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Citations sur Histoire secrète du Costaguana (28)

A 18 h 05, la manifestation révolutionnaire envahit peu à peu les rues de Panamá. Des cris collectifs s'élèvent : « Vive le Panamá libre ! Vive le général Huertas ! Vive le président Roosevelt ! » et, surtout : « Vive le canal ! » Les militaires gouvernementaux, alarmés, chargent leurs armes. L'un d'eux, le général Francisco de Paula Castro, se fait surprendre, caché derrière un cabinet malodorant, le pantalon bien relevé, les boutons de son uniforme bien logés dans leurs boutonnières, de telle sorte que l'excuse qu'il avance (il a parlé de désordres intestinaux) perd toute crédibilité Pourtant. par la magie du langage, le fameux Francisco est entré dans la postérité comme étant le général peureux qui «s'est chié dessus ». 20 h 07 : le colonel Jorge Martínez, aux commandes du croiseur Bogotá, ancré dans la baie de la ville révolutionnaire, apprend ce qui s'est passé sur la terre ferme et envoie au docteur Manuel Amador, leader des Insurgés, le message suivant : « Ou vous me remettez les généraux, ou je bombarde la ville de Panamá. » Amador, ému par la révolution, perd contenance et répond : « Faites donc ce qui vous sortira des couilles. » 20 h 38 : le colonel Martínez examine ses couilles et les trouve pleines d'obus de quinze livres. Il s'approche de la côte, charge son canon et tire neuf fois. Le premier obus tombe sur le quartier d'El Chorrillo, touche Sun Hao Wah (un Chinois qui meurt sur le coup), à quelques mètres d'Octavio Preciado (un Panaméen si effrayé qu'il a un infarctus). Le deuxième obus détruit la maison d'Ignacio Molino (Panaméen absent de chez lui à ce moment-là) et le troisième s'abat sur un immeuble du 12, rue Oeste, fauchant la vie de Babieca (panaméen, cheval percheron). Les obus quatre à neuf ne causent plus aucun dégât.
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Il n'est jamais de Dieu dans un pays où les hommes ne veulent pas s'aider eux-mêmes.

Joseph Conrad
Nostromo
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L’état civil de mon père avait donc été porté sur des pointillés, à côté d’indications rédigées en français (Nom, Prénom, Nationalité). En face de Profession ou emploi, quelqu’un avait écrit : « journaliste », et « mort naturelle » pour expliquer la Cause du décès. Je songeai à aller voir l’administration pour faire constater que Miguel Altamirano était mort de désillusion, voire de mélancolie, mais Charlotte me convainquit que ce serait une perte de temps.
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Tu sais, Eloísa chérie, que si mon récit se passait au temps du cinématographe (ah, le cinématographe : une créature qui aurait enchanté mon père !), l'appareil focaliserait à cet instant une fenêtre de la Jefferson House qui, soyons francs, était le seul hôtel de la ville digne de recevoir les ingénieurs du Lafayette. Le cinématographe se rapproche donc de la fenêtre et s'arrête sur des règles à calcul, des rapporteurs et des compas, puis sur la tête d'un enfant de cinq ans profondément endormi et sur le filet de salive qui s'échappe de sa bouche et tache le velours rouge du coussin ; après avoir franchi une porte close la magie des caméras ne connait pas d'interdits, l'engin capte les derniers mouvements d'un homme et d'une femme en plein coït. On remarque à leur transpiration qu’il ne s'agit pas d'habitants du cru. Je reparlerai de la femme plus longuement dans quelques lignes, mais ce qui compte pour l'instant, c'est de dire qu'elle ferme les yeux, masque d'une main la bouche de son mari pour que l'enfant ne soit pas réveillé par les inévitables (et imminents) bruits de I’orgasme. J’ajoute aussi qu'elle a de petits seins qui ont toujours été une source de conflit entre elle et les corsets. Passons à l’homme : un angle de trente degrés sépare sa poitrine de celle de la femme ; son bassin bouge avec la précision et l'invincible régularité d'un compresseur à gaz, et son habileté à respecter ces variables - l'angle et le rythme - est due en grande partie à la savante utilisation qu'il sait faire du troisième type de levier, dont la force, tout le monde le sait, est entre la charge et le point d'appui. Oui, lecteurs intelligents, vous l'avez deviné l'homme est un ingénieur.
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Les mots qu'on connaît bien prennent dans ce pays un sens cauchemardesque. La liberté, la démocratie, le patriotisme, le gouvernement – tous ont un parfum de folie et de meurtre.

Joseph Conrad,
Nostromo
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Quand il arriva à l'appartement, Joseph Conrad savait déjà que "Nostromo", cette oeuvre problématique, avait cessé d'être une simple histoire d'Italiens dans les Caraïbes, qu'elle traiterait davantage de la naissance traumatique d'un nouveau pays de l'Amérique latine traumatisée, un État dont on venait de lui parler dans des termes certes hyperboliques, contaminés par la magie tropicale, la tendance à la légende dont sont victimes les pauvres gens qui n'entendent rien à la politique.
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La douleur nous transforme, elle est la cause de désordres légers mais terrifiants.
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– que de dictons au ras des pâquerettes – "deux verres de science conduisent à l'athéisme, mais trois mènent à la foi".
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Ce soir-là comme bien des années plus tard sur un autre continent, j'arrivai dans une ville inconnue et cherchai un hôtel. J'avoue que je ne prêtai guère attention aux lieux et ne fus pas impressionné de voir le propriétaire - qui était aussi le réceptionniste - me tendre le registre en pointant sur moi une Winchester. Tel un somnambule, je quittai les lieux et me frayai un passage au milieu des mules et des charrettes et des charrettes tirées par des mules, jusqu'à un saloon de deux étages. Au-dessus de l'enseigne en bois indiquant General Grant flottait le drapeau rayé et frappé d'étoiles. Je m'accoudai au bar, commandai la même chose que mon voisin, mais avant que le barman moustachu m’eût servi un whisky j'avais déjà tourné les talons, bien plus intéressé par les clients et le spectacle dans la salle que par ce qui se passait au zinc.
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La fièvre jaune continua de tuer sans relâche, décimant surtout les Français arrivés de fraîche date. D'après l'évêque de Panamá, c'était une preuve suffisante pour dire que le fléau faisait des choix, qu'il était doué d'intelligence. L'évêque décrivit une grande main qui arrivait le soir chez les dissolus, les adultérins, les buveurs, les impies, et emportait leurs enfants comme si Colón avait été l'Egypte de l'Ancien Testament. « Les hommes à la morale irréprochable n'ont rien à craindre », déclara-t-il, et ses paroles rappelèrent à mon père les vieilles batailles contre Echavarría, à croire que certains épisodes de sa vie se répétaient avec le temps. Puis don Jaime Sosa, cousin de l'évêque et administrateur de la vieille cathédrale de Porto Bello, relique de l'époque coloniale, déclara qu'il se sentait mal, qu'il avait soif, et on l'enterra trois jours plus tard, bien que l'évêque en personne l'eût baigné dans une solution composée de whisky, de moutarde et d’eau bénite.
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