"Une vieille maison garde toujours un trésor de souvenirs."
Le jardin doit vous toucher au plus profond. Il est censé changer vos sentiments, les empreindre de joie ou de tristesse. Il vise à vous faire prendre conscience de l’impermanence de toute chose en cette vie. L’instant où la dernière feuille va tomber, où l’ultime pétale va se détacher… cet instant concentré toute la beauté et la mélancolie de la vie. Les Japonais l’appellent mono no aware.
Le torrent d'étoiles filantes se tarit, mais le ciel resta lumineux, comme s'il avait gardé en lui l'éclat des météores. Peut-être cette lumière n'était-elle pas prise au piège dans le firmament mais dans notre regard, notre mémoire.
Maintenant la terre repose toute la nuit, lavée dans la grâce obscure et silencieuse de la pluie. UN éclair zébra le ciel au-dessus des montagnes. Un instant plus tard, une pluie diluvienne noya la nuit.
- Il s'agit de paysages de montagne et de scènes de la nature. Il me semblait que c'étaient des sujets fréquents dans les ukiyo-e.
- Mais en l'occurrence ils sont tous situés en Malaisie. Rien ici ne rappelle sa patrie. Il ne traite aucun des motifs que nos artistes affectionnent d'ordinaire. Pas de paysages d'hiver, pas de vues du Fuji Yama ou de scènes du monde flottant.
Je feuillette de nouveau la liasse. Chaque estampe contient des éléments reconnaissables de la réalité malaise : des jungles luxuriantes, des hévéas alignés dans des plantations, des cocotiers s'inclinant vers la mer, des plantes et des animaux qu'on ne trouve que dans les forêts équatoriales - une rafflésie, une sarracenia, un chevrotain, un tapir.
- Vous semblez plein d'enthousiasme, répliquai-je. Il se pourrait pourtant que l'indépendance vous mette au chômage.
- Vous autres Chinois êtes encore plus terrifiés par le Merkeda que nous, les Blancs." observa-t-il avec un sourire oblique.
C'était vrai, surtout pour les Chinois du Détroit élevés à l'anglaise - les Chinois du Roi, comme nous nous appelions nous-mêmes. Nous avions vu les mouvements pour l'indépendance sombrer dans la violence en Inde, en Birmanie et dans les Indes orientales hollandaises, et nous redoutions que des conflits communautaires du même genre ne déchirent également la Malaisie. Ne sachant quel serait notre sort sous la férule des Malais, nous préférions que les Anglais gouvernent le pays en attendant qu'il soit prêt à l'indépendance. Mais quand serait-il prêt ? Personne n'était disposé à le dire.
Votre esprit ressemble à une feuille de papier tue-mouches pendant au plafond, se lamentait Aritomo. La moindre pesée y reste collée, si fugace et insignifiante soit-elle.