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Marguerite Capelle (Traducteur)
EAN : 9782072958021
Gallimard (21/09/2023)
3.55/5   32 notes
Résumé :
Le premier roman d’Ocean Vuong, Un bref instant de splendeur, prenait la forme d’une lettre adressée par un fils à sa mère analphabète.
Dans Le temps est une mère, son deuxième recueil de poèmes, Vuong renoue avec cette voix singulière, qui témoigne de la violence des traumas autant que des éblouissements de l’amour. Confiant dans les pouvoirs du langage, le poète use ici des ressources vivifiantes de la poésie pour faire face à la perte de sa mère et donner... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
« Ce qu'on aura toujours, c'est ce qu'on a perdu »

Quelle magnifique expérience que la lecture de ce recueil poétique ultramoderne à la fois étrange et bouleversant. Océan Vuong, ce prodige des lettres américaines de 34 ans, dans un lyrisme brutal évoque le manque de sa mère disparue d'un cancer.
Dans cette épopée intime d'un « loser en plein coup de veine » qui tente de transcender ses traumas, sa mère est partout ; dans chaque parcelle de sa peau, chacune de ses pensées, dans ses gestes, les endroits qu'il traverse, les visages qu'il croise.
Si le livre s'articule autour de cette figure maternelle, Hông (Rose) fille de la guerre et de la faim dont l'auteur remémore les origines, il explore aussi avec virtuosité d'autres thèmes que la perte (guerre, amour, addictions, enfance, exil, dépression …).
Un texte puissant qui frappe en plein coeur et marque surtout par son inventivité et sa force d'évocation et dont le plus beau poème pour moi est « chère Rose ».
C'est d'une sincérité à vif, une prose à la fois acide et délicate, crépusculaire et flamboyante mais qui ne plaira sans doute pas à tout le monde car ultra contemporaine notamment de par sa diversité formelle.
La vague émotionnelle ici est portée par un texte multiforme souvent incantatoire présentant un lacis d'images percutantes. Proses, courts textes, tercets, lettres, vers, invention d'un poème qui rembobine où toutes les actions se déroulent à rebours (impressionnant !) où encore des listes d'achats Amazon s'entremêlent.
La poésie romantique contraste avec une modernité plus féroce où vont s'associer rêveries et Xanax, whiskey & miettes d'Oreos, et où « les aubes rosées des matins bleu sang » détonnent avec les urinoirs de station-service.
Un « journal » poétique manifestement écrit sous montée d'adrénaline.
On accompagne Ocean Vuong et ses pensées magiques dans les bas-fonds, sur le chemin du deuil et du tombeau mais surtout sur le sentier nébuleux de la liberté où se distingue inexorablement la silhouette fantasmagorique de sa mère Rose « Promets-moi que tu ne disparaîtras plus, ai-je dit
Elle s'est allongée un moment, pour y penser…Je me suis couché sur sa silhouette, pour la garder fidèle
Ensemble nous avons fait un ange
On aurait dit une chose détruite par un blizzard.Je n'ai rien tué depuis»

Sublime recueil.
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Lu partiellement à la médiathèque le 5 mars 2024

Avec encore le souvenir ébloui de cet auteur et de son roman flamboyant" Un bref instant de splendeur" je me suis précipitée vers cet ouvrage de poésie ; l'ai parcouru avec étonnement et grande émotion...

J'avoue que la qualité incontestable n'est pas en cause, mais l'ensemble m'a semblé trop noir, dans une douleur de vivre si intense, que j'en ai différé l'emprunt !.
Je le ferai à un moment plus favorable,mentalement...

Même si j'avais en en tête que l'écrivain poète a rédigé ces textes poétiques en hommage à sa mère...

Rythme, disposition singuliers des phrases, des vers interrompus souvent de façon inattendue...Tout est à apprécier avec lenteur et attention...

Parmi les poèmes lus, un m'a particulièrement bouleversée, que je vous transcris :

"Cher Peter

Ils me traitent bien
ici ils ne me
font pas oublier
le monde comme tu
m'avais promis mais pas grave
je suis retourné dans
ma tête
en sécurité
car je ne suis pas
là le xanax
se dissout & je vais
bien ce lit
ne dérive plus
en mer la porte
se rapproche
maintenant & je vais
accoster certains jours
j'arrive à gagner
la salle de lecture
ils ont vol au-dessus
d'un nid de coucou tu
le crois mais bon

je pense que je vais mieux
même si je l'ai appris
dans la cour hier
j'ai toujours peur
des papillons
de leur mouvement tellement proche
d'un coeur
en feu je sais ça n'a
aucun sens ce comprimé
est un fragment d'os de volonté
qui brise la mienne Peter
je suis désolé
pour tous ceux
qui doivent mourir même
si j'ai eu
quinze ans un jour même
qui sait je mens
pour m'empêcher de
m'éloigner
de moi tu
ne vas pas
y croire un homme
derrière un
drugstore m'a dit un jour je peux te donner l'air
d'être vrai
merde il a dit
oh merde tu ressembles tellement
à mon petit frère
alors je l'ai laissé m'embrasser (...)"




