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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
J.D Vance... Quand on tape ce nom dans un moteur de recherche, on s'attend à l'image typique du rustre né au cul des vaches ou plus précisément à l'illustration du hillbilly comme il se qualifie lui-même, et là, le choc ! On découvre un petit gars tellement propre sur lui qu'on l'opèrerait sans champ stérile. En fait, pour faire cliché, si le GOP avait besoin d'une photo pour illustrer le visage de ses disciples, on pourrait mettre celle de J.D Vance tellement il fait l'affaire. Et on ne se tromperait pas, deux recherches plus loin, on apprend que ce monsieur est républicain, conservateur et... trumpiste, bien entendu parce que quand il manque un ingrédient au cocktail, c'est jamais aussi réussi.
J'aurais dû faire cette recherche avant d'acheter le livre ! Enfin, j'aurais fini par m'en rendre compte sur la fin quand, durant une dizaine de pages, on frôle quand même pas mal le prosélytisme droitard (et où – anecdote riante, elle est en plus, je vous la mets quand même ? – on apprend, j'ignorais, que si Obama est si détesté du clan white trash ultra raciste des Appalaches, ce n'est absolument pas pour sa couleur de peau... Nenni ! Et c'est vrai que les racistes n'aiment pas les Noirs pour toutes sortes de raisons mais sûrement jamais pour une bête histoire de pigmentation, il faudrait faire bien des raccourcis pour en arriver à cette conclusion idiote).
Bon, oui, d'accord, il y a un peu d'amertume dans ce début de bafouille. Pourtant je n'ai rien contre la lecture d'auteurs ayant des opinions divergentes des miennes mais bon, y'a des limites. Un trumpiste, tout de même !
Passons.

Avant de devenir le J.D Vance dont on parlait plus haut, Hillbilly Élégie revient sur la dèche que furent ses jeunes années. Né d'une mère encore adolescente option toxico et d'un père qui l'abandonne avant d'avoir eu le temps de dire « péquenaud », Vance passe le plus clair de sa jeunesse chez ses grand-parents maternels dans un Kentucky farci de petits blancs si loqueteux que rares sont ceux qui atteignent la majorité sans être passés par la case prison et avec toutes leurs dents en prime. Lui finit par entrer dans les marines, puis en revient, puis fait des études, puis entre à Yale, puis devient l'avocat politicien sus-mentionné.
Honnêtement, certains passages sont savoureux : quand Vance nous décrit les conditions de vie de ses grands-parents, mettant tout particulièrement l'accent sur le caractère siphonné de sa grand-mère dans la plus pure tradition des Ma Dalton sudistes, armée tout pareil et prête à en découdre avec le premier gus qui aurait eu la mauvaise idée de venir la faire chier.
Malheureusement, sorti de là, en rien il ne nous éclaire vraiment (voire même ignore totalement le sujet) sur les violences domestiques, l'éducation et le racisme que l'on sait pourtant fortement ancré dans ces zones culturellement reculées qui ont voté, soutenu et soutiennent encore Trump comme étant le messie si longtemps espéré.
Et il a beau s'en défendre, difficile de faire taire sa nature et à plusieurs reprises, en filigrane, on comprend qu'il blâme les pauvres d'être pauvres, coupables de leur mauvais choix (toujours à choisir le pire quand ils auraient aussi pu choisir... le pire), trop bêtes pour comprendre qu'il faut travailler pour gagner de l'argent, bref une bande de fainéants contents de vivre de l'assistanat* (notons que quand ses études dans la prestigieuse université de Yale lui ont été payées quasi au complet par les aides sociales, ça lui a cette fois semblé tout ce qu'il y avait de naturel...)

Difficile ainsi de se faire un avis tranché sur ce livre, il est d'un côté tout plein de faits intéressants pour quiconque s'intéresse un peu à l'Amérique en général et à sa culture white trash en particulier. Pas souvent qu'on est amené à faire ce genre de voyage, les ouvrages étant rares dans nos contrées. Mais d'un autre côté et je le répète, si je suis capable d'entendre des convictions contraires aux miennes dans l'argumentaire, assener son idéologie et ses observations (confinant souvent à de simples banalités du genre la pauvreté engendre la pauvreté... attends, what ?!), ) comme parole d'évangile, on en revient assez vite. Finalement, ce bouquin, c'est juste l'itinéraire d'un p'tit gars qui a réussi à s'extraire de son trou perdu en réalisant le rêve américain, celui dont les appalachiens dans leur grande majorité ne soupçonnent même pas l'existence.
En conclusion et pour paraphraser Chris Offutt :
« — C'est où, chez vous ?
— Kentucky.
— Quelle partie ?
— Celle que les gens quittent. »

