu'à ce que les banlieues, se prenant pour des villes, gonflent comme un ballon trop plein de monde, de mortier et d'ordures.
Elisabeth, Francine et moi, nous sommes des presque riches. Cela veut dire que nous avons un emploi, dans un pays où l'emploi est une denrée très rare. (...) Nous avons aussi un statut, un avenir. Avec un peu de chance, nous allons encore grimper dans l'échelle sociale, et nous devrions être un jour le chef de quelqu'un et présider aux réunions dans une salle de conférence. Des presque riches. Tenant compte de la loi de l'unité des contraires, nous sommes aussi des presque pauvres. Un glissement, un accroc, et tout peut s'effondrer. (p.19)
Vu que nos géniteurs nous ont abandonnés, je suppose que les gens nous considèrent comme des miraculés et se félicitent au nom de la société, d’avoir participé au miracle collectif, même quand ils n’ont rien fait pour nous. Ça doit être pareil pour les réfugiés, quand ils arrivent dans un pays et qu’on leur ouvre la frontière. Quand on est le fils de personne ou qu’on a plus de pays, faut toujours s’excuser de se trouver là où on se trouve ou tout simplement d’être en vie.
Je viens d'un tout petit village. Cela fait partie des choses que j'avais oubliées. Pour un homme qui a gagné longtemps sa vie au jour le jour et qui grimpe tranquillement les barreaux de l'échelle sociale, le souvenir est un luxe, pas une nécessité.
À Haïti, la population est en colère et réclame la démission de son président Jovenel Moïse. Les manifestions de ces dernières semaines ont engendré plusieurs dizaines de morts. le pays peut-il sortir de la crise ?
Pour en parler Guillaume Erner reçoit Lyonel Trouillot, écrivain haïtien.
La Question du jour de Guillaume Erner - 12 novembre 2019
À retrouver ici : https://www.franceculture.fr/emissions/la-question-du-jour/saison-26-08-2019-29-06-2020
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