Citations sur La clé du bonheur (10)
Ils restèrent un moment silencieux savourant le liquide noir qui a l’art de réunir les gens. Un petit instant agréable autour d’une tasse de café, une habitude qui tend malheureusement à disparaître dans le monde d’aujourd’hui. Trop de stress, trop de choses à faire, trop de « pas le temps », tous ces « trop » qui tendent à rendre les gens individualistes. Chacun pour soi, chacun chez soi.
Un nouveau cauchemar venait de hanter sa nuit. Inutile de les compter et d’espérer retrouver le sommeil. Il ne voulait pas en vivre un autre. Il regarda sa montre qui indiquait cinq heures. Il se leva fatigué et alla se faire couler un café en espérant que le bruit ne réveillerait pas Virginie. Il s’installa à la fenêtre pour regarder le jour se lever. Tasse en main, les relents de café lui chatouillant les narines, il laissa son esprit vagabonder vers la montagne qui était pourtant la source de ses pires cauchemars. La nuit avait été difficile, non pas à cause de la jeune femme qui n’avait pas bougé. Elle paraissait d’ailleurs bien calme ainsi endormie. Son canapé n’était pas non plus désagréable, presque confortable. Son sommeil avait été ponctué d’images plus pénibles les unes que les autres.
Les mots se bousculaient dans sa tête, se cognaient, grondaient, montaient le ton, explosaient sans que Virginie ne pût intervenir. Ses deux mains qui la soutenaient à présent ne calmaient pas ces mots qui la harcelaient.
Ils sont encore trop petits, ils ne peuvent pas comprendre, on ne peut pas toujours leur interdire. Et le temps passé dans les livres doit rester un moment ludique. Et que peut-elle y comprendre, elle n’a pas d’enfant.
Les enfants n’étaient pas trop terribles. Il faut dire qu’il avait bien posé les règles et ils savaient à quoi s’en tenir. Ils savaient qu’il pouvait être aussi gentil que sévère, que cette semaine pouvait se passer aussi bien qu’elle pouvait leur être des plus désagréables. Alors le choix avait été vite fait. Travail de façon plus détendue le matin et activités relaxes l’après-midi dont jeux collectifs en dernière heure.
Son travail à la bibliothèque lui plaisait. Elle aimait les livres et le contact avec les lecteurs, sauf le samedi. Pourtant le grand air lui manquait, surtout l’hiver quand le froid n’encourage pas à sortir. La forêt lui ouvrit les bras comme un amant qu’on n’a pas vu depuis trop longtemps.
Voir les personnes âgées et seules, vivre le mieux possible avec mes petits moyens. Je ne fais pas grand-chose, une présence, un petit coup de main. Les voir sourire, c’est tout pour moi.
Elle trouvait, à raison, qu’il était inadmissible de profiter ainsi des personnes âgées et qu’elle était en droit d’être un minimum écoutée. Son interlocutrice la calma et lui demanda de raconter les faits. Son visage se décomposa au fur et à mesure de l’avancée du récit de la jeune femme. Elle lui fit part du dilemme face auquel elles se trouvaient. Le problème de la maltraitance était fâcheux car il n’y avait aucune preuve et qu’il s’agirait de la parole de l’une contre celle de l’autre. Par contre, il était assez facile de prouver que cette dame abandonnait son poste avant l’heure, ce qui donnerait une bonne raison à l’association pour la mettre à la porte.
La fin de l’année arrive, le soleil va te donner du baume au cœur. Avec les grandes vacances, tu vas pouvoir te reposer et repartir sur de bonnes bases à la rentrée prochaine. Oublie-la.
C’est ce qu’il avait fait, difficilement au début, puis l’été avait fini le travail. Mais à la rentrée, la croiser de nouveau avait été un vrai supplice. Il n’avait pas sombré, mais il était resté terne. C’est alors qu’une autre collègue s’était occupée de lui. Loin de retenir la leçon, sa tristesse l’avait fait basculer de nouveau. Celle-ci avait oublié de le prévenir qu’elle était mariée.
Depuis le mois de septembre, il était en fonction dans cette petite école de village qui ne possédait qu’une classe, la sienne. Pourquoi un tel poste ? Une punition de l’administration ? Un reste bien maigre de jeune enseignant une fois les anciens servis ? Non, c’était un vrai choix de sa part, un choix raisonné et mûrement réfléchi.