Ainsi me suis-je mis à aimer ce qui était propulsé
dans ce monde
hors de l’écriture
Le petit jour dans les îles
Un simple oiseau revenu transfiguré de sa migration.
Il suffisait d’une barque
Il suffisait de ça.
si
vaste
était le mystère
de la vie
si
profonde
l’anxiété
qu’elle
véhiculait
que
presque sans raison
nous demeurions émotifs
sans raison ai-je dit
simplement
comme des âmes singulières
doutant de tout
surtout d’elles-mêmes
ainsi se faufilaient les ans
si profond étant notre étrange désir de vivre
Je
ne sais
pas
mais parfois
quand le ciel s'enveloppe dans
une sorte de bâche grise
même
le
bonheur
fait mal
MIDDELKERKE
L'OFFRANDE
Tenant son bouquet à la main, elle vint.
À tous, elle offrit (bien installée dans le présent) : roseau des sables, jonc des dunes, élyme des sables. Tout ce qui avait permis autrefois de fixer le mouvement des dunes afin qu'elles n'envahissent pas la cité.
Je songeais à cette flore dont j'étais le maître au moment même où ailleurs, nous nous laissions glisser dans les canaux sans voix.
Tenant son bouquet à la main.
Nous n'avions que peu de choses à nous dire mais il me semblait bien que cela prendrait la totalité d'une vie. C'est peut-être le calme de la nuit sur l'eau qui nous amène à réfléchir sur notre condition. Parfois la rame heurtait le fond permettant que remontent à la surface des objets, concernés par la lente et élégante sortie nocturne.
Elle vint, malgré l'interdit qui touchait la totalité de la population soumise.
Sa démarche était bien la même que celle- animale - de la plage. Sa beauté éclairée d'une manière différente. Seule la qualité du silence l'emportait. Noir était ce bateau ! Noire fut bientôt la nuit qui nous ramena à la réalité noire.
Au loin, très loin, venant d'où ? une musique guerrière se fit entendre. Nous répondîmes par encore plus de silence. Se glisser sous les ponts !
S'arrêter contre un lampadaire en pleine lumière rose & là, boire de ce vin âpre de nos vignes.
Tenant son bouquet elle vint.
Ailleurs, on devait l'attendre, s'impatienter, perdre la face. Le bouquet, de sa manière un peu rude, l'embellissait encore. Faite pour le bonheur ! Et c'est ainsi que je me mis à fredonner un air de révolte chanté autrefois par les Partisans.
Tenant son bouquet de graminées elle vint jusqu'à moi.
DANS LE SILLAGE DES MOTS
Extrait 2
J’ai combattu jusqu’à l’extrême. Maintenant il me reste à
rejoindre mon hôtel, palace pour fêtes légales & là, allongé
sur un lit, chaussures encore boueuses aux pieds, à regarder
l’eau du canal tressaillir, frémir, s’allonger, s’ouvrir !
Je ne fréquente pas les églises et leurs chefs-d’œuvre. La la-
gune s’en moque. Elle laisse la porte ouverte sur le tout petit
jour quand passe devant moi un remorqueur au moteur sans
âge. Debout. Droit, face au vent se tient l’homme gouvernail.
Sa silhouette attise le sentiment de beauté solitaire.
Ainsi suis-je à la fois celui qui écrit mais également cet autre
qui prend sur lui de lire des manuels militaires à l’usage du
bataillon de mouettes de l’infanterie de marine.
Kra – kris – kro – kas – kis – kris – krea – kra – ker – kar – kru – kas
Cet homme assis à sa place modeste dans le tramway qui longe les rails de la mer.
Cet homme ne regarde qu'à l'intérieur de lui-même & ne voit donc pas que, pour les autres voyageurs, il est l'énigme même : le Sphinx en larmes!
Celui qui est monté où ? A quelle station ? (...) A l'un de ces arrêts où il est in-dis-pen-sa-ble de faire signe au machiniste ! Quelque chose comme le premier homme sur la lune. Celui-ci je ne sais où il va descendre. Ce qu'il va faire. Mais ce sera dans l'étendue du sable sec puis mouillé. Mouillé puis sec. Avec de petits lacs nés ce matins.
(...) Maintenant le bruit entier des vagues s'installe dans les wagons ravivant l'énergie de tous. Jeunesse! Ils se touchent. Se bousculent. Ils n'ont d'autres projets immédiats que celui-là. Former un cercle. Un clan. Sans le vouloir vraiment, ils enferment l'homme dans encore plus de solitude. On hésite à tendre la main vers lui, dans sa direction. Alors que le bruit entier de la mer nous procure un sentiment d'absolu. Tout cela est d'une infinie tristesse n'est-ce-pas ?
Je ne me souviens plus de l'arrêt qui, pourtant, portait fièrement un nom pour lequel on paie son tribut. C'était un vieux bâtiment avec mille accent circonflexes. Un lieu d'illusions. Où l'on parlait fort. On y riait aussi beaucoup. On vivait dans la certitude. Cà! Ne partageait-on pas la même langue?
Mais lui, l'homme au visage ravagé? Il ne se sentait pas à l'écart. Simplement depuis toujours, il l'était. Blessé dans sa chair. Trop humain sans doute.
Il longeait la mer qui, à sa manière, exprimait cela.
Ainsi me suis-je mis à aimer ce qui était propulsé
dans ce monde
hors de l'écriture
Le petit jour dans les îles
Un simple oiseau devenu transfiguré de sa migration.
Il suffisait d'une barque
Il suffisait de ça.
Pour bien la [la mer] nettoyer…
« Pour bien la [la mer] nettoyer, disaient-ils
il faut la retourner comme un gant »
mais allait-elle se laisser capturer ?
il faudrait des siècles entiers pour
peaufiner une réponse qui sonne juste
et je n'ai pas envie de charroyer des
seaux d'eau
n'est-ce pas au-dessus de mes forces ?
les enfants eux-mêmes
s'interrogeaient
s
u
r
notre comportement
si étrange
à leurs yeux !
DANS LE SILLAGE DES MOTS
Extrait 1
La sentence tombe de la bouche des morts.
Des barques sous la mer comme autant de filles dénudées,
retournées sur le ventre. Celles qui vont toujours trop vite.
Pour en faire plus !
Des barques sous la mer afin de rejoindre ce qui, depuis
toujours, donne un sens à nos actes.
Mots déchiquetés, ensanglantés mais encore capables
de se battre pourtant.
Il faut parler, parler encore, puisque les mots prennent
leur valeur (leur saveur également) en passant par le
larynx. Parler pour avoir moins peur.
…
CE QUE JE SUIS ?...
Ce
que je suis ?
le héros de ma propre vie
ainsi
bien au-dessus de mes rêves
une femme dort dans la maison certaine
sa respiration évoquant des froissements d’ailes
cela crée la vision pudique d’un corps blond re-
Couvert de plumes
le nu est dessous
il faut aller loin, le chercher loin, ce plaisir qui est le frère puîné de la joie
le chercher en-dessous
dans l’espace sonore
de la volupté
en ce lieu sombre & austère
placé
sous la surveillance murale
du
crucifié splendide