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Citations sur Un livre blanc : Récit avec cartes (15)

Terrains d'excursions balisés, les jungles, les déserts et les montagnes ont cessé d'être des terra incognitae : la frontière du monde connu passe désormais aux portes des villes. Les mégapoles s'indifférencient sur leurs marges, et les zones blanches sont les avant-postes de cette transformation, les points par où Lagos, Paris et Rio communiquent comme les bassins d'une écluse. Un double mouvement rapproche les grand centres urbains : à l'internationale, grossièrement mise en scène, des sièges sociaux et des salons VIP répond celle des terrains vagues et des bidonvilles, zones poreuses, reliées entre elles par un réseau de correspondances fines comme des réseaux capillaires et qui peuvent permettre de voyager sans bouger.
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À chaque fois, que ce soit devant les cabanes édifiées sous le pont de l'A86, sur les berges du canal Saint-Denis ou dans les salles aménagées par les fumeurs de crack dans les anciens entrepôts de la Sernam, porte d'Aubervilliers, ma naïveté m'exaspérait : venu chercher du merveilleux et ne découvrant que des ruines, je me faisais l'effet du capitaine Haddock qui, au début des Bijoux de la Castafiore, s'étonne que des gitans vivent dans une décharge. Soudain dévoilée, cette misère invisible emplissait mon champ de vision et modifiait mon point de vue sur la ville, comme ces photographies de paysages urbains que le Japonais Nasaro Nasahari prend immergé dans la mer, les vagues se mêlant aux édifices. Brusquement, je ne voyais plus que les ballots de vêtements accrochés aux arbres près de la gare de l'Est, les abris aménagés le long de la Seine dans les locaux inusités de la brigade fluviale et les huttes de cartons construites sur l'accotement du périphérique, porte de Bagnolet. Par endroits, Paris n'était plus que caravanes et immeubles désaffectés entre lesquels serpentaient, silencieuses et résignées, des files de silhouettes immobiles attendant des heures devant les préfectures, les soupes populaires et les pharmacies.
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Au bout de deux mois, j'avais complètement abandonnée l'idée de faire apparaître la moindre parcelle de merveilleux : les blancs des cartes masquaient, c'était clair, non pas l'étrange, mais le honteux, l'inacceptable, l'à peine croyable : des familles campant dans la boue en pleine ville et des hommes qui, comme à la Courneuve, sous l'A1, devaient aller arracher aux obstacles des parcours de santé avoisinant des rondins pour alimenter leur feu l'hiver.
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Au bout de deux mois, j'avais complètement abandonné l'idée de faire apparaître la moindre parcelle de merveilleux ; les blancs des cartes marquaient, c'était clair, non pas l'étrange, mais le honteux, l'inacceptable, l'à peine croyable : des familles campant dans la boue en pleine ville et des hommes qui, comme à la Courneuve, sous l'A1, devait aller arracher aux obstacles des parcours de santé avoisinants des rondins pour alimenter leur feu l'hiver. J'ai donc radicalement changé d'approche, décidant, à rebours des règles que je m'étais fixées, de m'intéresser au contexte, d'interroger les gens, de consulter des rapports et des spécialistes, bref, d'écrire une sorte de documentaire, un texte qui dirait : « Regardez, voilà comment des gens vivent dans votre ville, et vous, vous ne voyez rien ; pire, vous vous organisez pour les cacher. »
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Plutôt que de surcharger le dessin et d'en rompre les proportions avec des symboles compliqués, les cartographes laissent parfois certaines zones vierges. C'est particulièrement frappant sur les cartes de villes : l'espace y apparaît irrégulièrement perforé de trous bien nets, comme une boîte de chocolats vidée de ses meilleures pièces.
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« A peine entamée, mon expédition s’éloignait du chemin tracé : en lieu et place des mystères espérés, je ne trouvais qu’une misère odieuse et anachronique, un bidonville caché aux portes de Paris. »
« .. d’abord je ne voyais rien, j’avançais dans les ronces et les hautes herbes, puis, d’un coup, je me tenais devant l’entrée d’une tente ou butais contre une cloison de tôle (les abris paraissaient toujours vides) »
« J’écrivais comme on shoote dans des boites de conserve, lançant des phrases contre tout ce qui apparaissait. Je notais les trajectoires (glissement à gauche/craquement à droite) et ce qui fuyait à l’extrême limite de la vision (éclats, ombre, couleur) »
« C’était dans des endroits où la réalité excéderait le texte que je voulais me tenir le plus longtemps possible, regardant les phrases gigoter en tous sens comme des poissons fraîchement capturés »
« .. il fallait sans cesse rabattre le texte sur l’espace nu, sans direction, et empêcher la chaîne du récit de se refermer, la laissant battre contre le flanc des choses. Mon texte devait rester incomplet, parcellaire… »
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Malgré la couverture satellite permanente et le maillage des caméras de surveillance, nous ne connaissons rien du monde.
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Explorant mes terrains vagues, zones vouées à la pure potentialité, lieux de l'inconfort extrême où rien ni personne n'a de place assignée, j'avais le secret espoir que les notes désordonnées et contradictoires finissent par aboutir à un texte qui ressemble à cette terre mille fois retournée et mêlée de débris, à ces toiles d'araignée qui s'accrochaient aux oreilles et aux cheveux et à ces fruits poussant sans arrosage ni jardinier.
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Les scènes les plus bizarres apparaissent lorsqu'on parvient à déjouer les complexes mises en scènes des urbanistes. Pour y arriver, la simple déambulation curieuse et opiniâtre (la fameuse dérive des situationnistes) ne suffit plus : les périmètres sont maintenant sécurisés, les surfaces vernies et les portes condamnées.
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Les sites que je visitais étaient instables, en proie, comme une front de nuages, à une agitation perpétuelle : tout restait fuyant, à peine entrevu et , bien qu'immobile, j'étais chaque fois saisi par le "satori" du transit qui dérobe le monde.
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