Elles se retrouvèrent et la lecture et n’en fut que plus belle. Sensation particulière. Souvenirs et sourires. Cette chronique est marquée du sceau de la nostalgie, celle de l’adolescence, de ces rencontres inopinées et sincères, cette période durant laquelle chaque individu apprend à se forger, à se connaître. J’ai rencontré Laurine alors que je tenais un Skyblog, nous étions toutes deux très jeunes (et nous le sommes encore), passionnées par l’écriture, sans doute un poil idéalistes et rêveuses. Je me souviens encore du livre qu’elle écrivait et postait, chapitre par chapitre, sur la toile. Je me souviens encore du titre ainsi que du nom du personnage principal. Je me souviens encore de sa plume que j’aimais beaucoup et des valeurs qu’elle voulait déjà véhiculer. J’ai, avec un plaisir non dissimulé, retrouvé son style il y a peu, savourant la passion qu’elle met dans chaque phrase, l’envie qui transparaît dans chaque mot.
Ils découvrirent l'histoire et plongèrent au coeur de l'horreur. Comme le laisse présager le titre, un bain de sang attend les lecteurs, nous sommes bien loin du conte de fées et des belles histoires toutes roses. Il est question de meurtre, d'une série de meurtres aussi monstrueux que violents, aussi ignobles qu'homophobes… de l'amour autant que de la haine, une apnée permanente pour comprendre et endiguer l'hémorragie, un souffle de vie que l'on retient… Laurine Valenheler nous invite ici à assister à un odieux spectacle, à une pièce grotesque dont nous sommes les acteurs de l'ombre, à un drame à ciel ouvert qui ne compte plus les témoins silencieux. Tensions, rages, violences et tortures, l'horreur est à son paroxysme à mesure que des hommes meurent, à mesure que la volonté de tuer prend le pas sur celle d'aimer, à mesure que l'on dévore chaque page avec ardeur. Selon l'angle de lecture que l'on décide d'adopter, l'enquête est l'élément principal ou le fil rouge d'une autre intrigue, un long ruban jaune et noir que l'on déroule autour du crime qu'est l'assassinat de couple en raison de leur orientation sexuelle.
Je fis la connaissance d'êtres sensibles et m'attachai à eux. Maël et son mari Yohann, deux policiers, sont au coeur du récit. Autour d'eux gravite une multitude de visages représentant autant de caractères et perceptions de l'homosexualité aujourd'hui en France. Les personnages, et surtout le couple formé par les deux hommes, sont profondément fouillés, travaillés, on sent un réel intérêt pour leur passé, pour les individus derrière le masque. À travers la construction des protagonistes, l'auteure interroge l'importance de la confiance dans les relations, des notions telles que le respect ou le jugement. Les rapports de forces et les pressions sociales exercent ici toute leur puissance et se déploient à grand fracas, traduisant toutes les difficultés qu'éprouvent les couples homosexuels à trouver leur place dans la société. Que les passages concernent Maël, Yohann ou encore le tueur, tous les éléments nous sont fournis afin de brosser un portrait le plus cohérent possible, afin d'être en mesure d'analyser et de comprendre la psychologie de chacun. J'avoue que j'ai parfois eu envie de secouer quelques personnes, de leur faire ouvrir les yeux, de leur hurler dessus afin qu'ils agissent ou réagissent. Ces comportements reflètent malheureusement la réalité et ne manquent pas de crédibilité, au contraire. J'ai vraiment apprécié plonger au coeur de la vie du couple, me familiariser avec leur histoire grâce aux nombreux sauts dans le temps, grâce à toute la tendresse qui se dégage de leur amour.
Ils se marièrent et le combat contre l'homophobie s'intensifia. L'homophobie, au même titre que d'autres phobies, gâche des vies, en France mais aussi partout dans le monde. Des étapes ont été franchi, mariage, adoption pour tous, ce sont surtout les mentalités qui ont besoin de changer et de s'ouvrir. le récit de Maël et Yohann, à l'image de celui d'autres couples, est marqué par une période de descente aux enfers, par des souffrances aussi bien physiques que psychologiques, par un combat permanent tellement éprouvant… Que l'on soit engagé ou non pour défendre cette cause, il n'empêche que les persécutions sont bien réelles, que les violences le sont tout autant et que la haine gangrène le coeur de certains individus.
Ils s'aimèrent et leur amour déchaîna la haine. le message de ce livre n'est bien évidemment pas innocent et j'ai grandement apprécié le fait qu'il ne soit pas moralisateur. Ce récit met en lumière, pointe du doigt et dénonce mais sans excès, et toujours avec pudeur et respect. Les points évoqués nous amènent à réfléchir, à considérer les choses autrement ou tout du moins à les voir avec un autre oeil, plus aguerri. Il est nécessaire de se défaire des clichés, qu'ils soient de genre ou non. Laurine nous expose des faits, des représentations, de multiples situations qui balaient le panorama actuel, qui le dépasse pour mieux sans extraire. Nous devrions non seulement être libres d'aimer qui nous voulons mais aussi et surtout, de le montrer sans avoir peur des représailles, personne ne devrait devoir cacher cet amour. L'homosexualité n'est pas un délit, c'est l'homophobie qui en est un. L'auteure n'est pas là pour vous exposer son point de vue - on peut le deviner mais il n'est pas mis en avant - elle vous propose différentes pistes pour comprendre, pousser plus loin la réflexion et tendre la main.