* A noter qu'en réponse à cet Hillbilly Élégie, un groupe d'écrivains et de défenseurs des Appalaches de l'Ohio ont crée un petit évènement virtuel consistant en la lecture de textes d'auteurs du cru afin de donner une vision moins dégradée de cette région.
Événement portant le doux nom de « Don't cry for us, J.D. Vance »
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C'est encore dans la perspective du mois américain que j'ai lu ce livre, qui n'est pas un roman, mais un essai d'un jeune auteur sur la région dont il est originaire, les Appalaches. Il vient précisément du Kentucky, d'un endroit où le déclin de l'industrie métallurgique et de celle du charbon ont laissé en plan toute une population qui survit de petits boulots, ou de l'aide sociale. Une énorme rancoeur anime ces petits blancs pauvres, « white trash » ou hillbillies comme on les nomme dans cette région, rancoeur qui les a poussé en grande partie à un vote contestataire pour un milliardaire qui n'en a rien à faire d'eux. Mais les petits blancs des Appalaches, en grande partie Irlando-écossais, n'en sont pas à une contradiction près, se plaignant du manque de travail, mais incapables d'en conserver un, pour ne citer que cet exemple donné par l'auteur.

Si le jeune auteur, né en 1984, n'hésite pas à pointer les défauts de ses compatriotes du Kentucky, il ne les caricature pas toutefois, et trouve même de nombreuses explications économiques et sociales, voire religieuses, à leurs faiblesses. Toutefois, si tout cela est fort bien expliqué d'entrée dans l'introduction, le corps du livre lui-même est essentiellement autobiographique, partant de la vie de ses grands-parents, des personnages hauts en couleurs, pour parler ensuite de sa mère, infirmière célibataire accro à différentes substances, ses oncles, tantes, sa soeur, ses amis et relations.
Ce faisant, J.D. Vance disserte beaucoup sur lui-même, son enfance, ses études, les personnes qui sur son chemin l'ont protégé et empêché de glisser vers la délinquance, vers une addiction ou une autre, ou vers le rejet du système scolaire. Comment, du milieu d'où il vient, avec l'enfance qu'il a eu, il est devenu avocat, constitue le noyau du livre, et si c'est intéressant, c'est tout de même assez auto-centré, et l'analyse sociologique à côté de ça, paraît un peu vite réglée, et pas toujours approfondie… Je suis donc un peu mitigée après lecture, et si ce livre ne manque pas d'intérêt et complète certains romans, noirs le plus souvent, qui ont le même cadre, il ne m'a pas totalement convaincue. Peut-être aurait-il fallu pour cela que le style soit plus brillant, plus remarquable, ce qui, à mon avis, n'est pas le cas, toutefois, je ne voudrais pas vous décourager de le lire.
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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J. D. Vance est avocat. Il l'est devenu après de brillantes études qui l'ont mené à l'université de Yale. Mais, a priori, rien ne le destinait à suivre ce parcours. Vance est en effet issu de la classe pauvre américaine et plus particulièrement de cette communauté laborieuse de petits blancs des Appalaches, les Hillbillies, qui a subi la crise minière et celle de l'industrie dans ce que l'on appelle la rust belt, cette ceinture de la rouille dont le nom évoque la décrépitude de l'outil minier et industriel.
À travers le récit de son parcours, J. D. Vance entend faire connaître cette communauté et les problèmes dont elle souffre : pauvreté, alcoolisme, drogue, archaïsme des structures sociales sur lesquelles elle fonde en partie ses valeurs… en fin de compte une certaine inadaptation à l'Amérique moderne. Vance, on l'a dit est avocat, et on le ressent bien dans son écriture qui tient moins, malgré son titre, de l'ambition littéraire que du plaidoyer – ce qui nous évitera au moins les éternelles comparaisons avec Faulkner ou Steinbeck. Un plaidoyer qui pour sa part est d'ailleurs moins en faveur des Hillbillies que de Vance lui-même.
