- Quand comptais-tu me le dire ? je chuchote.
Son expression me dit tout ce que je veux savoir.
Jamais.
Ma tante se trompe si elle croit que je la hais.
J'ai appris que cela demandait trop d'énergie, je ne réserve ce sentiment que pour quelques personnes.
Un temps idéal, magnifique, pour se prélasser à la plage ou partir en excursion dans une des vallées cachées de Star Island. Un temps qui m'aurait donné des fourmis dans les jambes, un an auparavant.
Quand j'étais insouciante.
quand les cauchemars ne frottaient pas mon âmeau papier de verre.
Mon adversaire, si lointain et si proche en même temps. Je serre les poings, comme si, à distance, je pouvais me battre. Le vaincre. Le mettre KO. Je ne me tairai plus. Je ne suivrai plus les directives qui ont été tracées pour moi, sans que l’on me consulte. Je ne conformerai plus aux ordres. Je vais révéler ma voix. Et dire ce que je suis. Qui je suis.
Je ferme les paupières pour ne plus voir les fantômes, ceux des morts et des vivants qui hantent l’habitacle de l’avion.
Puis j’ai réalisé que la haine ne m’était d’aucun secours. Qu’elle me ramenait toujours au passé alors que je voulais désespérément avancer.
Colère. Colère envers moi, envers lui, envers ceux qui l’ont aidé. Dégoût.
Et, sous ces couches successives, tel un océan ne dévoilant pas ses dangers, un chagrin dévorant. Une flamme sombre, un feu de brousse qui continue de brûler, d’anéantir tout sur son passage, terre noircie, devenue stérile, qui n’a plus rien à donner.
- Nous sommes des créatures éphémères qui rêvons d’éternité. Des créatures fragiles aussi, que la vie ne ménage pas. Chaque jour, nous devons vivre avec le poids de notre mémoire. Le souvenir de ce qu’on nous a infligé, les stigmates de la violence, du rejet, de la cruauté. Je l’ai subi aussi. J’ai bataillé pendant des années avec mes propres démons. Quelle chance, me disais-je, si je pouvais les oublier . Effectuer des frappes chirurgicales, supprimer ce qui ne me convenait pas. Reconstruire ma mémoire comme on bâtit une maison, brique par brique. Memorex était une solution au début, mais je me suis rendu compte qu’elle n’allait pas assez loin.
Colère. Colère envers moi, envers lui, envers ceux qui l'ont aidé. Dégoût.
Et, sous ces couches successives, tel un océan ne dévoilant pas ses dangers, un chagrin dévorant. Une flamme sombre, un feu de brousse qui continue de brûler, d'anéantir tout sur son passage, terre noircie, devenue stérile, qui n'a plus rien à donner.
..... quand les cauchemars ne frottaient pas mon âme au papier de verre.