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EAN : 9782848767840
169 pages
Philippe Rey (02/01/2020)
3.62/5   143 notes
Résumé :
Un matin, la police entre dans un collège de Stains. Huit élèves, huit garçons, sont suspectés de viol en réunion sur une fille de la cité voisine, Fatima. Leur interpellation fait exploser le quotidien de chacun des adultes qui entourent les enfants. En quoi sont-ils, eux aussi, responsables ?
Il y a les parents, le principal, les surveillants, et une professeure de français, Emma, dont la réaction extrêmement vive surprend tout le monde. Tandis que l'événe... >Voir plus
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C'est une sombre histoire d'une dignité bafouée, et d'un corps utilisé salement. Par des petits cons qui ne mesurent pas non seulement les dégâts psychologiques de leur victimes mais aussi l'anéantissement de leurs plus vagues projets d'avenir. Même si ce sont des enfants.

Dans cette banlieue qui fait partie des zones d'éducation prioritaire, les adultes aussi se sentent en faute : qu'ont-ils raté pour ne pas avoir prévenu, repéré, éduqué? C'est une immense remise en question . Et c'est avec un grand courage que le proviseur qui avait préalablement demandé sa mutation revient sur cette décision, pour assumer, et être là auprès de son équipe.

La victime n'est pas oubliée, et on souligne son courage d'aller jusqu'au bout de la dé marche, au risque que la révélation du crime ne la pointe du doigt comme coupable! C'est ainsi avec le viol, on ne peut empêcher les suspicions de consentement, voire de complaisance.

Le roman se s'attarde pas sur les jeunes violeurs. C'est vraiment sur les proches, famille, et enseignants que se concentre l'auteur.,


Un récit qu'on voudrait classer dans les pures fictions, tant il est dérangeant, et transforme l'avenir de ceux qui subiront les retombés en séparant leur temps en avant et après.


Pas de surenchère dans le pathos, juste une belle analyse.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Un roman qui m'a vraiment interpellé autant qu'il m'a dérangé. Pour tout vous dire , je l'ai lu deux fois à la suite . D'abord parce que la garde de notre petit- fils suspendait souvent ma lecture et que , d'autre part , étant ancien prof , j'ai replongé dans un univers que je connaissais bien pour y avoir consacré toute une vie professionnelle .
Je tiens à dire tout de suite que je n'ai pas connu un tel drame, à savoir le viol d'une jeune fille par plusieurs collégiens, dont certains simples " spectateurs " . La victime , elle s'appelle Fatima et ...ose parler . Aussitôt, la machine se met en marche . Qui est qui ? Pourquoi ? Emma , sa prof , se pose des questions jusqu'à s'en poser pour elle même et s'identifier .... Emma a ses convictions et ...sa vie personnelle. ...vous verrez bien par vous même.
Bien des questions vont être posées dans ce petit livre court , facile à lire . L'école. La police à l'école , l'interpellation en milieu scolaire , l'utilisation des " auxiliaires d'éducation " , les menottes ? Les associations , le doute , les profs , ce qu'on voit , ce qu'on ne voit pas ou qu'on ne veut pas voir ....Emma s'identifie à Fatima ....mais est - ce aussi facile ?
Comme je vous l'ai dit , j'ai lu et relu ce roman et ma perplexité reste vive .C'est bien là le mérite de cet ouvrage, porteur d'un message auquel il faudra porter un grande , très grande attention .
La société évolue et vomit des comportements qui doivent nous choquer , nous heurter , nous alerter . nous ouvrir les yeux . Relaté en 160 pages , le message est fort , brutal , violent .
Eux , ce n'étaient que des enfants ........
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Les éditions Philippe Rey offrent souvent de belles choses. A la fois dans le contenu de romans, atypiques et marquants, mais également dans l'objet-livre en lui-même. Souvent, les couvertures me marquent et m'appellent.
Et ici, ce sont des enfants.

Oui, les « héros » de cette histoire son tous des enfants. Des collégiens.
Les bourreaux. Comme la victime.

Le délit en question, ce terme, atroce. Viol en réunion.

Un roman au sujet terrible mais tellement bien traité. Gabrielle Tuloup pénètre au coeur du drame, d'un fait divers.

