AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Lamifranz


Le 3 novembre 1950, le « Malabar Princess », un Lockheed Constellation de la compagnie Air India, s'écrase dans le massif du Mont-Blanc, avec 48 personnes à bord, passagers et membres d'équipage. Il n'y a pas de survivants.
Cette tragédie, qui eut à l'époque beaucoup de retentissement, inspira plusieurs oeuvres, dont au moins deux majeures : « La Neige en deuil », le roman de Henri Troyat (1952), et « Tintin au Tibet », la bande dessinée mythique d'Hergé (1960) (pour cet ouvrage Hergé déplaça l'action des Alpes vers l'Himalaya), qui est pour moi le plus bel album, le plus riche et le plus humain des aventures de Tintin.
« La Neige en deuil », sans être un chef-d'oeuvre, est un grand roman d'Henri Troyat. Si cet auteur est passé justement à la postérité pour ses sagas en plusieurs volumes, ou par ses biographies vivantes et convaincantes, il faut souligner également l'importance et la qualité de ses romans isolés : « Faux jour » (1935), « L'Araigne » (1938), « La Neige en deuil » (1952), « Aliocha » (1991), parmi les plus importants, mais il y en a beaucoup d'autres.
Le roman raconte l'histoire de deux frères, Isaïe et Marcellin, aussi dissemblables que possible. Isaïe, une cinquantaine d'années est un robuste montagnard, mais diminué intellectuellement depuis un accident de montagne intervenu bien des années avant, quand il était guide. C'est un homme honnête et intègre bien qu'aigri par les circonstances. Son frère Marcellin, lui, a toute sa tête, pragmatique à l'excès, il cherche à faire fortune, veut vendre la ferme, abuse énormément de la faiblesse de son frère (et de l'amour infini que celui-ci lui porte). C'est un homme dur, insensible aux sentiments humains. La catastrophe d'un avion qui s'écrase dans la montagne, va servir de révélateur aux deux hommes. Marcellin y voit une occasion de s'enrichir, d'autant plus que la première cordée de secours a échoué, entraînant même la mort d'un guide, ami d'Isaïe. Les deux frères partent donc vers le lieu du crash, Isaïe pour sauver d'éventuels survivants, Marcellin pour piller l'épave. Arrivés sur place, ils trouvent une femme encore vivante, mais bien mal en point.
Ce qui va arriver, je ne le raconte pas, vous le devinez aisément : les deux frères vont s'affronter. Ce qui va en ressortir vous le saurez en lisant ce roman, fort et âpre, où l'auteur avec un réalisme saisissant vous insère littéralement dans son histoire, vous êtes sur vos skis, glissant sur la neige, dans le vent et le froid, avec devant vous la silhouette d'un montagnard, plus loin devant la forme imprécise de l'avion écrasé, à demi enfoui sous la neige-linceul.
Henri Troyat, on le sait, est un conteur-né : c'est un raconteur d'histoires, il n'a pas son pareil pour vous emmener dans son récit et littéralement vous y faire participer. le roman fait la part belle au décor de la montagne (et pourtant, Henri Troyat, comme Joseph Peyré, n'est pas un montagnard chevronné !) mais le principal centre d'intérêt est cet antagonisme entre les deux frères, d'autant plus émouvant que l'on sent le combat entre le coeur et la raison, entre l'amour et l'ambition, entre la pitié et l'égoïsme. le lecteur, encore une fois, est plongé de plein pied dans l'action, et encore plus émotionnellement.
De ce grand roman, Edward Dmytryk a tiré un grand film, qui s'il n'est pas un chef d'oeuvre, rend un bel hommage au livre qui l'a inspiré : « La Neige en deuil » (1956) avec Spencer Tracy et Robert Wagner dans les rôles principaux. Un très beau film pour un très beau roman.

Commenter  J’apprécie          80



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}