Car, de fait, on ne peut pas vraiment lire Hillbilly Élégie comme une oeuvre de réhabilitation de la communauté dont Vance est issue et qui pâtit d'un évident mépris de classe, mais plutôt comme une manière pour Vance de célébrer son propre parcours et sa capacité – avec l'aide notamment de sa grand-mère, de sa soeur, de sa tante, des Marines et de quelques enseignants – à s'extraire de son milieu pour s'élever dans la société américaine pour vivre son rêve américain en se débarrassant peu à peu de ses oripeaux de plouc des collines.
C'est certainement là que se trouve d'ailleurs le véritable intérêt du livre de J. D. Vance ; dans cette manière dont l'auteur vit son identité de Hillbilly comme un véritable conflit intérieur. Vance se trouve partagé – écartelé même – entre la fierté de ses origines et de la solidarité du cercle communautaire dans lequel il a grandi et une certaine honte de ce que peut être cette communauté incapable de s'extraire de sa condition. Plus encore, Vance – et cela est palpable dès l'introduction – tire en grande partie sa fierté du fait qu'il a réussi à sortir de la communauté hillbillie pour s'élever socialement et s'intégrer à un milieu qu'il n'était pas sensé fréquenter. Au point qu'il finit par se sentir en quelque sorte étranger à sa communauté d'origine tout en continuant d'y être viscéralement attaché. Honte et fierté se mêlent donc et Vance essaie avec difficulté de concilier les deux identités – l'avocat brillant et le hillbilly – qu'il a fini par posséder et qui entrent en conflit.
Si cela est d'un véritable intérêt, c'est aussi clairement la limite du propos de Hillbilly Élégie. On peut légitimement avoir l'impression que Vance cherche à expliquer au lecteur ce qu'est la communauté hillbillie, son essence et les problèmes qu'elle subit. Mais, à part l'utilisation de quelques extraits d'études sociologiques et quelques regards jetés sur des voisins ou un collègue de travail, Vance n'entreprend aucune analyse solide. On ne peut certes pas reprocher à un récit qui se veut intime de ne pas être un essai sociologique, néanmoins l'ambition de Vance consistant à mettre en valeur « l'esprit » hillbilly se heurte à cette absence de confrontation véritable entre ce qu'il a vécu et ce que peut vivre le reste de sa communauté. Plus encore, Vance se fait très vite moraliste – pour ne pas dire moralisateur –, tirant des généralités de cas particuliers qu'il a pu connaître. Un de ses collègues était tout le temps en retard ? le Hillbilly est un fainéant incapable de se plier aux contraintes de la société. Une femme de sa connaissance est maltraitée par son mari ? le Hillbilly est alcoolique et violent et sa femme est incapable de sortir de son statut de victime. Tout cela alors que Vance lui-même, par son parcours, y compris auprès d'une grand-mère aimante et d'une famille qui l'a en grande partie protégé – même s'il a été délaissé et maltraité par sa mère – vient démentir ces généralités à l'emporte-pièce.
C'est que Vance a des convictions qu'il ne cache pas. Il est républicain et, s'il fait tout de même partie de ceux qui croient au welfare state, pense que les pauvres devraient un peu se prendre en main pour réussir comme lui l'a fait. Et on se trouve là encore face à une certaine contradiction. J'ai pu lire ici ou là que Vance aurait été l'écrivain qui a vu arriver l'élection de Trump. Peut-être. Si c'est le cas, c'est certainement parce qu'il s'est lui-même engagé de ce côté de l'échiquier politique. Mais nous dit-il que les Hillbillies votent Trump ? Même pas. Au contraire, les seules références en la matière sont le fait que ses grands-parents ont toujours voté démocrate sauf au moment de l'élection de Reagan. Toute étude sur les dernières élections – après Clinton, en gros – est éludée et l'on n'apprendra rien sur la manière dont a pu basculer ou pas le vote hillbilly – pour peu qu'il existe.
Bref, si Hillbilly Élégie n'est pas un livre inintéressant, il convient de le considérer pour ce qu'il est : un récit de vie assez platement écrit, un parcours personnel et une vision en conséquence partielle – et partiale – d'une communauté qui n'a pas valeur de généralité mais qu'il conviendrait de comparer avec d'autres récits du même type ou même avec la manière dont la communauté des petits blancs des Appalaches est évoquée dans la fiction. Sans doute pourrait-on alors si ce n'est voir, au moins discerner ce qui relève dans chacun de ces récits du cliché ou de la juste analyse.

