Peut-être voudrais-tu, dès la saison de Flore,
Prévoir ce que pour toi l’été va faire éclore ?
Regarde l’amandier reverdir tous les ans,
Et courber en festons ses rameaux odorants ;
Abonde-t-il en fleurs ? par des chaleurs ardentes
Le soleil mûrira des moissons abondantes ;
O fortunatos nimium, sua si bona norint,
agricolas! quibus ipsa, procul discordibus armis,
fundit humo facilem victum justissima tellus.
Trop heureux, les hommes des champs s'ils connaissaient leur bonheur. Loin des luttes armées, la terre elle-même, dans sa très grande justice, leur offre volontiers les fruits du sol.
Si le soleil brûlant flétrit l’herbe mourante,
Aussitôt je le vois par une douce pente
Amener, du somment d’un rocher sourcilleux,
Un docile ruisseau, qui sur un lit pierreux
Tome, écume, et, roulant avec un doux murmure,
Des champs désaltérés ranime la verdure.
« Le jour, au fond des bois, au penchant des collines,
Elle vit de buissons, de ronces et d'épines ;
Le soir, fidèle à l'heure, elle rentre au hameau :
Elle-même rassemble et conduit son troupeau ;
Et, le sein tout gonflé des tributs qu'elle apporte,
Du bercail avec peine elle franchit la porte.
Soigne-la donc au moins durant les froids hivers,
Et tiens sa maison chaude et tes greniers ouverts. »
« La chèvre a des trésors qui ne lui cèdent pas :
Ses enfans sont nombreux, son lait ne tarit pas ;
Et plus ta main avare épuise sa mamelle,
Plus sa douce ambroisie entre tes doigts ruisselle. »
Hélas ! nos plus beaux jours s'envolent les premiers :
Un essaim de douleur bientôt nous environne; ( .. ) [ Géorgique III ]
Prête aux souffles d’en haut, Eurydice était,
Derrière lui –c’était la loi de Proserpine-
Quand un soudain délire égara son amour,
Bien digne de pardon, si les dieux pardonnaient.
« Après les grands troupeaux, il est temps que je chante
Des chèvres, des brebis la famille bêlante.
Ô vous, heureux bergers, veillez à leurs besoins ;
Leur toison et leur lait vous paîront de vos soins.
Et moi, puissé-je orner cette aride matière !
Des ronces, je le sais, hérissent ma carrière ;
Mais des sentiers battus je détourne mes pas ;
Oui, les déserts du Pinde ont pour moi des appas :
Dans ces sentiers nouveaux qu'a frayés mon audace,
Mon œil d'aucun mortel ne reconnaît la trace. »