La neige continue de tomber. Je ne pensais pas que c’était encore possible. Enfant, je glissais parfois en ski de fond dans les rues et les igloos que nous construisions avaient de longs couloirs dans lesquels on pouvait mourir étouffés. Le danger existait, la beauté aussi, et j’étais protégée.
Cette tempête va se calmer, il le faut, Flamme va sortir de la nuit, du matin plus dangereux encore que la nuit, quelqu’un va venir, quelqu’un va partir, l’ancien monde sera loin, la chasse à l’épuisement, l’espionnage, la haine, la prédation, le vocabulaire trouble. Terminés.
Il existe un récit narré par la famille. Celui-ci tend à recouvrir la réalité d’un voile à la fois transparent et opaque. D’abord on voit au travers, ensuite on dénigre son propre savoir. Mais si je continue, c’est pour m’épanouir dans l’autre partie du réel. Dans le cimetière où je déterre les mots contre l’oubli.
Certains cessent de raconter, dit-elle, parce que les autres n’entendent pas.
Ils ne comprennent pas ?
Ils n’ont jamais vraiment entendu. Sinon, pourquoi faudrait-il toujours redire l’événement ?
C’est pourquoi je patauge si souvent dans le vide, entre le silence et les mots.
On m’a toujours accusée de trop parler. Tout a toujours été à cause de la parole. C’est vrai, plus l’objet de la haine se défend, par la bouche, plus il devient suspect, plus les autres doutent. Même ceux que tu aimes le plus.
Certains cessent complètement de parler, m'a t-elle dit. Parce que les autres n'ont jamais entendu.
Raconter, expliquer, et être crue tout à fait. C’était un élément banal dans ma petite vie sans drame, mais j’ai enfin compris que c’était impossible. Toute l’actualité du monde me le disait pourtant. Un doute persiste toujours, et c’est pourquoi on continue de répéter la même histoire. Ou pas.
"Cela semble incroyable, bien sûr. C’est pourquoi la plupart des gens sont incrédules face à la réalité. C’est aussi pourquoi quelqu’un doit parler.