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Considérant qu'il est toujours préférable de lire le livre avant de découvrir sa version pour petit ou grand écran, je me suis attaché à lire cette élégie qui n'en est d'ailleurs pas vraiment une et qui a été portée à l'écran sous le titre « une ode américaine ».
Je l'attendais à un roman et c'est une biographie que j'avais entre les mains. Trompé par la jaquette de ce bouquin pas trop épais qui parlait d'un « portrait de l'Amérique délaissée. de celle qui a voté Trump ».
Sauf que c'est là une extrapolation. Un peu rapide.
En fait, l'auteur qui n'avait qu'une trentaine d'années au moment de la sortie de ce qui est pour l'instant son unique ouvrage, raconte son parcours genre success story made in USA. Sans trop se mettre en avant mais en faisant comprendre que son parcours est exceptionnel si l'on sait d'où il vient.
C'est tout sauf de la grande écriture mais son récit a le mérite d'offrir à la fois un témoignage et une vision de cette Amérique profonde qui vit en partie dans la rust belt ou les Appalaches dont on nous a rabâché les oreilles que son vote faisait ou défaisait les présidents. La population locale victime du changement industriel et qui sombre selon l'auteur dans la misère de son plein gré. Parce que la culture séculaire de ces derniers n'offre que peu de chances de s'en tirer.
Alcool, drogue, violences, inculture font que le destin de cette communauté ne s'annonce pas rose. L'auteur, grâce à l'aide de quelques membres de sa famille, et surtout de ses grands-parents, et aussi par une volonté de s'en sortir, a suivi un parcours ds plus originaux qui ont fait passer ce sans le sou sans avenir, des bans du lycée aux … Marines et à oeuvrer chez les meilleurs avocats de la place.
Ça se lit rapidement avant de déguster l'adaptation sur Netflix.
L'auteur JD Vance ne livre pas vraiment de recette pour s'en tirer. Mais son parcours est intéressant à suivre. Motivant.
Bref une analyse sans concession qu'il est intéressant de suivre.
Petit bémol. L'auteur qui avait été cité par Hillary Clinton penche plutôt pour Trump alors que dans son livre il exprime des positions plutôt sociales. le 1er juillet de cette année il a d'ailleurs présenté sa candidature au sénat pour le parti républicain. En déclarant avoir été convaincu par l'ancien président de Trump.
Son bouquin laisse entrevoir la désillusion des Américains blancs ruraux à l'égard d'un gouvernement et d'une société qui les avaient laissés pour compte. le comportement de l'auteur depuis son succès décrédibilise fortement la portée de son livre.
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Traduit par Vincent Raynaud

Le livre s'ouvre sur une excuse, celle de l'auteur de 32 ans : "Je n'ai pas écrit ce livre parce que j'ai fait quoi que ce soit de remarquable. Au contraire, je l'ai fait après avoir réussi une chose assez commune qui, pourtant, n'arrive presque jamais à ceux qui ont grandi là où je suis né. Car, voyez-vous, je viens d'une famille pauvre de la Rust Belt, une ancienne région industrielle, ayant vécu dans une petite ville de l'Ohio où l'on produisait de l'acier et qui subit une récession et connaît une découragement croissant d'aussi loin que remontent mes souvenirs."

J. D. Vance, qui est devenu avocat, raconte la vie de ses grand-parents, de ses parents et la sienne, dans les Appalaches, celle de l'Amérique profonde, pauvre et blanche. Un "hillbilly", c'est ainsi que se surnomment eux-mêmes les gens là-bas : le mot signifie "péquenot". Autrement dit, "les péquenots des collines" ! Ce sont les descendants des Irlando-Ecossais qui ont émigrés aux Etats-Unis. Pas les chicos "WASP" "(white anglo protestant du Nord-Est). Bref, les hillbillies sont la classe ouvrière blanche, catholique et pauvre des Etats-Unis.

Mamaw, la grand-mère de l'auteur, enceinte à treize ans d'un garçon de seize, a dû fuir Jackson, sa ville d'origine, à cause des pressions familiales dues à son état. Elle prend la poudre d'escampette avec Jim, un bébé à naître, qui ne vivra que fort peu mais ne sera pas sans conséquences : "Toute la vie de Mamaw - et la trajectoire de notre famille - a peut-être été bouleversée par un bébé qui n'a vécu que six jours", remarque l'auteur ! le couple atterrit à Middletown. Huit fausses couches en dix ans, voilà ce qui attend Mamaw avant de donner naissance à la mère de l'auteur, en 1961.

Pendant ce temps, Papaw trouve du travail chez Armco, une entreprise sidérurgique qui recrutait activement dans le bassin minier de l'est du Kentucky. "Il existait une véritable politique d'encouragement à l'émigration massive : les candidats qui avaient un parent chez Armco figuraient en tête de liste." Les hommes d'Armco faisaient le tour des villes en promettant un avenir meilleur à ceux qui étaient prêts à déménager dans le nord et à travailler à l'usine. Des millions de gens empruntèrent ainsi la "Hillbilly Highway" (surnom donné par les habitants des villes qui virent arriver cette population dans les années 50. Ainsi, la population de l'Ohio a explosé dans les années 60. Toute une génération a pu se hisser au-dessus de sa condition et vivre décemment grâce à l'emploi massif dans l'industrie sidérurgique qui payait bien ses ouvriers, allié à une politique paternaliste de l'entreprise.
J. D. Vance décrit le choc culturel de ses grand-parents hillbilly avec l'autre population blanche de la ville, plus argentée et maniérée. Les hillbillies ne connaissent pas le concept de "vie privée" : tout s'étale dans la rue (sous le regard outragé des autres), ça gueule, ça se tape dessus, ça picole, chacun rentre chez chacun sans frapper. Mais ça s'aime et ça s'entraide, le sens de l'honneur passe avant tout le reste, quitte à sortir les poings. Bref, la vie dans la violence chevillée au corps.

