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Critique de Zebra


Les Éditions de la Seine publient en 1977 « Le Volcan d'Or », ouvrage de 270 pages rédigé d'après un manuscrit posthume de Jules Verne. Passionné par la géographie et la technique, Jules Verne situe l'aventure du Volcan d'Or sur les rives du Klondike, territoire du Yukon, et décrit la funeste fièvre de l'or qui s'emparait alors des chercheurs venus de tous les coins de la planète. On est à la fin du 19ème siècle. L'oeuvre est forte et pessimiste : elle pourrait se résumer par « mort et misère dans le Grand Nord » tant l'auteur s'attache à couvrir les conséquences de la fièvre de l'or et la traversée de contrées sauvages et pour le moins inhospitalières.

La fièvre de l'or est décrite comme une maladie : « une fièvre qui n'est point intermittente, qu'on ne peut couper avec une quinine quelconque, et dont on ne guérit pas ». « L'avidité humaine (pour cet or) ne connait pas d'obstacles ». Jules Verne avait travaillé pour la Bourse en 1857, et depuis lors (sans jeu de mots !) il méprisait ce métal vil et responsable de désordres et de crimes, de troubles, de misère et de ruines comme il méprisait les spéculations commerciales et industrielles. Ayant en horreur tout ce qui présentait un risque ou simplement un aléa, l'auteur mène une attaque en règle contre le Veau d'Or, ce dieu des capitalistes, faisant preuve ainsi d'une audace à toute épreuve. Il détaille les méthodes de prospection (grattage superficiel, creusement de puits, installation de pompes à eau et de machines à broyer les roches, bascules et autres appareils en tous genres). Il décrit la condition des mineurs (lavant les boues glacées, supposées contenir des paillettes d'or, dans des écuelles de fortune), leurs échecs, leur déchéance et leur mort (Laurier, malheureux prospecteur, se mourra de pneumonie dans le sinistre hôpital de Dawson City, établissement d'où les malades « ne sortaient que pour aller au cimetière dans un corbillard attelé de chiens »).

Comme le feront plus tard Jack London et James Oliver Curwood, Jules Verne décrit également la poésie du Grand Nord canadien, le rude et sauvage pays supposé intégralement aurifère : les prospecteurs traversent des passes obstruées de cadavres (hommes et chevaux), naviguent sur des rivières et des lacs partiellement gelés, subissent les attaques d'ours, d'Indiens et de hors-la-loi et luttent en permanence contre un froid polaire (l'hiver dure 8 mois et les températures descendent jusqu'à – 50°C). Les protagonistes du Volcan d'Or sont Ben Braddle et Sammy Skin, deux cousins, canadiens, et légataires d'une parcelle de terrain située sur la frontière américano-canadienne. Très dissemblables (Ben est ingénieur et à l'initiative du déplacement ; Sammy est fermier et se résout péniblement à quitter ses récoltes et ses gens), nos deux compères décident d'aller sur place afin d'évaluer, de visu, la richesse de cette parcelle et d'être ainsi en mesure d'accepter ou de refuser la dévolution successorale. Ils rencontreront deux religieuses chargées de rejoindre l'hôpital de Dawson City : elles apporteront une présence féminine à ce livre profondément masculin. Ben et Sammy seront, comme tous prospecteurs, frappés des stigmates de la souffrance ; comme d'autres, épuisés, ils seront à la recherche du gros lot, de la grosse pépite. Ils devront vaincre la faim, la maladie, la cupidité (les salaires des ouvriers travaillant dans les placers étaient extrêmement élevés mais les objets de première nécessité se payaient vingt fois le prix habituel, aussi le vol des pépites était fréquent, les casinos où se faisaient et se défaisaient les fortunes ne désemplissaient pas et le mineur avait toujours le couteau facile) et les obstacles placés sur leur chemin par une nature toute puissante. Des solitudes glacées où règne le « silence of all life » (sic).

Pourquoi ce titre ? Toujours obsédé par la symbolique des volcans, l'auteur nous impose un volcan supposé être en mesure d'expulser du quartz aurifère, de la poudre d'or et des pépites hors de son estomac encombré. Puissance, vitalité, pulsion et rejet des contraintes, voilà le menu ! Aussi quand de sourdes trépidations courent à travers le sol, trépidations accompagnées de grondement répétés -témoignant de la manifestation de forces plutoniques (page 149)- l'explosion est proche et le bonheur de nos deux amis semble imminent. Il en ira, hélas, autrement …

Des croquis sympathiques, des photos anciennes, une histoire prenante, quelques découvertes savoureuses (vous connaissiez le candle fish?), le tout gâché par une surabondance de chiffres et de détails, l'absence de confidences, le trop-plein d'exagérations, des répétitions, des oublis, de la naïveté et de la grandeur d'âme comme s'il en pleuvait, de la résignation et une page 35 qui a été maladroitement supprimée : je mets trois étoiles et recommande ... d'autres lectures de l'auteur !
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