Solos d'amour

Il est nerveux pour sa mère, pour sa soeur, pour lui-même mais, à Thanksgiving, tout se déroule assez bien jusqu'à ce qu'ils aient bu quatre bouteilles de sauternes californien et qu'ils commencent à s'agiter et à s'énerver d'être restés si longtemps, dans la salle à manger, assis autour de la table en acajou brillante des Springer sur laquelle deux nappes se chevauchent pour cacher la rallonge. La journée est exceptionnellement chaude pour la saison, trouée d'averses éparses. La sécheresse de l'été est oubliée. Il faudrait des gelées maintenant. Les jonquilles et les crocus percent, les lilas sont en boutons, comme en avril.

Quand j'entrai à l'université, j'avais cessé de craindre (et cessé de rêver) que mon père serait mis au ban de la société. Il avait alors passé la cinquantaine, un âge respectable. Après avoir partagé sa vie cinq ans durant, je compris que sa liaison avec l'infamie n'était qu'un petit flirt et non un amour destructeur. Seule la mort le ferait tomber, et pas si bas que ça, pas dans mon coeur.