Malgré tout cette génération était persuadée que leurs enfants seraient des cols blancs, que les mains dans le cambouis à l'usine ne serait pas leur avenir. Bien peu ont compris l'importance des études et poussé leurs gamins à aller au lycée et encore moins à l'université. "A Middletown, 20% de ceux qui entrent au lycée n'obtiendront pas leur diplôme. La plupart des 80% restants n'auront aucun diplôme universitaire. Et quasiment personne n'ira dans une université située hors de l'Ohio. Les élèves n'attendent pas grand chose d'eux mêmes car autour d'eux les gens ne font rien ou presque."

Effectivement, le problème c'est que dans les années 80, l'industrie sidérurgique a commencé à pérécliter, pour finir par délocaliser sa production, laissant sur le carreau et sans état d'âme tous les descendants de la génération d'ouvriers qu'elle avait fait venir. "Dans des endroits comme Middletown, les gens parlent tout le temps de travail. Vous pouvez traverser un ville où 30% des hommes jeunes bossent moins de 20 heures par semaine sans trouver personne qui ait conscience de sa propre fainéantise". Pourtant J. D. Vance ne leur jette pas la pierre mais porte cela sur le compte d'une forme de machisme (dans la culture appalachienne, les hommes n'acceptent pas des boulots qu'ils considèrent comme des boulots de femmes !), l'ignorance sur la façon de procéder pour trouver un emploi de bureau ; et la plupart n'ont accès qu'à des emplois à temps partiel.

J. D. Vance explique et réexplique que ce qui l'a sauvé de la misère et d'une destinée tout tracée, il le doit à ses grand--parents. Malgré leur vie tumultueuse et pas du tout exemplaire (Papaw fut un temps alcoolique avant de se reprendre, Mamaw fut violente), ils avaient compris que l'importance était l'instruction : ils ont poussé leur petit fils à prendre le chemin de l'université. Pourtant le gamin était promis à l'échec, avec une mère maniaco-dépressive quand elle n'était pas accro aux stupéfiants, passant de surcroît d'homme en homme, s'en séparant aussi vite qu'ils avaient surgit dans sa vie, se souciant bien peu des conséquences de cette instabilité familiale sur son fils, qu'elle aime pourtant. Destituée de ses droits sur son enfant, J. D. Vance est quasiment élevé par ses grands-parents qui lui offre un foyer stable et aimant.

L'auteur dresse un portait sans concessions de cette Amérique profonde et blanche. Malgré tout, il aime de tout coeur ces hillbillies dont il revendique haut et fort l'appartenance, malgré sa réussite sociale - après un engagement chez les Marines pour aller combattre en Irak, il poursuit ses études à la très cotée université de Yale et devient avocat après un parcours semé d'embûches.

Ce livre est un cri du coeur mais aussi une déclaration d'amour. J'ai apprécié la sincérité de l'auteur. Cependant ses idées, dans le registre "aide-toi et le Ciel t'aidera", sont un peu simplistes, même si pas totalement fausses. Bien sûr, on ne peut pas tout attendre des politiques et de l'aide sociale, bien sûr l'instruction est une nécessité absolue, bien sûr un foyer stable et aimant ça aide (mais avoir des parents divorcés n'empêche pas de réussir !). Mais comment s'y prendre pour persuader les plus en difficulté qu'ils doivent devenir des acteurs de leur vie au d'en rester les spectateurs ? Comment chacun peut apporter sa pierre à l'édifice dans la construction d'une société meilleure ?
"Sommes-nous assez durs pour nous [les hillbillies] regarder dans le miroir et admettre que nos comportements font du mal à nos enfants ?
Les politiques publiques peuvent aider, mais aucun gouvernement ne peut résoudre ces problèmes à notre place."

