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Critique de Alfaric


Les faits sont têtus : les aventures de Bob Morane sont avec les enquêtes du Commissaire Maigret les romans belges les plus lus et les plus connus dans le monde donc à bons entendeurs salut (et notez que les deux plus grands écrivains belges ont mis en scène des héros français ^^)... Henri Vernes fait du pulp européen (pour ne pas dire un Doc Savage européen ^^), une culture populaire plus ou moins comic autrefois florissante avant d'être mise à mal par les totalitarismes et d'être euthanasiée par la concurrence déloyale des yankees et les coups de poignard dans le dos des petits cercles intello prout prout bien de chez nous (qui avec leur élitisme abscons et obtus sont condamnés à être les dinosaures de l'ère des masses)... Si aujourd'hui Serge Lehman et quelques autres s'échinent à faire connaître la belle époque du pulp européen aux nouvelles générations, force est de constater qu'Henri Vernes fut longtemps bien seul à continuer à la faire exister contre vents et marées (d'où un immense succès populaire qui ne s'est jamais démenti, avant que la révolution culturelle et les médias de masse ne démocratisent définitivement la culture et ouvre la voie à de nouveaux héros).
Bob Morane est un pilote français de la WWII, éternellement âgé de 33 ans et né en bon Gary Stu à la même date que son créateur (bien que présumé breton alors que ce dernier est un bon vieux wallon ^^). Il est ingénieur, officier, expert en armes à feu, expert en arts martiaux, amateurs d'armes anciennes et comme on aime souvent à le souligner naturellement nyctalope. Pour ne rien gâcher le bonhomme a des relations dans le monde entier, dans les forces de police comme dans les services de renseignement (et dans la Patrouille du Temps également ^^). 50% barbouze 50% justicier, on reconnaît assez rapidement l'archétype du baroudeur au grand coeur qui se mue rapidement en chevalier blanc, et au fur à mesure de ses aventures on apprend à connaître ses nombreux amis (à commencer par son side-kick écossais Bill Balantine) et ses nombreux ennemis (à commencer par sa Némésis Monsieur Ming alias l'Ombre Jaune). Aux récits d'aventure, d'exploration et d'espionnage en vogue à son époque l'auteur s'essaye de plus en plus aux genres de l'imaginaire, Henri Vernes étant proche de différentes manières de ses compatriotes Jean Ray spécialiste de la littérature fantastique et de Bernard Heuvelmans le père de la cryptozoologie. L'auteur belge est un fanboy de pulp, du coup je ne résiste pas à la comparaison avec Philip José Farmer lui aussi fanboy de pulp et né la même année que lui (d'autant plus que j'ai découvert les deux auteurs par leurs cycles Portal Fantasy ^^) : les deux auteurs mettent en scène des personnages, des univers et des aventures dignes du "Flash Gordon" d'Alex Raymond, mais alors que l'auteur américain fan d'Edgar Rice Burroughs ne résiste pas à mélanger aventure viriles et Science-Fiction à l'image du créateur de Tarzan et et John Carter, l'auteur belge donne lui l'impression d'écrire des scénarios pour les films du maître du fantastique Mario Bava ^^
Évidemment nous ne sommes ni dans la haute littérature ni dans la grande littérature mais dans littérature populaire souvent qualifiée « de gare », ce qui dans mon esprit n'est absolument pas péjoratif : on ne peut pas reprocher un manque de qualité à un auteur faisant dans la quantité, de la même manière qu'on ne peut pas reprocher un manque de qualité artisanale à une entreprise faisant dans la production en série, d'autant plus qu'à l'ère des masses la production artisanale ne suffit pas quand elle n'est pas quelque fois totalement dépassée (il y a quantité de choses à dire sur le sujet des points de vue social et écologique : les débats sont ouverts !)... En 60 ans l'auteur et ses collaborateurs (doit-on parler de ghost writers au vu des inégalités des oeuvres ?) a publié pas moins de 232 romans et 19 nouvelles consacrées à son héros immortalisé autant par des dessinateurs, des animateurs et les membres du groupe Indochine (sans parler des créations des nouveaux auteurs qui lui ont succédé), et ses grandes qualités restent la fluidité et la simplicité donc l'efficacité : j'ai été surpris de la manière dont ses romans se lisent vite et bien !
Pourtant j'ai découvert les univers de Bob Morane par la BD, et j'avais trouvé des personnages sympathiques et de bonnes idées bien que pas toujours bien exploitées et/ou exécutées, et finalement quelques trucs m'avaient fait tiqué :
- le sexisme bien pensant : dans les livres comme dans les BD on retrouve les hommes acteurs et les femmes spectatrices, les archétypes du chevalier et de la demoiselle à délivrer... celles qui auraient du être des strong independant women sont donc qualifiés de petites filles donc de choses fragiles, mais avec les différences de format les remarques qu'on retrouve 2 ou 3 fois dans les romans reviennent une demi-dizaine voire une demi-douzaine de fois dans les 48 pages d'une BD et cela doit fortement jouer !
- le racisme bien pensant : les remarques qui m'avaient bien gonflées dans la BD n'existent pas dans les romans que j'ai lu jusqu'à présent donc affaire à suivre...
- les intrigues précipitées au rythme mal géré : ça tirait vers le pas mal d'histoires en BD, mais si les romans pèchent ce n'est pas vraiment de cette manière... l'auteur fait du pulp donc on retrouve la ligne droite avec ses qualités et ses défauts : tout repose donc sur les personnages et ce qui les relient et/les opposent pour éviter les rebondissements incessants donc artificiels !
- les mises en place capillotractées : dans les BD pas mal de récits commençaient de manière maladroite voire carrément nanaresques, or cela ne semble absolument pas le cas ici... (mieux les tomes 1, 4 et 5 du Cycle d'Anankè sont bien voire très bien amenés !)


