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Critique de Lamifranz


Nous sommes bien tous pareils : il y a toujours un moment où un mot, une musique, une photo, un parfum nous ramène malgré nous (ou peut-être parce que nous le voulons bien, ou même que nous en avons besoin) vers ce « vert paradis des amours enfantines » : en effet, plus nous avançons en âge – et en principe en sagesse -, plus nous nous croyons autonomes et indépendants, plus nous constatons qu'un fil à la patte nous ramène inexorablement vers notre enfance, vers ce havre de paix, de sécurité, où notre innocence nous mettait à l'abri des duretés d'un monde que nous ne concevions que comme un immense terrain de jeu. Qui de nous n'a jamais rêvé de se reporter à l'époque bénie où les feuilles d'impôts n'existaient pas, où nos plus grands malheurs se résumaient à une mauvaise note ou un genou écorché, où les bras de maman et la main de papa dans nos cheveux effaçaient tout, où les mots de patrons, d'usine, de budget étaient réservés aux grands, où notre seul calendrier était celui des vacances… On est de son enfance comme on est d'un pays, disait Saint-Ex.
Certains auteurs ont le don de nous faire replonger dans cet univers-là. Non seulement parce qu'ils ont vécu ces moments et s'en souviennent, mais aussi parce qu'ils ont le désir, la possibilité et le talent de partager avec nous, lecteurs et lectrices, ces parcelles d'amour (quoi d'autre ?) et de nostalgie d'un autre temps… Car si nous avons tous vécu des enfances différentes, nous avons en commun cette « innocence » de nos premières années…
Pierre Véry est de ces écrivains et écrivaines qui n'ont pas oublié qu'un jour ils ont été des petits garçons en culotte courte, des petites filles en « jupe plissée, queue de cheval » (comme dit Souchon) …
« Les disparus de Saint-Agil » est en principe un roman policier. Sauf qu'il se déroule dans un collège et que les enquêteurs sont trois collégiens épris d'aventure.
Nous sommes à Meaux au début du siècle. Dans un collège, trois élèves ont créé la société secrète des Chiche-Capon en rêvant d'Amérique. Un jour l'un deux disparaît. Ce n'est que le début de l'aventure, cette aventure qu'ils appelaient de tos leurs voeux, elle est là, ils sont en plein dedans. Car une bande de faux-monnayeurs sévit dans le secteur, un professeur meurt « accidentellement », un deuxième élève s'évanouit dans la nature. le dernier mène l'enquête…
Bien entendu, on a lu le livre, et bien entendu on a vu et revu le film qui passait souvent à la télé, du temps où… mais ne versons pas dans le passéisme, tenons-nous en à cette bonne et saine nostalgie. C'est qu'il était drôlement bien tourné ce film qui date de 1938 : les trois « Chiche-Capon » faisant leur réunion secrète devant le squelette Martin, (Serge Grave, Marcel Mouloudji, dont c'était un des premiers rôles, et Jean Claudio), le malheureux prof de dessin (Michel Simon), l'inquiétant, mais finalement gentil, prof d'anglais (Erich von Stroheim) … Une mise en scène de Christian-Jaque, cinéaste souvent dédaigné parce qu'il tournait souvent des films légers et commerciaux, et qu'on commence à réhabiliter aujourd'hui. « Les Disparus… », le film, même si ce n'est pas une adaptation à la lettre du roman, en fait ressortir néanmoins le caractère poétique et mystérieux.
En 1944, Pierre Véry écrira « Les Anciens de Saint-Loup ». Ce n'est pas une suite à proprement parler. Trois anciens collégiens se retrouvent, mais l'esprit d'aventure et d'amitié a laissé place au cynisme et à la méfiance. Comme dit Jacques Baudou : « Les Anciens de Saint-Loup sont aux Disparus de Saint-Agil, ce que Vingt ans après est aux Trois mousquetaires » : la nostalgie tendre et émue laisse place à l'échec et à l'amertume…
« Les Disparus de Saint-Agil » permet au lecteur et à la lectrice, « de renouer au travers des souvenirs et des fictions d'un autre, avec sa propre enfance avec l'esprit d'enfance. Ce voyage à rebrousse-temps, bien peu d'auteurs ont su l'effectuer et le faire partager, et plus rarement encore avec la même tendresse que Pierre Véry. Dans ce domaine, « Les Disparus de Saint-Agil » fait figure de classique » (Jacques Baudou).
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