Finalement, ce livre a tendance parfois à enfoncer des portes ouvertes sans donner de vraies solutions aux questions soulevées.
Une chose est sûre : mon horizon d'attente a été biaisé par la quatrième de couverture qui annonce : "Il [J. D. Vance] décrit avec humanité et bienveillance la rude de vie de ces "petits blancs" du Midwest que l'on dit xénophobes et qui ont voté pour Donald Trump. Roman autobiographique, roman d'un transfuge, Hillbilly Elégie nous fait entendre la voix d'une classe désillusionnée et pose des questions essentielles. Comment peut-on ne pas manger à sa faim dans le pays le plus riche du monde ? Comment l'Amérique démocrate, ouvrière et digne est-elle devenue républicaine, pauvre et pleine de rancune ?"
Il n'est pas du tout question du vote Trump ni de racisme, mais bien d'un portrait ethnique et d'une photographie familiale sur plusieurs décennies. L'Amérique blanche qui a faim est évoquée seulement à la toute fin de l'ouvrage, quand l'auteur rencontre un gamin et s'aperçoit que ce gamin, blanc, a faim. Ca tient en quelques lignes. Il n'est pas question de rancune non plus. Il n'y a pas d'explication sur le vote Trump, même si on le devine entre les lignes sans trop de difficultés...

Malgré tout, J. D. Vance est doté d'un bel humanisme. Derrière ces lignes on devine quelqu'un d'attachant, qui croit en ses idées. J'ai regretté les nombreuses répétitions dans l'ouvrage, qui finissent par alourdir la lecture au fil des pages. Cependant cette autobiographie a le mérite d'être très documentée et donc instructive.

Une impression mitigée pour un livre dont j'attendais beaucoup.
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Verdict: un bon livre pour un public restreint.

Vance est un enfant des Appalaches, ou en tous cas un enfant des enfants des Appalaches. L'atavisme de la population “white trash” se retrouve dans les anecdotes de sa famille. Une mère alcoolique et un père perdu (puis retrouvé) se trouvent en périphérie de ce qui est un éloge de ses grands-parents et particulièrement de sa grand-mère.

On peut critiquer la pureté de l'héritage “hillbilly” de l'auteur et le livre en tant qu'analyse de cette population. J'ai aimé la sincérité de la narration, la candeur des anecdotes de sa jeunesse et le talent de l'auteur pour raconter son enfance sans complaisance ni amertume.

Il faut aimer les Etats-Unis, ou du moins vouloir les connaître et les comprendre pour aimer ce livre ; Vance peut être aussi un modèle pour certains, et donner des leçons pratiques à ceux qui peuvent se laisser tenter par l'hubris de la finance.
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A travers ses souvenirs personnels, l'auteur explore ce groupe humain, les "hillbillies", habitants des campagnes et petites villes du centre des Etats-Unis.
Très intéressant d'un point de vue ethnologique, l'ouvrage peut cependant lasser ceux qui cherchent avant tout un roman, avec une intrigue linéaire ... car c'est un pavé, très dense !
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J'avais adoré #uneodeamericaine, le film @netflixfr adapté de ce roman alors j'ai décidé de lire ce dernier.

Finalement j'ai eu beaucoup de mal. C'est un livre extrêmement intéressant et politiquement engagé. On apprend énormément sur les conditions sociales des Hillbillies mais je l'ai trouvé un peu redondant. Je l'avais même mis en pause pendant quelques mois.

Malgré tout c'est une magnifique histoire, pleine d'espoir et de courage. le narrateur qui conte sa biographie est vraiment un exemple de force, de volonté et d'ambition.
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Dans sa fort prometteuse préface, J.D Vance nous expose l'objectif de ce récit, basé sur son expérience personnelle : en évoquant le sort de la communauté dont il est issu, il s'agit de montrer quelle vie mènent les blancs les plus pauvres des Etats-Unis, et de mettre en évidence l'impact de cette pauvreté matérielle et spirituelle sur leurs enfants.

Cette communauté, désignée péjorativement comme celle des "Hillbillies", "Rednecks", ou encore "white trash", qui en passant du camp démocrate au camp républicain a entraîné une recomposition de la vie politique après Nixon, est constituée d'ouvriers non diplômés d'origine irlando-écossaise, dont les ancêtres se sont installés, lors de leur arrivée au XVIIIème siècle sur le sol américain, dans les Appalaches, occupant un secteur géographique allant de l'Alabama à la Géorgie au sud, et de l'Ohio à une partie de l'état de New-York au nord.

C'est donc non seulement l'aspect ethnique, mais aussi géographique, des particularités liées à la catégorie de population reconnue pour être la plus pessimiste du pays, qu'il est question d'aborder.