Nous apprîmes l'identité du tueur mais eûmes la gorge nouée toute la lecture durant. L'accent est mis sur la tension et la psychologie davantage que sur le suspense lié à la révélation quant au meurtrier. Nous devinons assez facilement les grandes ficelles mais cela importe peu tant nous sommes absorbés dans l'histoire, tentant de comprendre le pourquoi du comment, les motivations et les moyens d'action. Nous observons la façon dont l'assassin s'insinue dans la vie des victimes ; la manipulation est un art dans lequel il excelle. ll traque ses proies tel le plus patient des prédateurs et attend le moment idéal pour bondir, frapper, tuer. L'enquête piétine pour retrouver celui que l'on surnomme déjà le tueur au triangle rose, en référence au bout de tissu qu'il laisse sur chaque scène de crime. Quelques longueurs se font sentir - dur d'y échapper sur plus de cinq cents pages - traduisant toute la lassitude des forces de l'ordre et les impasses auxquelles elles sont confrontées.
Elle écrivit et les mots dansèrent sous mes yeux. Je suis (re)tombée amoureuse de la plume de Laurine. J'aimais déjà profondément son style il y a près de dix ans, je le redécouvre aujourd'hui, toujours aussi sublime et sans doute aussi plus mature. Il s'en dégage une certaine forme de sincérité et de pureté, j'ai ressenti toute son authenticité, son élégance et sa franchise. le style de Laurine s'adapte aux situations décrites, tantôt cru ou poétique. le texte est, dans son intégralité, écrit avec un profond respect, non seulement pour la cause défendue mais aussi pour les idées et la manière dont elles sont exprimées. Ils se marierent et il y eut beaucoup de sang est un pavé qui se lit vraiment bien, que l'on dévore, happé par l'histoire du couple, par cette série de meurtres et par la plume qui nous embarque au coeur de l'amour et de l'horreur. Merci Laurine pour ce magnifique voyage, pour ces instants intenses et éprouvants, pour cette boule qui n'a pas quitté ma gorge, pour les émotions que tu transmets et les messages que tu véhicules. Tu nous prouves ici que tu es une véritable virtuose des mots.
Elle travailla d'arrache-pied pour documenter son livre et le résultat fut à la hauteur du labeur. Laurine ne laisse rien au hasard, elle a effectué un vrai travail de fond, de documentation pour coller au plus près de la réalité. L'immersion au coeur de la police fut totale, et plus particulièrement au coeur de la PJ. Nous découvrons chaque service, leur rôle mais aussi les membres qui les composent. Nous visitons Paris, bien souvent pour nous rendre sur de sordides scènes de crimes, afin de constater l'étendue des dégâts… Toutefois, créer un environnement réaliste ne constitue pas le seul exercice auquel s'est prêté la jeune auteure. En plus de traiter avec énormément de respect l'homosexualité en France, un hommage est également rendu. Un hommage à toutes les victimes de violences homophobes. Un hommage aux hommes déportés lors de la Seconde Guerre mondiale en raison de leur orientation sexuelle. Ces individus étaient identifiés à l'aide d'un triangle rose, à l'instar de l'étoile jaune des Juifs. Il s'agit ici d'honorer leur mémoire, de dénoncer les crimes des nazis sans pour autant tomber dans un interminable plaidoyer. L'évocation des triangles roses dans le livre apporte une profondeur historique au récit et l'ancre dans un contexte palpable et douloureux. le site web de l'auteure comporte d'ailleurs une rubrique intitulée “Compléments d'enquête”, elle y aborde la question de l'homophobie en France mais pas que, je vous conseille d'y jeter un coup d'oeil.
Ils terminèrent leur lecture et eurent envie de crier leur désespoir au monde. Ce livre fut une très belle surprise, presque une révélation. J'ai pris le temps de le savourer, de peser et soupeser chaque mot, de laisser les émotions gagner mon coeur en même temps que l'horreur me saisissait. J'ai eu ma gorge nouée, une boule au ventre permanente à l'idée de contempler toute la cruauté dont un individu peut être capable afin d'assouvir ses pulsions meurtrières. J'ai plus d'une fois eu envie de me révolter contre cette situation et j'espère, en prenant la plume avec cette chronique, en vous rédigeant ces quelques mots, que vous ressentirez la détresse qui m'envahit et le désespoir qui me gagne. Blagues douteuses, provocations, insultes, coups, cela ne devrait pas se produire… Ils se marièrent et il y eut beaucoup de sang n'est pas juste un policier psychologique, c'est un message d'amour et de tolérance, une invitation à vivre tous ensemble, égaux et aimants.
Lien :
https://wolkaiw.blogspot.com..