On peut imaginer ce qu’on veut car le comportement humain se dispense souvent de logique et il est prouvé que les décisions les plus importantes, celles qui engagent la vie toute entière, se prennent dans une absolue légèreté, l’homme se rapprochant en cela de l’animal, porté par l’instinct, la tentation ou ce qu’on nomme, tout bêtement, un coup de tête.
C'est un phénomène classique, les gens préfèrent toujours votre période précédente.
Bref,tout ce qu'il aime ,cette poussière de réalité qui tendrement vient se déposer sur la fiction,"le souffle enivrant du possible" comme écrivit Gourmont autrefois...
Le bonheur n'est pas une expérience mais un souvenir.
Un soir, au cours d'un dîner chez David O. Selznick, Rose Hecht, une amie de la famille, se lève et, pointant le doigt dans sa direction, déclare à la cantonade qu'il est l'homme le plus normal de tout Hollywood. Normal, dans le sens où Harpo est heureux en mariage, n'a pas d'ennemis, ne fréquente pas les cabinets des psychanalystes, ne s'est jamais mis au régime et ne prend pas de somnifères, ne fait pas de folies pour l'argent et ne place pas tout autour de ses ambitions, bref, il est un homme mûr, réglé, un souffle d'air frais dans une ville remplie d'exhibitionnistes névrosés et drogués.
Si Harpo souscrit à ces qualités, dans le fond, il ignore ce que signifie cette sacrée normalité.
Pour lui, c'est compliqué, cette affaire de retraite. Déjà, le mot sonne faux à ses oreilles. Faire l'andouille et jouer de la harpe ont toujours été des activités naturelles - pourquoi ne pas arrêter de respirer, tant qu'on y est ? Il craint surtout de s'ennuyer jusqu'à en mourir, ce qui serait le comble. Et puis, s'il abandonne la harpe et la scène, doit-il changer de nom, laisser Harpo pour reprendre Adolph, son prénom de naissance, qu'il n'a jamais aimé ? La plaisanterie ne fait rire personne.