Métahumains, tome 1 : Dans les décombres

Le feu qui léchait ses pieds ne faisait pas autant de mal que l’enfer qui brûlait dans son corps.

Il cligna lentement des yeux, presque paresseusement, vers le plafond blanc d’un biolab de haute sécurité, essayant de trouver la détermination profonde dont il savait avoir besoin afin de survivre à cette pagaille, mais il échoua. Il aspira de l’air et recracha ce qui ressemblait à des braises, le goût métallique du sang recouvrant sa bouche sèche et brûlée. Cela ressemblait à la façon dont le monde sentait le long des frontières disputées de nos jours, des pays perdus sous les ravages du changement climatique, de la guerre et de la politique amère.

Il respira de la fumée et sentit son corps entier s’étouffer.

— Kilyusha !

Il ferma les yeux devant les flammes étrangement dansantes et souhaita que les choses soient différentes. Souhaita qu’ils lui aient laissé son fusil ou son 9 mil et quelques munitions afin de se sortir de son calvaire. Mais le poids de ses armes avait disparu depuis longtemps, et il pouvait resserrer ses doigts autant qu’il le voulait, ses mains restaient vides.

Dans tous ses rêves et cauchemars, il n’avait jamais pensé qu’il mourrait ainsi.

— Kilyusha !

Il y avait une première fois pour tout.

« Le contact interrogateur de Katie dans son esprit incita Jamie à cacher ses pensées autant que possible avant de la laisser entrer.
— Tu serais d’accord pour que Brannigan et Dvorkin fassent partie de l’équipe ? demanda-t-elle.
Par rapport à tous ceux qui avaient tenu le poste d’overwatch par le passé, Jamie savait que Kyle serait la meilleure personne pour le réclamer de manière permanente. Même s’il préférait que Kyle soit affecté à une autre équipe afin de pouvoir être ensemble, il ne pourrait jamais faire cela à sa propre équipe. Il ne pouvait pas être aussi égoïste ni leur demander de cacher un tel secret à leurs officiers supérieurs. Ce ne serait juste pour personne.
— Oui, répondit-il.
Il était reconnaissant, et pas pour la première fois, que Katie ne soit pas une empathe. Ses pensées disaient peut-être la vérité, mais son cœur battait la chamade alors qu’il mentait. »

« — Si vous insistez afin que nous ayons un tireur d’élite…
— Je le fais, l’interrompit Nazari.
— … assurez-vous qu’il peut réellement travailler avec des métahumains et qu’il ne se contente pas de répandre de fausses platitudes pour obtenir une augmentation de salaire et un poste prestigieux. Je ne mettrais pas mon équipe en position d’avoir besoin de faire confiance à quelqu’un qui ne peut pas nous faire confiance en retour à cause de ce que nous sommes. Mon équipe a traversé suffisamment de choses. Je ne leur ferais pas subir cela.
Nazari le regarda, un sourcil noir haussé.
— Avez-vous terminé ?
— Oui monsieur, acquiesça sèchement Jamie.
— Je vais prendre vos préoccupations en considération, mais dès maintenant, la prochaine personne que j’affecte à votre équipe sera permanente. Compris ?
— Oui monsieur. »

« — Si vous ne partez pas, alors c’est moi qui vais le faire, dit Jamie en se levant, pas d’humeur à bavarder ni à parler, surtout pas avec la conversation du dîner précédent qui rongeait toujours son cerveau.
L’autre homme posa sa bouteille de bière et inclina la tête en arrière afin de regarder Jamie dans les yeux.
— Probablement pas la meilleure idée. Conduire en étant énervé engendre généralement une humeur plus négative et un possible homicide lié à la rage au volant.
— Je n’ai pas demandé votre avis.
— Oui, eh bien, je vous le donne quand même. »

Il effleura la plaie de son cou avec des doigts sales, grimaçant sous la piqûre. C’était probablement une source d’infection maintenant, mais bon.
Il guérirait.
Il le faisait toujours.
Il rampa hors de sa tombe et s’allongea à côté d’elle, regardant fixement ce qu’il pouvait voir du ciel à travers les branches d’arbres qui en effaçaient la majeure partie.
— Au rapport, murmura-t-il, même si personne n’était là pour l’entendre. À moitié mort, sans armes et séparé de mon équipe.

Certains terroristes jetèrent leurs armes et se mirent à courir. D’autres restèrent où ils se trouvaient, se défiant l’un l’autre de tirer. Les balles ricochèrent sans dommages sur le bouclier de Trevor. Kyle se fraya un chemin vers l’avant, appuya le canon de son fusil contre le bouclier et le vit passer juste assez pour pouvoir franchir la barrière sous la manipulation prudente de Trevor.
Il tira coup sur coup, sans jamais manquer sa cible.
— Jolie fusillade, dit Jamie en grinçant des dents contre la douleur grandissante dans sa tête. Maintenant, rejoignons cet hélico.
Trevor enveloppa leur moyen d’évasion dans un bouclier de télékinésie, le protégeant de toute attaque susceptible de le détruire. Sa présence d’esprit permit d’éviter qu’il soit transformé en tas de ferraille par un lance-grenade qui fit beaucoup de bruit et de fumée, mais ce fut à peu près tout.

Seigneur, Kyle. Je n’arrêtais pas de penser à toi après lundi soir et j’aurais dû te le dire. Mais je te le dis maintenant et j’espère que ce n’est pas trop tard. S’il te plaît, Kyle. Laisse-moi te ramener à la maison.
Jamie se recula, encadrant le visage de Kyle de ses mains.
— Laisse-moi te donner ce dont tu as besoin.
Même dans la pénombre du salon, Jamie pouvait voir la façon dont les yeux de Kyle se dilataient, ses pupilles s’élargissant pour effacer le vert de ses iris. Il sentit le frisson qui parcourut le corps de Kyle et une sensation de justesse s’installa dans le sien.
Il regarda Kyle se lécher les lèvres, une chose qui adoucit en quelque sorte l’expression dure de son visage.
— D’accord.