Dans le "Cycle Anankè" par lequel je découvre les romans d'Henri Vernes, Bob Morane et Bill Ballantine volent à la rescousse de leur amie Florence Rovensky, qui était partie à la cherche de son père à la fois truand et milliardaire, lui-même victime du petit-bourgeois criminel Simon Lusse qui désespère de devenir un grand rentier et qui pour monter en grade parmi le richistan exploite sans scrupule et sans vergogne la porte entre les mondes situés entre sa maison et son jardin (car comme vous le savez, là où l'argent règne il ne faut pas s'étonner des conséquences qu'il entraîne). Les uns et les autres se retrouvent prisonniers comme tant d'autres d'Anankè, univers de poche emboîtés les uns dans les autres, séparés les uns des autres par des murailles infranchissables et accessibles uniquement par des portails interdimensionnels à sens unique et peu ou prou piégés qui les relient entre eux. Nous sommes donc dans un escape game géant dans lequel on risque rien de moins que sa propre vie, ce qui peut ou du moins aurait pu et aurait dû rapidement nous amener vers les thématiques survivalistes : la comparaison avec les Mondes de Tiers créés par l'américain Philip José Farmer est d'autant plus frappante qu'ils ont été crées par les deux auteurs à la même époque.... Anankè signifie en grec ancien « Fatalité » : entre catabase et odyssée la Team Morane essaye donc de rejoindre le centre de ces univers concentriques, seule manière d'échapper à ce « monde pourri d'entre les mondes pourris », et force est de constater que les clins d'oeil ne manquent pas aux oeuvres d'Homère et de Dante (et c'est presque dommage que l'auteur n'ait pas été plus loin dans cette voie ^^).

"Les Murailles d'Anankè" : une chouette entrée en matière
https://www.babelio.com/livres/Vernes-Bob-Morane-tome-127--Les-Murailles-dAnanke/684149/critiques/1682377
"Les Périls d'Anankè" : des péripéties pulpiennes faisant la part belle au fantastique
https://www.babelio.com/livres/Vernes-Bob-Morane-tome-130--Les-perils-dAnanke/857400/critiques/1683680
"Les Anges d'Anankè" : de bonnes idées pas toujours bien exploitées
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"Les Caves d'Anankè" : des péripéties pulpiennes très classiques et/ou plutôt moyennes
https://www.babelio.com/livres/Vernes-Bob-Morane-tome-141--Les-Caves-dAnanke/378845/critiques/1684931
"Les Plaines d'Anankè" : des péripéties pulpiennes faisant la part belle au fantastique
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"La Dernière Rosace" : un épilogue superfétatoire en plus d'être médiocre
https://www.babelio.com/livres/Vernes-Bob-Morane-tome-164-bis--La-derniere-Rosace/754616/critiques/1686929


L'ensemble aurait pu être vraiment séduisant mais les promesses qui sont faites ne seront pas tenues par la suite... Bob Morane réunit toute une équipe pour affronter les mystères d'Anankè : lui-même, son fidèle side-kick, une strong independant woman, Doc la tête, Gara les jambes, Simon Lusse le traître, en amont de quelques jours Rovensky en quête de liberté, en aval de quelques heures Gustav Fauconnier en quête de vengeance, mais par facilité ou par fatalité l'auteur va éliminer plus ou moins rapidement tous les personnages jusqu'à aboutir à sa configuration de prédilection : le chevalier, son écuyer et la demoiselle à sauver... Je soupire d'autant plus qu'il semble ici être passé à côté de quelque chose de très grand !
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