C’était ça, le véritable amour : être présent à l’heure du déclin quand on avait tout connu et tout aimé d’un être.
Il sortit de sa poche un pilulier, l’ouvrit et prit un anxiolytique qu’il fit fondre sous sa langue. En quelques minutes, l’angoisse se dissipa : désormais, le bonheur ne s’obtenait plus que sur ordonnance.
"Non, un viol, ce n'est pas vingt minutes d'action, mais une vie détruite - celle de la victime ".
Les êtres malheureux se reconnaissent entre eux.
La vie n’est qu’une longue perte de tout ce qu’on aime.
[Victor Hugo]
Je salue votre courage car c'est une épreuve. Tout au long de la procédure et du procès, il vous a fallu raconter encore et toujours l'indicible alors que la seule choses que vous vouliez, c'était oublier, ne plus avoir à en parler pour ne pas être confrontée à cette douleur que chaque récit ravivait. Dans les agressions sexuelles, redire, c'est revivre.
C’était ça le véritable amour : être présent à l’heure du déclin quand on avait tout connu et tout aimé d’un être.
Après une courte pause, l'avocat général prit la parole. «Je ne suis pas sûre d’y arriver, ce sont les premiers mots de Mlle Wizman à cette barre. Elle a eu honte. Elle a craint de ne pas être crue. De ne pas arriver à raconter l'indicible. Elle a eu peur. Il y a eu ce viol terrible, ces auditions devant les policiers et, plus tard, devant le juge d'inscruction, ces examens médicaux, et puis ce passage devant la cour d'assises, c'est-à-dire devant vous, des visages inconnus, scrutateurs. C'est la peur du regard de l'autre, de leurs sarcasmes du style : elle l’a bien cherché ! Disons-le : le viol est un massacre. Et le viol de Mlle Wizman aurait pu, nous le savons bien, rejoindre les quatre-vingt-dbc pour cent de viols restés sous silence. »
Il avait insisté, réclamé des explications à cette soudaine froideur - sans succès - jusqu'au jour où il l'avait retrouvée. Ne pouvant plus l'éviter, elle avait dit ces mots dont il se souviendrait toujours :« Je ne sais pas si mes nouvelles fonctions sont compatibles avec notre histoire » — elle venait d'être nommée directrice du cabinet du ministre de l'Economie.
Elle ne voulait pas prendre le risque de briser sa carrière pour un homme plus jeune, sans emploi, qui ne lui offrirait aucune autre garantie que l'assuranœ d'être déraisonnablement aimée pendant un temps qu'aucun d'entre eux ne pouvait déterminer à l'avance et dont ils savaient, l'un comme I'autre, qu'il serait limité.
En moins de deux ans, trois étudiants de grandes écoles s'étaient donné la mort. Fragilité conjoncturelle, surpression : le suicide restait l'un des grands tabous de ces établissements qui produisaient l'élite de la nation, tout était organisé pour éviter le passage à l'acte ; dans les universités américaines, des bergers polonais blancs à poil long, doux et affectueux, avaient même été mis spécialement à la disposition des élèves afin de leur apporter tendresse et réconfort.