Quand je me souviens de la fureur que la simple évocation du mot « père » provoquait en moi à l’adolescence, je ne crois pas que je l’aurais reçu avec les honneurs nécessaires…
Que ce n’était pas aussi simple que « le méchant papa quitte joyeusement sa femme et son enfant pour aller photographier les filles à Paris ». Que j’étais trop petite pour comprendre ce que pouvait être les coulisses d’un couple et d’une famille : un équilibre fragile.
Il semble à la fois heureux, surpris et dépité, mais surtout incapable d’exprimer ce qu’il ressent au fond de lui. Comme si les mots pour dire l’amour étaient trop violents pour lui, trop déchirants, et sans doute trop chargés de ces émotions qu’il a si longtemps repoussées sous sa chape de contrôle.
Alors je suis émue que cet homme fort, solide, qui traite des affaires avec les plus puissants de ce monde, se retrouve timide et empêtré devant moi. Je me serre davantage contre lui pour le protéger de mon amour.
On va utiliser les réseaux sociaux pour retourner l’opinion. On va même jouer sur la qualité principale de cette opinion : sa versatilité…
Et elle me raconte alors les chutes sur les podiums, les pieds qui se prennent dans les tapis, les talons qui cassent, les coutures qui se déchirent, les zips qui se coincent, bref tous les petits incidents qui rendent périlleux le parcours des modèles sur le catwalk. Auxquels s’ajoutent jalousies et rivalités intestines…
En rentrant de l’entretien qui a mis fin à ma carrière chez Idol, je me suis réfugiée dans le lit d’Aaron, comme si son parfum pouvait me rassurer et me consoler de tous les malheurs qui se sont abattus depuis cette soirée éprouvante.
S’ajoute à mes tourments professionnels un sentiment de solitude intense doublé d’impuissance quand je pense à ce que vit Aaron depuis hier. Mon corps le cherche malgré moi à chaque fois que je m’assoupis, mais dès que je dors quelques minutes, l’inquiétude vient me réveiller : que vais-je devenir à présent ? Que va pouvoir être ma vie maintenant que tout ce qui comptait pour moi vient de me fermer ses portes ?
Finies mes aspirations au métier de mes rêves, terminés mes premiers contacts prometteurs, exit mes opportunités et mes grands espoirs, tout s’écroule. À compter de cette minute fatidique, je n’existe plus dans le milieu de la mode et j’y suis même persona non grata.
Je ne sais pas pourquoi quelqu’un lui en voudrait à ce point, mais je ne crois pas aux coïncidences, dit Miles d’un ton qui me fait froid dans le dos. Des appels anonymes, des menaces, des décors qui tombent, des spots qui se décrochent et maintenant cette photo ? Aaron est la cible, c’est sûr.