Personne n’est obligé de me croire

Bien construit, le roman de Juan Pablo Villalobos est un texte à plusieurs voix. En effet, l'écriture est tantôt celle de Juan Pablo, le protagoniste, tantôt celle de Valentina, sa petite amie qui tient un journal. Elle se fait aussi épistolaire, pour ce qui concerne le cousin, Lorenzo, ou la mère de Juan Pablo. Cette alternance du récit le rend particulièrement vivant, et imprime un rythme qui interdit toute monotonie ou lenteur, s'il en était besoin. Original, le roman ne l'est pas seulement dans sa construction. Il l'est aussi dans le sujet même : la mafia mexicaine. Même si nombre d'auteurs mexicains se sont illustrés dans le genre polar, le roman de Juan Pablo Villalobos est totalement décalé. C'est par son style et son humour décapant qu'il se démarque. Et pourtant il émane de son écriture une forte authenticité – l'autobiographie est même revendiquée – malgré les situations loufoques et cocasses qu'il rapporte.
Le protagoniste Juan Pablo ( double de l'auteur ) est un jeune universitaire mexicain boutonneux assez candide qui quitte Guadalajara pour faire une thèse à Barcelone. Son étude portera sur "l'humour misogyne et homophobe dans la littérature latino-américaine du XXème siècle". de la thèse, il n'en sera pas directement question, puisque Juan Pablo, rattrapé par la mafia mexicaine, n'aura pas le loisir de s'y consacrer. Mais le sujet reste très présent dans le récit. Misogynie, homophobie, racisme sont portés au rang de valeurs sociales dans une Barcelone au clivage impitoyable. Valentina et quelques autres personnages en font les frais.
L'univers de Juan Pablo Villalobos a beau être totalement étranger au lecteur français moyen, il va très vite lui devenir familier. L'auteur a recours à cet effet au comique de répétition et à la mise en abyme du récit. Les personnages sont en outre attachants, notamment Valentina et le SDF italien. Dépaysant, intelligent, et drôle, le roman de Juan Pablo Villalobos comblera les amoureux de polar ou de littérature hispanique contemporaine, mais attention, coincés, s'abstenir.