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Critique de bdelhausse


Mikio Hibino est aux prises avec la Commission de censure, mise en place à l'approche des Jeux Olympiques. Il faut nettoyer les Ecuries d'Augias, en quelque sorte. Epurer la culture de toutes ces oeuvres qui pervertissent la belle jeunesse japonaise. Ce n'est pas neuf. C'est même particulièrement d'actualité, plus que jamais.

D'ailleurs Tetsuya Tsutsui sait de quoi il parle. Son manga Manhole a largement subi les affres de la censure. Et dans des conditions de manque de transparence et d'abus d'autorité qui frisent l'obscène. Tsutsui essaie depuis lors de faire sortir Manhole de la liste des oeuvres "nocives".

Mikioi est soutenu par les éditeurs américains, mais ils ne craignent rien. Un instant, il a imaginé de modifier son manga pour concentrer toutes les images problématiques sur quelques pages. En effet, le pré-screening des oeuvres établit un ratio pages problématiques/pages totales. Si on reste sous les 20%, pas de souci. Mais Mikio ne souhaite pas adapter son manga pour passer sous le radar. Son éditeur japonais le lâche peu à peu. Les impératifs commerciaux sont ainsi faits.

Devant la Commission, Mikio n'en mène pas large. C'est l'Inquisition, pas un débat contradictoire. tout est interprété de manière négative, sous les yeux des caméras.

Arrive alors Shingo Matsumoto, un managka victime de censure pour un lien présumé entre une de ses preuves et le meurtre d'un enfant. Son manga s'appelait Innocent. La Commission s'entête, comme l'a fait celle qui a classé Manhole sur la liste des oeuvres nocives. Toda intervient. Il a fait partie de la Commission avant d'en claquer la porte. Il démonte les charges à l'encontre d'Innocent, mais rien n'y fait.

La fin est une lente descente aux enfers de la censure... Reformatage du mangaka par un "programme adapté à ses déviances". On ne voit rien, c'est digne et humble. On suit Mikio Hibino dans sa préparation au programme de "correction". C'est néanmoins oppressant, pesant, inéluctable, mécanique. Ce n'en est que plus dramatique.

La question qui s'est imposée à moi est: le fait que Tetsuya Tsutsui a subi la censure aveugle lui donne-t-il une crédibilité particulière? On pourrait dire "Oui". Mais en fait, je serais tenté de répondre non après mûre réflexion... Et ce qui me gêne (un peu) c'est que ce vécu semble être le principal argument de Tsutsui. Un peu à la façon du gars au café du commerce qui vous dit "je sais de quoi je parle", pour clore toute discussion contradictoire.

Ne nous y trompons pas, quand même. C'est excellent. C'est choc. Cela suscite le débat, l'interrogation, la réflexion. Censure, auto-censure, petits aménagements, mea culpa, etc. l'enfer est pavé de bonnes intentions, et des membres de la Commission de censure peuvent être habités des meilleures intentions. Ce n'est pas vraiment le cas ici, on voit quelques membres qui ne font qu'instrumenter à charge, sans peser le pour et le contre. Un point fort du manga est le fait de se concentrer sur le débat avec la Commission. On n'intègre pas la psychologie des membres de la Commission, on n'essaie pas d'expliquer leur position par des anecdotes de leur vie. On se focalise sur l'oeuvre.

Un autre point fort de l'argumentaire de Tetsuya Tsutsui, à travers Poison City, est de ne pas nous dire "j'ai le droit de tout écrire car c'est la liberté d'expression". Cet argument n'est pas avancé. Il est question de développement de soi, de plaisir donné à l'autre, de lien humain et social. Tout cela est amené par les oeuvres artistiques, au rang desquelles on trouve le manga. L'argument principal (auquel je souscris) est l'éducation du lecteur, la relativisation de l'impact des images, car on ne peut pas éviter de choquer. le tout est de voir le propos initial, veut-on choquer ou pas? A quoi sert l'image qui choque? Quelles sont les explications des gens choqués pour éprouver de telles émotions? N'importe quel dessin, n'importe quelle chanson... choquera quelqu'un. Est-ce donc une raison pour s'abstenir de produire des oeuvres artistiques? Non, répond Tetsuya Tsutsui, et il a bien raison.
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