P43 "Un lieu à part, provincial et désuet, qui d'une certaine manière, la rassure et la fait revenir au réel après la solitude de l'écriture. Elle y descend régulièrement pour aller boire un café ou un verre de vin à la terrasse du Petit Saint Benoit, bistrot traditionnel fondé en 1901, avec sa vieille porte pivotante qui grince et son zinc qui brille au milieu des boiseries acajou. On la voit à cette époque frileusement enveloppée dans des gabardines un peu masculines ou dans des manteaux amples : Doisneau l'y photographiera au début des années 50, attablée à la terrasse de l'établissement, souveraine, emmitouflée dans son col de fourrure blanche, reine Margot mais aussi enigmatique "sphinx" comme l'écrira Henri Michaux"
on prétend que c’est elle qui inventa l’adage : « Sous les pavés la plage »
Duras a toujours eu en elle, logée, cette fureur de la justice, cette violence farouche qui la saisit et l’étreint quand l’humanité des hommes est mise en cause ou quand la liberté, quelle qu’elle soit, d’opinion ou de libre circulation, est confisquée.
Paris, Neauphle, Trouville. La ville, la campagne, le bord de mer. Et en toile de fond, irrésistible et souveraine, l’Asie. Le décor est campé. Les lieux de la « Durasie » sont désignés. Elle s’y abolira pour accomplir l’œuvre pressentie en elle, tyrannique et « inévitable ».
Paris est pour elle le lieu d’une liberté intellectuelle qu’elle revendique, et aussi celui de la liberté individuelle : une raison de plus pour s’émanciper du carcan familial et fonder ses propres valeurs.
L'Indochine donc comme tremplin d'une écriture qui se constitue, médium de toutes les révélations. Duras a fait de cette terre coloniale le support métaphorique de son écriture, ce que celle-ci veut trahir et traduire, faire apparaître.
Où qu'elle sera, l'Indochine la poursuivra et la rappellera à l'injonction première de L'écriture, qui Lui ordonne de transcrire les secrets originels les plus puissants. Indochine, terre magique, terre chamanique à sa manière parce qu'elle permet la révélation.