Bonjour Ducro, c'est Coutard, je viens de lire le dossier.
- Il vous plait ? J'ai tout de suite pensé à vous quand il est tombé sur le bureau. Les affaires surréalistes c'est votre domaine, non ?
- Vous mélangez tout Ducro. Je suis expert en culture africaine, pas spécialiste en improbabilités.
- Les sorciers africains, les guérisseurs et tous ces trucs baroques que vous avez l'habitude de fréquenter, c'est du surnaturel. On va dire que là, c'est un peu pareil, c'est du bizarroïde.
Elle se concentra pour ne pas laisser l’émotion l’envahir. La peur. On lui avait bien dit que ce n’était qu’une vision future d’un présent aggravé. Cela ne représentait pas la réalité immédiate. Se concentrer sur l’instant présent. Elle était libre de marcher dans la rue, en ce moment précis. Elle n’était pas enfermée, elle n’était pas diminuée, on ne la traitait pas comme un être différent. Elle devait éliminer ce sentiment de danger proche et imminent qui n’avait aucune raison de perdurer et retrouver sa lucidité.
Il arrive que des personnes ayant des traits similaires existent sans que l’on puisse parler de sosie. Et ce n’est pas parce qu’une femme te ressemble un peu qu’elle devrait avoir le même syndrome que toi.
En Afrique, il avait fait le choix de ne jamais frayer avec le milieu politique. Dans ces zones chaudes et humides, les coups d’État sanguinolents n’étaient pas inhabituels.
C’était un taiseux. Il communiquait par son silence : ne rien dire sans hocher la tête signifiait qu’il approuvait, qu’il comprenait, du moins, qu’il était prêt à poursuivre et à écouter la suite. Par contre, s’il penchait ne serait-ce que légèrement le menton vers la droite, cela voulait dire qu’il émettait une réserve.
Dormir et oublier. Demain sera un autre jour. Demain, toutes les traces de cette infamie auront disparu.
Elle dormait. Le sommeil lui était indispensable. Elle devait dormir longtemps pour se remettre de ses émotions envahissantes.
Les gens n’y connaissaient rien et s’imaginaient toutes sortes de choses invraisemblables dès qu’il s’agissait de l’Afrique. Alors qu’en définitive, ce n’était guère différent d’ici.
On l’avait cachée comme un monstre qu’on ne voulait pas montrer. Oui, elle avait connu la honte, la peur et le manque. Le manque de tout. D’amour, d’affection, de contact, et surtout le manque de se sentir vivante. D’accord, elle avait dû calmer ses pulsions et faire un effort pour se maîtriser. Mais, pour y parvenir, elle avait mis ses désirs en berne et bâillonné son envie de crier. Neuroleptiques, antipsychotiques, on l’avait gavée de molécules chimiques jusqu’à ce qu’elle ne soit plus qu’une poupée obéissante.