Immersion dans le milieu scolaire. le regard de ces professionnels face à l'insupportable. Immersion dans ce collège de banlieue où professeurs, surveillants et principal vont devoir faire face. Immersion dans une communauté de banlieue où chacun à son avis sur la question. Chacun avec sa conscience. Chacun avec son sens des responsabilités.

Une réflexion sur les victimes et les bourreaux. Sur les vérités qu'il vaut mieux taire. Sur l'horreur de notre époque. Sur le consentement. Qui ne dit mot …

Un portrait de femme également, ce professeur qui, à travers le drame, va partir à la rencontre de ces fantômes à elle.

Une lecture qui donne à réfléchir. Qui fait souvent mal. A travers une plume digne, sur un sujet qui aurait pu être racoleur, Gabrielle Tuloup interroge notre société de façon intelligente. Interroge son lecteur. Sans être moralisatrice mais en donnant pourtant une réflexion sur le vivre ensemble.

Lien : https://labibliothequedejuju..
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Fatima et les huit garçons

Pour son second roman Gabrielle Tuloup analyse un fait divers, l'inculpation de huit collégiens pour viol en réunion. Et fait de «Sauf que c'étaient des enfants» un drame finement ciselé.

Gabrielle Tuloup nous avait impressionnés dès son premier roman, La Nuit introuvable dans lequel un fils retrouvait sa mère atteinte de la maladie d'Alzheimer et qui, avant de sombrer, lui avait laissé une confession épistolaire émouvante qui allait modifier son jugement et sa vie. Pour son second roman, changement d'atmosphère complet, même si là aussi il est question de remise en cause, de jugement trop rapide et de vies qui basculent.
Nous sommes dans un collège de banlieue au moment où, pour les besoins d'une enquête judiciaire, la police demande au principal l'autorisation de consulter les photos des élèves. Devant la gravité de l'affaire – il s'agit d'un viol en réunion – l'homme obtempère. Fatima, la victime, reconnait l'un de ses agresseurs, puis un autre... Au total se sont ainsi huit élèves de l'établissement qui auraient participé à ce fait divers sordide. Et qu'il va falloir mettre en garde à vue, parce que, avec le soutien de sa mère, la jeune fille a porté plainte.
Le principal négocie une façon discrète d'appréhender les suspects: les surveillants iront chercher les élèves dans leur classe et ils seront alors remis aux policiers en civil qui les attendent.
Si les choses se passent sans heurts apparents, on imagine l'onde de choc ainsi créée.
Au plus proche des différents acteurs impliqués dans ce drame, le personnel de l'établissement, du principal aux surveillants, en passant par les enseignants et les élèves, Gabrielle Tuloup décrit cette atmosphère de plus en plus pesante, ces rumeurs qui enflent, cette suspicion qui se généralise.
Il y a ceux qui minimisent, ceux qui font de la victime la première coupable, ceux qui ne veulent pas se prononcer et ceux qui jugent immédiatement les huit élèves. Et puis, il y a ceux qui, après la sidération, sont touchés en plein coeur comme Emma, prof de français. Cette affaire va raviver des souvenirs, remettre à vif une plaie qui n'était pas vraiment cicatrisée. «Ça lui explose au visage. Ils ont fait ça. Ses mômes ont fait ça. Elle l'entend de nouveau, nettement, le rire collectif. Ils savaient donc, les copains. Et Nadir qui frimait, les yeux brillants, les épaules sorties. Nadir qui, d'habitude, s'arrête toujours au bon moment. Qu'on n'aille pas lui expliquer que ce sont des gosses, qu'ils ne se rendent pas compte. Leur foutue présomption d'innocence, ils peuvent se la garder.» Elle va avoir beaucoup de mal à retrouver les élèves au terme de leur garde à vue. Car bien entendu, le temps judiciaire n'a rien à voir avec celui des médias et des réseaux sociaux. Dans l'attente du procès la présomption d'innocence devrait pourtant prévaloir.
C'est aussi ce que les parents des adolescents incriminés espèrent. Voeu pieux! En quelques jours tout va voler en éclats. La défense s'organise, le clan se resserre : «Cher Juge, je connais bien ces huit garçons, je les connais depuis longtemps et je peux vous garantir que ces jeunes hommes sont innocent. Ils sont comme des frères pour moi et m'imaginer les voir faire une tel chose m'est aussi insupportable qu'incrédible. Je suis contre le fais que ces jeunes soit pénaliser or que certains ne l'on pas toucher. ni même parler. de plus cette jeune elle a déjà une réputation car il y a des rumeurs sur cette personne et ce jour-là je ne doute pas qu'elle était consentante. Je compte sur vous pour prononcer la sentence la plus juste en espérant avoir un jugement clément pour mes amis. Merci d'avance.»
Si ce roman s'inscrit dans la lignée des romans qui, après #metoo, traitent des violences faites aux femmes – on pense à Karine Tuil et Les choses humaines, à Mazarine Pingeot et Se taire ou encore au tout récent le Consentement de Vanessa Springora – il est avant tout la chronique d'une dérive ordinaire, un témoignage qui n'oublie aucune des pièces du dossier. On y retrouve du reste les rapports de l'assistante sociale, les bulletins scolaires annotés ou encore un compte-rendu de la réunion de l'association SOS victimes.
On y voit le courage qu'il faut pour briser le silence, pour oser porter plainte. On y voit aussi le long chemin que parcourent les victimes jusqu'à dire les choses. Grâce à la belle construction du roman, on bascule alors de l'histoire de Fatima à celle d'Emma. Et l'on comprend que le combat est loin d'être terminé. Loin de tout manichéisme, Gabrielle Tuloup réussit ici un roman délicat et solidement documenté, un réquisitoire contre les à priori et jugements péremptoires, une réflexion sur la vie ordinaire dans un collège. Utile, forcément utile.