*****lien de mon billet sur son roman " Un bref instant de splendeur":

https://www.babelio.com/livres/Vuong-Un-bref-instant-de-splendeur/1270462/critiques/2560347
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Le premier roman d'Ocean Vuong, "Un bref instant de splendeur", prenait la forme d'une lettre adressée par un fils à sa mère analphabète.

On avait adoré ce livre, on l'avait fait savoir dans un article au titre qu'on regrette un peu deux ans après . Ce qui est certain, c'est que ce premier roman d'Ocean Vuong emportait tout sur son passage et démontrait un amour pour la langue et une inventivité littéraire étonnante.

Ocean Vuong revient sous les feux de l'actualité en France avec "Le temps est une mère" qui prend la forme d'un recueil de poèmes.

Textes en proses, tercets, correspodance épistolaire, vers, et même (!) listes d'achats sur mazon s'entremêlent autour de cette voix singulière, qui témoigne de la violence des traumas autant que des éblouissements de l'amour.

D'un texte à un autre, des souvenirs émergent, révélateurs des blessures de l'Amérique. Les vers de Vuong sont bruts, sincères, poignants. "Et si ce n'était pas le choc qui nous faisait, mais les débris ?"

Donnant toute sa confiance dans le pouvoir des mots pour panser les maux, le poète use des ressources vivifiantes de la poésie pour faire face à la perte de sa mère et donner vie et puissance à l'absence.

Et tous ces poèmes, se saisissant des traumatismes familiaux liés à la guerre du Vietnam, de son homosexualité, de la mort de sa mère dont il cherche les traces.

Ce recueil est une odyssée personnelle sur le chemin du deuil et de la liberté.

"Ce qu'on aura toujours, c'est ce qu'on a perdu »
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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J'avais bien aimé #un bref instant de splendeur # où l'auteur relatait sa vie de jeune asiatique en Amérique aussi je me suis empressée d'emprunter son deuxième livre sorti cet automne. Celui-ci n'est pas un roman mais une série de poèmes dédiée à sa mère décédée où l'on retrouve tous les souvenirs de l'auteur déjà lus dans l'autre recueil.
Je n'ai pas adhéré, la poésie m'est hélas hermétique même si certains passages sont très beaux.
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C'est de la poésie de notre temps, avec un formalisme original ; de la poésie que l'on peut aimer parce qu'elle évoque des souffrances ataviques, souffrances de la guerre du Vietnam, de la perte de proches, du racisme et de la vengeance, que ce jeune poète américain, mais d'origine vietnamienne n'a pas connues en dehors du récit familial sans doute. C'est aussi une poésie d'amour pour sa mère, Rose, (ou Hông en vietnamien) métisse, car son père était un soldat blanc américain, mère détestée de son peuple, partie de son pays et trop tôt disparue ; c'est enfin une poésie d'amour pour son compagnon. Il y a toujours de l'espérance dans toute poésie.
Pat
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Cher Peter

Ils me traitent bien
ici ils ne me
font pas oublier
le monde comme tu
m'avais promis mais pas grave
je suis retourné dans
ma tête
en sécurité
car je ne suis pas
là le xanax
se dissout & je vais
bien ce lit
ne dérive plus
en mer la porte
se rapproche
maintenant & je vais
accoster certains jours
j'arrive à gagner
la salle de lecture
ils ont vol au-dessus
d'un nid de coucou tu
le crois mais bon

je pense que je vais mieux
même si je l'ai appris
dans la cour hier
j'ai toujours peur
des papillons
de leur mouvement tellement proche
d'un coeur
en feu je sais ça n'a
aucun sens ce comprimé
est un fragment d'os de volonté
qui brise la mienne Peter
je suis désolé
pour tous ceux
qui doivent mourir même
si j'ai eu
quinze ans un jour même
qui sait je mens
pour m'empêcher de
m'éloigner
de moi tu
ne vas pas
y croire un homme
derrière un
drugstore m'a dit un jour je peux te donner l'air
d'être vrai
merde il a dit
oh merde tu ressembles tellement
à mon petit frère
alors je l'ai laissé m'embrasser (...)