Plutôt que d'évoquer des données générales, il s'attachera à dépeindre la vie et les réactions des "gens normaux" quand, l'industrie disparaissant de leur paysage, ils doivent faire face aux difficultés conséquentes, annonçant d'emblée le constat qui ponctuera régulièrement son récit : le sort extrêmement rude de cette classe ouvrière, minée par la pauvreté, une faible mobilité sociale, les divorces, la drogue et l'alcoolisme, a des causes plus profondes que les seules tendances macro-économiques, et trouve également ses racines dans une dimension culturelle encourageant le déclassement plutôt que de lutter contre, en faisant porter l'entière responsabilité de la situation à des causes extérieures, et jamais à soi-même.

Au-delà de cette préface, J.D. Vance se focalise sur sa propre existence, de son enfance à l'aboutissement d'un parcours qui lui permettra, après quatre ans d'engagement dans les Marines, de faire des études de droit puis de devenir avocat.

Originaires de Jackson, dans le Kentucky, ses grands-parents maternels, les Blanton, migrèrent vers l'Ohio pour profiter des perspectives d'emplois offertes par une industrie local alors florissante. C'est en grande partie par eux, Papaw et Mamaw, ainsi qu'ils les appellent, que J.D. est élevé, fils d'un homme qu'il ne connut pas enfant (il renouera des liens avec son père à l'adolescence) et d'une femme qu'il aurait selon ses dires préféré ne pas connaître... Sa mère, tombée enceinte très jeune de sa soeur aînée Lindsay, rapidement séparée du père, brutal, de sa fille, ne parviendra jamais, en dépit de rares et brèves accalmies, à trouver de véritable stabilité financière et affective. Collectionnant les hommes, qu'elles imposaient d'emblée à ses enfants, elle tombe par ailleurs dans l'addiction aux médicaments puis aux drogues dures, faisant subir à Linday et J.D. des scènes traumatisantes.

La vie chez les grands-parents n'était pas pour autant un long fleuve tranquille... les Blanton sont décrits comme un clan tapageur et brutal, issu d'une lignée d'hommes et de femmes n'ayant pas hésité en leur temps à occire un rival trop envahissant ou un voleur guignant leurs biens, ce dont ils ont toujours tiré une fierté allant de soi, répondant à un code d'honneur appliqué à la lettre, peu importe les conséquences. Viscéralement attachés à la famille -qui s'entend au sens élargi, englobant pléthore d'oncles, de tantes, et autres cousins-, ces hillbillies grimpaient très vite dans les tours à la moindre insulte ou menace visant l'un de ses membres.

Quant à Mamaw, c'était la femme la plus coriace que quiconque connaissait, mais elle fût le véritable pilier, avec son époux, auquel J.D. put s'adosser pour accéder à ce rêve américain qui avait encore, pour ses grands-parents, un sens. Car comme autres valeurs primordiales à leurs yeux, figuraient celles du travail et de la réussite. Convaincus que seule la volonté de s'en sortir et de s'en donner les moyens permettait d'y parvenir, ils en ont également persuadé leur petit-fils.

C'est en découvrant d'autres milieux, à l'occasion notamment de ses études, qu'il réalise à la fois la singularité du milieu dont il vient, mais aussi son appartenance à ce dernier, ainsi que le traduit l'utilisation du pronom "nous" lorsqu'il énumère ses travers, même si lui a su les éviter : leur tendance naturelle à la brutalité et aux hurlements, le désordre extrême dans lequel ils vivent, leur sabotage quasi systématique de toute chance de stabilité professionnelle, la mauvaise hygiène de vie qui les condamnent à une santé défectueuse et à une mort précoce, leur méfiance irraisonnée envers les médias et en même temps la crédulité qui les pousse à adhérer aux théories conspirationnistes.

L'exemple de sa famille lui fait de même mesurer la scission qui s'est opérée entre la génération de ses grands-parents et celle de sa mère, la "vieille école gentiment croyante", indépendante et travailleuse s'opposant à une descendance consumériste, isolée, enragée et méfiante. La dégradation qu'il constate dans les milieux urbains où vivent les hillbillies témoigne aussi de ce déclassement, la pauvreté n'étant plus l'apanage des ghettos : les petites villes anciennement florissantes, où fast-food et supermarchés discount ont remplacé les magasins de quartier et les bistrots, affichent dorénavant les vitrines brisées des commerces abandonnés.

Une évolution certes due à un contexte économique et social dégradé -fermeture des usines, défaillance du système scolaire public...-, mais J.D. Vance pointe aussi avec insistance la responsabilité individuelle de ceux qui se laissent entretenir par le système, dont les comportements paraissent irrationnels tant ils sont irresponsables, s'endettant pour du superflu, faisant des enfants dont ils ne peuvent s'occuper, dépensant pour avoir l'air riche sans même songer à économiser pour les études de ces mêmes enfants ou pour avoir avoir une sécurité en cas de perte d'emploi. Entretenant, surtout, le cercle vicieux d'un pessimisme amer et de la sous-estime de soi, leur progéniture grandissant dans l'idée qu'ils sont trop pauvres ou trop stupides pour y arriver.