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Fatima, jeune fille de 15 ans, a subi ce que la justice appelle pudiquement un "viol en réunion"... Pas moins de huit de ses condisciples ont pris part plus ou moins activement à cet outrage sur sa personne, son intimité, son équilibre le plus profond.

Dans cette école de banlieue où les jeunes sont principalement issus des cités, c'est la loi du silence qui prévaut. Comment a-t-elle pu les dénoncer... le déshonneur retombe sur elle. Ce sont les agresseurs que l'on plaint parmi les autres élèves, mais aussi au sein de l'équipe d'éducateurs, du principal, des profs,... enfin pour ceux qui se sentent concernés...
Emma est une jeune professeure et semble être la seule à s'offusquer de ce qu'on peut reprocher à Fatima de "l'avoir cherché" ou du manque d'implication du personnel éducatif.
Mais Emma est plus impliquée qu'elle n'a bien voulu se l'avouer à elle-même... le silence qui entoure les victimes vient parfois d'elles-mêmes, tant le déni agit parfois comme un bâillon puissant.

Bien que la thématique soit intéressante, j'ai été très déçue par la manière dont l'auteure a traité ce sujet. Ce livre se compose de deux parties, la première qui concerne Fatima, ou plutôt l'étrange et dérangeante empathie dont jouissent les agresseurs. Et dans la deuxième, c'est la résonance que cette histoire a sur Emma qui est traitée... Mais le tout manque de liant et de cohérence, ce qui donne un sentiment assez brouillon à la narration. Et surtout, je n'ai personnellement pas été touchée par cette histoire où les émotions m'ont semblé trop tenues à distance.

