Citations sur Deux hivers, un été (19)
Ces jours sont fait d’incertitudes.
Nous ne savons pas où nous allons dormir le soir.
Les routes sont encombrées, chaotiques. Tout est improvisé. Nous trouvons parfois refuge dans des réfectoires, des salles de classe, un hall de gare. Nous dormons par terre sur un tas de cailloux, dehors, sous la pluie. Nous avançons à pied ou bien sur une charrette.
Notre route s’arrête à Brive-la-Gaillarde, dans le sud du Limousin. (page 38)
Je sais aujourd’hui que, en ce début d’année 1944, les Allemands n’atteignent pas les chiffres d’arrestations fixés. Ils comprennent que l’aide de la population y est pour beaucoup. Ils mènent alors une véritable politique d’intimidation en arrêtant les personnes qui sont soupçonnées d’aider les Juifs. Maintenues en détention quelques jours, elles sont ensuite relâchées.
Mais madame Flandrin ne nous lâche pas. (page 151)
Toute ma famille maternelle aura été décimée à Brody, en Ukraine, certainement durant ce qu’on appelle aujourd’hui, la « shoah par balles ». Mais comment en avoir la certitude ?
Pétain, Laval, Bousquet sont à l’origine de cette rafle en zone libre. Leur but était d’atteindre le quota de personnes à déporter, réclamé par les Allemands. Tous les Juifs étrangers étaient visés.
6 584 personnes ont été raflées…
… internées à Drancy…
… puis déportées à Auschwitz. (page 83)
Notre vie change, mes parents partent travailler toute la journée.
Une nounou vient nous chercher à l’école et s’occupe de nous jusqu’à leur retour.
Le soir, quand ils rentrent, nous dévalons la rue comme une volée de moineaux pour sauter dans leurs bras. Nous sommes si heureux, si éloignés du fracas de l’Histoire. (page 29)
Interdits après interdits, notre monde rétrécit.
Des nouvelles alarmantes, difficiles à concevoir, arrivent de l’Est, à mesure que les Alliés progressent. Dès l’été 1944, les Russes libèrent Majdanek et Treblinka. Avec ces noms jusqu’ici inconnus, apparaît l’impensable.
Le 27 janvier 1945, Auschwitz est libéré par l’Armée rouge, puis Buchenwald en avril 1945 par les Américains. La liste ne semble jamais avoir de fin : Mittelbau, Bergen-Belsen, Dachau, Mauthausen…
Les libérateurs racontent, mais aussi des journalistes.
Des photos nous parviennent par la presse. La barbarie nazie explose au visage du monde. (page 168)
Germaine
Joseph
Jeanne
David
Aimée
Simon
Certains noms m’échappent…
Presque tous étaient juifs.
Presque tous vont disparaître avec leur famille.
Lorsque les déportés arrivent, c’est la bousculade, chacun brandit les photos, crie un nom. Parfois, certains donnent des indications, mais le plus souvent ils se taisent, ne voulant certainement pas dévoiler la vérité pour ne pas tuer l’espoir de ceux qui attendent. (page 172)
À Corenc, je découvre les montagnes, la chaîne de Belledonne, le Saint-Eynard.
C’est si beau, rassurant, apaisant. (page 75)