A l'absence d'exemple proche auquel se référer, donnant envie de se battre même si c'est dur, s'ajoute la perte de tout modèle sociétal et de toute fierté nationale, de la capacité d'adhésion à une croyance collective : exclus d'une société où le "capital social", dont ils sont complètement dépourvus, est indispensable à la réussite, ils semblent par ailleurs accentuer cette fracture par un cynisme et un sentiment de défaite destructeurs.

L'auteur nous fait ainsi entrevoir la complexité de la problématique liée à ces "déclassés", imbrication d'éléments sociaux, culturels, psychologiques, et démontre avec son exemple que l'environnement immédiat est capital pour casser la mécanique de la résignation à l'échec. Sans les encouragements de ses grands-parents, ou le courage de sa soeur qui s'est efforcée dès son plus jeune âge de le préserver des dérives maternelles, sans l'exemple des membres de sa famille ayant réussi à s'extirper du marasme auquel les condamnaient les statistiques, il admet qu'il aurait probablement lui-même échoué à vaincre ce déterminisme. Il en conclut que la réponse au problème ne réside pas seulement dans les institutions, mais au coeur des cellules familiales. Certes, mais je me permettrais d'ajouter que c'est un peu comme l'oeuf et la poule : causes et conséquences sont inextricablement liées, et même lui ne peut d'ailleurs vraiment déterminer ce qui relève de la responsabilité individuelle, et ce qui relève du contexte.

Même s'il étaie son récit d'extraits d'enquêtes et d'études, de l'exemple -un peu réducteur car se limitant à des anecdotes- de certains de ses voisins, j'ai eu le sentiment qu'il ne remplissait pas totalement la promesse énoncée en préface : il nous livre finalement l'histoire d'une exception, la sienne, au dépens d'une véritable approche de ces hillbillies dont on ne pénètre jamais vraiment l'intimité...

Il n'en reste pas moins que cette "élégie" est un récit très intéressant et très touchant, empreint d'une sincérité généralement bienveillante.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Ce qui est intéressant, c'est l'ouverture du récit par ces mots:

« Je n'ai pas écrit ce livre parce que j'ai fait quoi que ce soit de remarquable. Au contraire, je l'ai fait après avoir réussi une chose assez commune qui, pourtant, n'arrive presque jamais à ceux qui ont grandi là où je suis né. Car, voyez-vous, je viens d'une famille pauvre de la Rust Belt, une ancienne région industrielle, ayant vécu dans une petite ville de l'Ohio où l'on produisait de l'acier et qui subit une récession et connaît une découragement croissant d'aussi loin que remontent mes souvenirs. »

Et, en effet, l'auteur âgé de 32 ans lors de la publication de son autobiographie n'a pas tant de choses à relater sinon une enfance mouvementée et la réalisation du rêve américain ou, comme il le répète assez souvent dans la dernière partie du livre: « comment j'ai réussi » – si tant est que la réussite personnelle soit liée au nombre de dollars sur un compte en banque – mais je chipote….

Lecture intéressante, particulièrement la 1ère moitié qui concerne les origines de sa famille, l'enfance de l'auteur, « Hillbilly élégie » est bien documenté et ressemble presque à un essai, du moins au début du livre.
L'auteur n'explique pas « pourquoi les petits blancs pauvres ont voté Trump », l'astuce vendeuse de l'éditeur étant un peu facile, sur ce point; mais par la description de la vie des hillbillies, son expérience personnelle, on comprend mieux ce qui se profile derrière ce refuge dans la xénophobie et l'ultra-conservatisme (l'auteur ne se cache pas être lui-même un conservateur).

C'est là un récit très honnête, souvent poignant.
Malheureusement, la partie qui relate l'ascension sociale de l'auteur est assez fatigante et pleine de répétitions (je dois dire que j'ai lu le dernier tiers en grande diagonale, ne perdant pas grand chose au passage). Pourtant, je ne regrette en rien cette lecture, qui peut être un plus pour un(e) lecteur(rice) européen(ne). En effet, nous sommes assez perplexes devant ce vote (Trump) et parfois, nous oublions – ou ignorons ce qui est fort compréhensible- certaines réalités qui ne nous touchent pas forcément.
Pour finir, je me ferais l'avocat du diable en ajoutant que nous avons ici même en France nos propres « hillbillies »
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