Un message que nous adresse le livre s'avère toutefois intéressant : pour la victime d'un viol, quelles que soient les circonstances de ce viol - qui peuvent être d'une violence inouïe ou au contraire beaucoup plus insidieuses - il n'y a pas d'échelle de gravité à vouloir imposer. L'entreprise de destruction de la personne peut dans les deux cas être absolue.
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INCIPIT
Au revoir les enfants
Mardi 27 janvier 2015
Le réel ne prend pas de gants. Il ne frappe pas à la porte du bureau de Ludovic Lusnel. C’est la sonnerie du téléphone qui s’en charge. Le principal a l’habitude de travailler avec la police. Mais pas comme ça.
Son établissement présente bien. La façade de briques ordonnées, en vis-à-vis des cités, exhibe fièrement les principes républicains. Lusnel a enseigné dix ans dans le 93 avant de prendre de nouvelles responsabilités. Il était professeur d’histoire, il connaît la nécessité des devises, leur limite. Homme sensible, mais factuel, il a rangé son violoncelle et acheté des cravates de couleur. Voilà quatre ans qu’il est principal au collège André-Breton de Stains. Les manuels lui ont appris la Terreur et les révolutions, alors il fait en sorte que la vie soit organisée, maîtrisable. Il s’en ira sûrement à la fin de l’année, il a demandé sa mutation. Ce sera plus reposant.
Lusnel dit souvent que c’est son collège, son équipe, ses élèves. Ce n’est pas juste. Rien ne lui appartient, bien sûr, mais parfois tout lui incombe. Parfois le réel débarque, sans préavis, deux sonneries de téléphone :
« Allô ?
– Capitaine Marnin, brigade de protection de la famille. »
On l’informe de la visite d’une jeune fille d’un établissement voisin. Elle vient reconnaître des coupables, il doit préparer les trombinoscopes des classes. Il demande quels sont les faits. On lui répond « agression sexuelle ». Il ne réalise pas tout de suite. Il range la paperasse accumulée à côté de l’ordinateur, dit à la secrétaire de réunir les brochures contenant les photos des enfants par niveau, de la sixième à la troisième, et fixe son esprit le plus longtemps possible sur l’organisation du planning du début d’année, les prochains conseils de classe, le brevet blanc…
Fatima arrive accompagnée de deux policiers. Très calme. Elle a porté plainte quatre jours plus tôt. Une adolescente comme les autres, avec des baskets et un sweat comme les autres, pas l’air plus victime que les autres. Elle tourne les pages en passant un à un les visages alignés. « Lui oui », « lui non ». C’est froid, implacable. Lusnel pense que c’est terrible, cette utilisation des trombis. Un livret de bouilles d’enfants, tantôt souriants, tantôt boudeurs, le regard vif ou défiant, chemise à col boutonné ou survêtement, transformé en outil de reconnaissance de supposés criminels.
Elle en est à sept. Sept élèves. Là, il réalise. La jeune fille assise devant lui dit avoir été abusée par sept élèves de son établissement. Quand elle se saisit du dossier des cinquième, il considère la capitaine avec incrédulité. Elle ferme les paupières un peu plus longuement pour lui signifier de laisser faire. Ce n’est pas fini. Fatima reconnaît formellement huit garçons du collège André-Breton pour viol en réunion, dont un élève de cinquième.
« Merci Fatima, est-ce qu’il y a quelque chose que tu voudrais ajouter ? »
Non de la tête.
« Mon collègue va te raccompagner chez toi, je dois discuter avec M. Lusnel. »
La jeune fille se lève, impassible, comme lors du trajet aller. Marnin avait elle-même appelé pour convenir du rendez-vous la veille. Elle était passée prendre Fatima au pied de son immeuble à 13 h 30. La silhouette lui avait semblé toute petite sous la hauteur écrasante de la tour. Elle avait arrêté la Clio à son niveau et s’était penchée pour lui ouvrir la porte, à l’avant, à côté d’elle.
« Ça va ?
– Ça va. »
Marnin a l’habitude, elle a appris à cloisonner, pourtant elle n’avait pu s’empêcher de se mettre à la place de la jeune fille. Elle s’imaginait entrer dans le collège, prendre le risque de croiser ses bourreaux au détour d’un couloir, reconnaître un éclat de voix, un rire peut-être. Elle avait voulu la rassurer.
« On va directement dans le bureau du principal. Tu ne verras personne. »
