La pièce est silencieuse comme une photographie.
Je sais. Ce n'est pas juste que le mot mourir renferme un rire.
"Hé, a-t-il dit, à moitié endormi, t'étais quoi avant de me rencontrer ?
- Je crois que j'étais en train de me noyer."
Une pause.
"Et t'es quoi maintenant ?" a-t-il murmuré en sombrant.
J'ai réfléchi une seconde. "De l'eau.
- Va chier" Il m'a donné un coup de poing dans le bras. "Allez dors, Little Dog." Et puis il est devenu silencieux.
Et puis ses cils. On les entendait réfléchir.
J'ai observé les étoiles, les bribes de phosphorescences bleutées, et me suis demandé qui pouvait bien trouver la nuit noire.
Je sais que tu crois en la réincarnation. Je ne sais pas si c'est mon cas, mais j'espère que ça existe. Parce qu'alors peut-être que tu reviendras ici la prochaine fois. Peut-être que tu seras une fille et peut-être que ton nom sera à nouveau Rose, et que tu auras une chambre pleine de livres avec des parents qui te liront des histoires pour t'endormir dans un pays épargné par la guerre.
Si la vie d'un individu, comparé à l'histoire de notre planète, est infiniment courte, un battement de cil, comme on dit, alors être magnifique, même du jour de votre naissance au jour de votre mort, c'est ne connaître qu'un bref instant de splendeur.
On dit qu'il y a une raison à tout - mais je suis incapable de vous dire pourquoi les morts sont toujours plus nombreux que les vivants.
Je me souviens d'avoir appris que les saints n'étaient que des gens dont la douleur était remarquable, remarquée. Je me souviens d'avoir pensé que toi et Lan deviez être des saintes.
Mais pourquoi le langage de la créativité ne pourrait-il être celui de la régénération ?
Ton poème est une tuerie, dit-on. T'es un tueur. Tu t'es lancé dans ce roman le couteau entre les dents. J'assène un paragraphe, je les abats l'un après l'autre, dit-on. J'ai dominé cet atelier. J'ai tout défoncé. Je les ai réduits en miettes. On a démoli la concurrence. Je me bagarre avec ma muse. Cet Etat, où vivent des gens, est un champ de bataille électorale. Le public est un public cible. "Bien joué, mec, m'a dit un jour un homme lors d'une soirée, tu fais un massacre avec ta poésie. Tu les exploses tous."
Je suis brisé en deux, disait le message. En deux, c'est la seule pensée que j'arrivais à retenir, assis sur ma chaise: comment la perte d'une personne pouvait nous multiplier, nous les vivants, par deux.