Comme un vol de cygnes sauvages,
Battement d'ailes vers le Nord,
Passe le vol des blancs nuages,
Chassés par la bise qui mord.
AFTERGLOW
Je poursuis mon chemin vers le havre inconnu.
Les Femmes de Désir ont blessé mon cœur nu.
Obéissant au cri de leurs sourdes colères,
Elles ont arraché mes prunelles trop claires.
Quand je m’épouvantais d’avoir perdu la foi,
Elles ont ri de voir mes grimaces d’effroi.
Des frivoles frissons de leur inquiétude
Elles ont outragé l’ombre et la solitude,
Et, voyant que j’étais debout en mon orgueil,
Elles ont déchiré mes vêtements de deuil.
p.19
LES MANGEURS D’HERBE
C’est l’heure où l’âme famélique des repus
Agonise, parmi les festins corrompus.
Et les Mangeurs d’Herbe ont aiguisé leurs dents vertes
Sur les prés d’octobre aux corolles large ouvertes,
Les prés d’un ton de bois où se rouillent les clous…
Ils boivent la rosée avec de longs glous-glous.
L’été brun s’abandonne en des langueurs jalouses,
Et les Mangeurs d’Herbe ont défleuri les pelouses.
Ils mastiquent le trèfle à la saveur de miel
Et les bleuets des champs plus profonds que le ciel.
Innocents, et pareils à la brebis naïve,
Ils ruminent, en des sifflements de salive.
Indifférents au vol serré des hannetons,
Nul ne les vit jamais lever leurs yeux gloutons.
Et, plus dominateur qu’un fracas de victoires,
S’élève grassement le bruit de leurs mâchoires.
p.105-106
POUR UNE
Quelqu’un, je crois, se souviendra dans l’avenir de nous.
Mon souci.
PSAPPHA
DANS l’avenir gris comme une aube incertaine,
Quelqu’un, je le crois, se souviendra de nous,
En voyant brûler sur l’ambre de la plaine
L’automne aux yeux roux.
Un être, parmi les êtres de la terre,
Ô ma Volupté ! se souviendra de nous,
Une femme, ayant à son front le mystère
Violent et doux.
Elle chérira l’embrun léger qui fume
Et les oliviers aussi beaux que la mer,
La fleur de la neige et la fleur de l’écume,
Le soir et l’hiver.
Attristant d’adieux les rives et les berges,
Sous les gravités d’un soleil obscurci,
Elle connaîtra l’amour sacré des vierges,
Atthis, mon Souci.
p.147-148
Arums de Palestine
O ma Maîtresse, je t'apporte,
Funèbres comme un requiem,
Lys noirs sur le front d'une morte,
Les arums de Jérusalem.
Ils éclosent parmi les râles
De l'amour que l'aube détruit,
Et les Succubes aux doigts pâles
Ont respiré leur chair de nuit.
Seule, ton âme ténébreuse
Sut les aimer et les choisir,
Étrange et stérile amoureuse
Qui t'abandonnes sans désir.
O ma Maîtresse, je t'apporte,
Funèbres comme un requiem,
Lys noirs sur le front d'une morte,
Les arums de Jérusalem.
Je suis aussi lâche qu'un homme.
La Douve