Fatima n’avait pas paru inquiète. Elle mâchait bruyamment son chewing-gum et pianotait sur son nouveau téléphone, l’ancien ayant été confisqué pour les besoins de l’enquête. On ne peut jamais savoir ce qui se passe sous les mèches de cheveux lissés, derrière les cils courbés au mascara noir, passé et repassé plusieurs fois pour plus d’effet, comme dans les publicités. Et si elle pleurait ? s’était demandé la capitaine. Mais Fatima n’avait pas pleuré. Elle avait quitté la pièce sans se retourner.
Marnin doit maintenant expliquer à Lusnel la suite des événements. Elle lui laisse le temps de reprendre sa respiration et de réajuster le nœud de sa cravate.
« Les faits n’ont pas eu lieu au collège, mais dans la cité d’en face. »
Lusnel est soulagé. Évidemment. Comme s’il valait mieux que cela arrive dans les escaliers d’une tour plutôt que dans les toilettes de son école, nettoyées deux fois par jour.
« On a de la chance qu’elle ait porté plainte. C’est rare dans ce genre de cas. Les filles subissent des intimidations si violentes qu’elles se taisent.
– Mais, interrompt Lusnel, on est sûr de ce qu’elle avance ? »
Il s’en veut à l’instant même d’avoir posé la question. Marnin poursuit sans relever :
« C’est grâce à la mère. C’est elle qui a poussé Fatima à faire une déposition. Elle a repéré les griffures et les bleus quand sa fille est rentrée.
– Et les élèves qu’elle a identifiés, ils sont tous coupables ?
– On le saura bientôt. Comme les faits sont récents, on va pouvoir lancer les analyses d’ADN. Ça simplifie beaucoup les choses pour la suite. »
Elle marque un temps puis ajoute, comme pour elle-même : « Cette femme, la mère, elle est bien courageuse. Il va falloir les protéger toutes les deux maintenant. »
Le principal approuve. Il connaît les mécanismes d’intimidation des bandes entre elles, la capitaine ne lui apprend rien.
« Je vous donne toutes les informations parce que, si menaces il y a, elles proviendront vraisemblablement de chez vous. » Marnin a insisté sur les derniers mots. Le principal réprouve cette assimilation de sa personne à son établissement, mais il s’abstient de tout commentaire.
« Soyez vigilant et faites-nous remonter les informations, si vous entendez des bruits de couloir ou autres. Vous m’indiquerez aussi le bureau de votre CPE, il faut que je la rencontre. Nous aurons besoin d’elle. »
Elle lui parle de l’organisation concrète des opérations, de « coup de filet », d’interpellation simultanée, bref : d’organisation. C’est son rayon. Marnin lui offre l’asile de l’action, il s’y réfugie aussitôt.
On ne se rend pas compte tant que l’affaire reste à la télévision ou dans les journaux. C’est toujours ailleurs, plus loin, on n’y peut rien et c’est comme ça. Cette fois c’est différent, les coupables viennent de « chez lui », comme il se l’est aimablement vu rappeler. Les doigts de Fatima, sans trembler, se sont posés sur des visages qu’il croise tous les jours, dont il a la responsabilité. Ces portraits figés, sous lesquels ne manque plus qu’un numéro de matricule, ne disent rien des grimaces et tics de langage, des centimètres pris pendant l’été, des voix qui ont mué. Il a noté, un à un, les noms des élèves désignés, en même temps que le policier, dans le cahier qui lui sert de journal de bord. La liste dressée le long de la marge laisse un vide angoissant sur tout le reste de la page. L’impuissance le mortifie. La voix ferme de la capitaine le rappelle à l’ordre.
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(Courier adressé au juge, fautes d’orthographe comprises)
« Cher Juge, je connais bien ces huit garçons, je les connais depuis longtemps et je peux vous garantir que ces jeunes hommes sont innocent. Ils sont comme des frères pour moi et m’imaginer les voir faire une tel chose m’est aussi insupportable qu’incrédible. Je suis contre le fais que ces jeunes soit pénaliser or que certains ne l’on pas toucher. ni même parler. De plus cette jeune elle a déjà une réputation car il y a des rumeurs sur cette personne et ce jour-là je ne doute pas qu’elle était consentante. Je compte sur vous pour prononcer la sentence la plus juste en espérant avoir un jugement clément pour mes amis. Merci d'avance. »
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«Il est important pour nous d’arrêter tous les suspects en même temps.»
