Peut-être avais-je été séduisante à ses yeux, mais c’était avant. Tout avait pâli. J’avais réclamé – on ne réclame pas –, je m’étais montrée faible – personne n’aime les victimes –, je n’étais plus qu’une cible. Mon corps seul, sans plus rien dedans, éveillait quelque chose chez lui. Il s’en emparait sans égards. J’espérais un électrochoc, c’était moi qui prenais les secousses. Après tout, puisque j’étais vide peut-être que son désir à lui me comblerait.
J’ai toujours eu soif, de beau, de pas fini, de pas brisé. Jusqu’à l’aveuglement. C’est dans tous les romans : la vie, ça laisse le regard brouillé. Je me convainquais que ce n’était pas triste. On peut pleurer parce qu’on connaît les ombres, mais que la lumière les écrase. Il arrive qu’on pleure parce qu’au plus sombre des nuits brille une étoile qu’on a choisie, ou parce qu’il existe un puits quelque part dans un désert. Ce qui compte alors, ce n’est pas l’ombre, la nuit ou le désert. C’est le miracle. C’est ce qu’on a décidé. Et on s’abîme à vouloir réparer. On s’érode encore et encore pour une miette d’intact. On s’essouffle à disperser la poussière, on gratte et griffe l’habitude pour retrouver l’avant et l’éclat. En vain, forcément. À vouloir tout sauver, à ne jamais écouter les signes et ceux qui savent les lire, on finit comme Œdipe, les deux yeux crevés. Responsable, et victime
Tout semble figé, très manichéen. Les bons d'un côté, les méchants de l'autre. Il ne reste plus qu'à trancher. Mais c'est plus compliqué qu'il n'y paraît. Ici, Dieu ne juge pas les hommes, il juge les actes. La nuance est de taille.
Elle se demande si la naïveté est une force ou une faiblesse.
Deux poids, deux mesures. L'essentiel se jouait ailleurs. Il ne m'appartenait pas, à moi, de juger les responsables ou les victimes. Mais j'avais compris une chose : un acte est un acte. Et on avait le droit de lui donner un nom.
Sur le chemin de Saint-Jacques [...] on a emporté le minimum et ce qui pèse le plus lourd dans le bagage, on espère s'en délester.
L'enfance a une date de péremption, pas la même que celle indiquée sur les paquets. Elle pensait qu'elle avait le temps de voir venir. On ne voit jamais rien venir.
Fracture du réel : la vie avec ou sans filtre. [Emma] se demande si la naïveté est une force ou une faiblesse.
Ces enfants, avec lesquels et pour lesquels nous travaillons quotidiennement, ont besoin de stabilité. Les défaillances du système, qu’elles proviennent de la paupérisation de la population, de la violence grandissante à laquelle sont confrontés les adolescents, ou de je ne sais quelle situation familiale, appellent en réponse un engagement profond de notre part. Si les acteurs auprès de ces jeunes ne font que se succéder, nous courons à la catastrophe.
« La prise en charge est très morcelée. On pourrait penser que plus les acteurs sont nombreux, meilleur sera l’accompagnement. Mais c’est l’inverse. On a les parents d’un côté, nous, la police, de l’autre. L’école et les assistantes sociales au milieu. Un premier juge, puis un second. Il arrive que les mômes soient baladés d’une famille d’accueil à une autre… On fait comme on peut, tous. »