(p. 19)
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Légende américaine

Donc j’étais en bagnole
avec mon vieux. Le jour envolé
à part la brume cobalt
qui se refermait sur nous.
On était en route pour tuer
notre chienne, Susan. Enfin, on devait
l’emmener à la clinique
pour la faire piquer, un
meurtre ou peut-être
qu’ils voulaient dire la planter
en terre — même si je savais que Susan
serait brûlée dans
l’incinérateur
à l’arrière. Flocons
de fumée, petits caniches
fantômes. Où est-ce que je voulais
en venir ? Ah oui — la bagnole,
la pluie, la légende du bonheur
& de la peine. Mon vieux
& moi, la Ford assez grande
pour qu’on ne se touche
jamais. & peut-être que
j’ai voulu prendre le virage
trop serré. & l’engin s’est retourné
comme une loi nouvelle, à 130. Peut-être
que je voulais, enfin, le sentir
contre moi — &
ça a marché. Tandis que les couleurs tournoyaient
à travers le pare-brise, le fracas
du métal déchaîné
sur nos épaules, la brusque
chaleur de l’humidité
partout, il s’est écrasé
sur moi &
on s’est enlacés
pour la première fois
depuis des décennies. C’était parfait
& mal, comme de l’argent
qui brûle. La peau
de son cou si tendre, son
after-shave curieusement
estival. Ça a duré une seconde
à peine mais
il souriait, ses dents déjà
à moitié disparues, comme si quelqu’un
les avait effacées pour laisser place
à quelque chose de plus vrai. Couche
ça sur le papier, fils, a-t-il dit
un soir, après m’avoir raconté
pourquoi il a fait ce qu’il a fait
de sa vie, complètement torché
au Hennessy. On était assis
à la table de la cuisine avant qu’il aille pointer
à l’usine de chaussettes. Ses yeux : gouttes de pluie
dans un cauchemar. Je l’ai touché, puis
j’ai lâché. La voiture a cessé
de rouler, on est restés la tête en bas
pendant que ça coulait. Vapeur
ou souffle. J’ai fait
ce que n’importe quel garçon ferait
après avoir obtenu exactement
ce qu’il voulait : j’ai embrassé
mon père. Il a souri
je crois. Ses pupilles
ailleurs. J’ai tâtonné derrière, déverrouillé
la cage. La chienne
est sortie, a reniflé
mon vieux, encore tiède, puis couru
vers les arbres, vers son deuxième
avenir. J’ai laissé l’épave derrière moi
jusqu’à ce que les lieues deviennent
des lustres et la piste
une cité, jusqu’à ce que mon visage
devienne ce visage & que la pluie
lave l’essence
sur mes doigts. J’ai trouvé
une cabine au cœur
du poème & t’ai appelée
en PCV pour raconter tout ça
sachant que ça ne ferait aucune
différence, seulement
davantage. Alors hello, salut, le sang
dans mes mains
est maintenant dans
le monde. Les mots, nous disent
les prophètes, ne détruisent
rien qu’ils ne puissent
reconstruire. Je l’ai fait pour enlacer
mon père, pour libérer
ma chienne. C’est une vieille histoire, Maman,
n’importe qui peut la raconter.
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Ce qu’on aura toujours, c’est ce qu’on a perdu »
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Et si ce n’était pas le choc qui nous faisait, mais les débris ?
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Ô ma sœur, graine semée — aide-moi —
je suis là pour mourir mais je compte bien rester.
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Videos de Ocean Vuong (19) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ocean Vuong
Lecture par Olivier Martinaud Rencontre animée par Marie-Madeleine Rigopoulos - Interprète : Marguerite Capelle
Le premier roman d'Ocean Vuong, Un bref instant de splendeur, prenait la forme d'une lettre adressée par un fils à sa mère analphabète. Dans son recueil de poèmes le temps est une mère, Ocean Vuong renoue avec cette voix singulière, qui témoigne de la violence des traumas autant que des éblouissements de l'amour. Confiant dans les pouvoirs du langage, il use ici des ressources vivifiantes de la poésie pour faire face à la perte de sa mère et donner forme à l'absence. D'un poème à l'autre, des souvenirs émergent, révélateurs des blessures de l'Amérique. D'une rare intensité émotionnelle, la langue d'Ocean Vuong casse la syntaxe, s'autorise des audaces formelles toujours irriguées par un lyrisme incandescent, faisant de ce recueil un sommet d'humanité.
À lire – Ocean Vuong, le temps est une mère, trad. de l'anglais (États-Unis) par Marguerite Capelle, Gallimard, 2023.
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