Le principal comprend tout de suite : les policiers ne vont pas agir dehors, ils viendront les prendre dans les classes. L’idée lui est insupportable.
Des images remontent de loin. Ludovic était en troisième quand le film Au revoir les enfants de Louis Malle est sorti. Il habitait le village d’Avon, là où les faits avaient eu lieu. Son professeur d’histoire leur avait raconté le courage de ce prêtre qui avait caché des adolescents juifs dans son collège durant la guerre. Elle avait demandé aux élèves de se mettre en quête de personnes ayant rencontré le résistant. Il interrogea les voisins, recueillit des témoignages. Au mois de décembre, enfin, la classe alla voir le film au cinéma. Ludovic avait beau connaître l’issue, il espérait quand même. Il est devenu professeur à son tour. On ne choisit pas d’être éducateur si on n’espère par réécrire la fin. Pourtant, dans la salle obscure, ses doigts s’étaient crispés au bout des accoudoirs : les officiers étaient entrés dans l’établissement. Ils avaient fait sortir les élèves, les avaient alignés dos au mur. Ils les avaient arrachés. À leurs amis, à la vie. Jamais il ne s’est remis de ces images. L’école devait être un abri, un asile.
La capitaine en face de lui insiste, ils doivent fixer le jour où la brigade pourrait intervenir. Ça n’a rien à voir, bien sûr, sauf que c’est son collège et que ce sont des enfants. Alors il la supplie « qu’on ne les prenne pas dans les classes, s’il vous plaît.
– Impossible. »
Il faut éviter la destruction de preuves. Tout peut se révéler utile, des messages ont pu être échangés… Les arcanes sordides du crime lui sont distillés par petites touches odieuses. L’air de rien. Pour eux c’est le quotidien. Mais la mention de possibles vidéos filmées avec les téléphones l’achève. Il pense à Pauline, sa fille. Alors il prend son calendrier et convient avec la capitaine que l’intervention aura lieu une semaine plus tard, le lundi 2 février.
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Plus profonde que les griffures sur son visage et sur son cou, il y avait cette plaie invisible qui avait déchiré son enfant en deux, en son milieu, cette fracture sauvage qui la rendrait peut-être incapable de jamais se rassembler à nouveau. Se ressembler à nouveau. Défigurée. Elle se sent brisée en chaque recoin de son être, on a souillé sa chair et chaque parcelle de sa peau de maman, par écho, réclame vengeance. Elle n’a aucune chance de riposter par elle-même. La vendetta nécessite des alliés, elle est seule. Elle s’est tournée vers la police plutôt que d’alimenter le système gangrené qui a démoli son enfant. Ce raisonnement est d’une implacable netteté dans son esprit, elle est pourtant incapable de tenir le même discours à Fatima. Dure comme peuvent l’être les femmes blessées, elle lui reproche d’« avoir cherché ». La phrase reste en suspens. Cherché quoi ? Les embrouilles ? Ce n’est pas ainsi qu’on parle d’un viol. Les hommes ? Ils ont toujours su prendre ce qu’ils veulent sans qu’on ait besoin de le leur donner. Il n’empêche, si elle s’était bien comportée on l’aurait traitée en femme digne. Mais non, il avait fallu qu’elle s’entiche de ce garçon. Si elle lui en avait parlé au moins, si elle s’était confiée à temps.
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J’ai toujours eu soif, de beau, de pas fini, de pas brisé. Jusqu’à l’aveuglement. C’est dans tous les romans : la vie, ça laisse le regard brouillé. Je me convainquais que ce n’était pas triste. On peut pleurer parce qu’on connaît les ombres, mais que la lumière les écrase. Il arrive qu’on pleure parce qu’au plus sombre des nuits brille une étoile qu’on a choisie, ou parce qu’il existe un puits quelque part dans un désert. Ce qui compte alors, ce n’est pas l’ombre, la nuit ou le désert. C’est le miracle. C’est ce qu’on a décidé. Et on s’abîme à vouloir réparer. On s’érode encore et encore pour une miette d’intact. On s’essouffle à disperser la poussière, on gratte et griffe l’habitude pour retrouver l’avant et l’éclat. En vain, forcément. À vouloir tout sauver, à ne jamais écouter les signes et ceux qui savent les lire, on finit comme Œdipe, les deux yeux crevés. Responsable, et victime
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