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Critique de ithaque


Sur un sujet qui sort du bois où il rampait en quête de lumière, le consentement, l'auteur nous emmène sur le rail infernal police-tribunal-prison, avec un vocabulaire de circonstance, très clinique.

Admirons d'abord le tour de force : elle louvoie suffisamment pour empêcher le lecteur de prendre parti pour l'un des protagonistes, on les comprend tour à tour, sans parvenir à se faire une idée définitive. Malgré tout, le personnage et l'entourage de la jeune fille, Mila, sont quand même bien moins développés que celui de son violeur présumé, Alexandre. Probablement parce que l'auteur a voulu nous rendre le personnage du garçon d'emblée plus proche pour éviter qu'on ne prenne naturellement le parti de la victime.

On comprend finalement que 2 perceptions se sont télescopées : celle d'un jeune homme programmé depuis la naissance pour passer au-dessus des autres plutôt que d'être avec eux (« Son monde, c'est celui d'une petite caste qui croit que tout lui est dû, que tout est permis parce que c'est possible »), coutumier des plans cul anodins, d'une part ; et de l'autre, celle d'une jeune fille, qui par contre n'envisageait même pas ce genre de plan, et que l'assurance brutale d'Alexandre, l'alcool et la drogue consommés pendant la soirée ont tétanisée. Pour elle, ce sera peut-être prison intérieure à vie.

Le corps du livre s'illustre dans cette citation de l'avocate Gisèle Halimi, prononcée 40 ans plus tôt, dans un procès similaire : « le viol, comme le racisme, comme le sexisme dont il relève d'ailleurs, est le signe grave d'une pathologie socio-culturelle. La société malade du viol ne peut guérir que si, en ayant fait le diagnostic, elle accepte de remettre radicalement en question les grands rouages de sa machine culturelle et son contenu ».

Au-dessus de cette soirée glauque, rôdent donc les corbeaux du pouvoir, de la domination sociale et de genre, légitimement mis sous les feux de la rampe à l'occasion de procès plus récents. Des rapports d'abus de pouvoir auxquels nul ne peut échapper dans une vie, entre la cour de récréation, les petites hiérarchies artificielles du travail, les conjoints fêlés, les classes sociales qui se construisent en partie sur l'exclusion des autres, presque impossible de ne pas y être confronté à un moment ou un autre. Violences physiques ou symboliques qui détruisent avec une égale efficacité.

Certaines de ces relations sont perfectibles, comme les relations homme-femme, un défi qui se reconfigure sans cesse sous nos yeux, quelle chance. Comment inventer le nouveau tango homme-femme du 21e siècle, harmonisation de l'énergie commune, enfin à portée de main. C'est beau. L'amour se gorgeant de réciprocité et non de relation à sens unique ou de sujétion.

J'ai trouvé les plaidoiries assez percutantes et subtiles, on aimerait tous avoir Maître Célérier pour nous trouver des excuses, même quand on n'en a pas, il a du métier.
Ceci dit, le ton du texte, saturé de froideurs judiciaires, ressassant en boucle le déroulé d'un acte sexuel unilatéral, tout cela est terriblement pesant, même si c'est pour mieux nous faire appréhender les enjeux socio-culturels de cette histoire. Je pense qu'avec l'édito de Ouest-France ou une page de philosophie magazine sur la pause déjeuner, on arrive au même résultat que ce texte, qui n'a pas le souffle d'un grand roman, à mon goût.

C'est la limite ce livre, je trouve, qui nous laisse repartir nus et grelottants, par opposition à un poème ou une chanson mélancolique qui ratissent de l'intérieur nos émotions douloureuses mais nous donnent simultanément les moyens de les métamorphoser en énergie psychique.
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