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Critique de kielosa



Tolède-Plovdiv : 3.190,8 kilomètres, sans compter la distance en passant par Constantinople (Istanbul). C'est le périple parcouru par les ancêtres de l'auteur après l'expulsion des Juifs de la péninsule ibérique par les rois très catholiques d'Espagne, Ferdinand et Isabelle, en 1492.

Plovdiv, au centre de la Bulgarie, n'a pas été nommée capitale européenne de la culture en 2019 par hasard, car selon les historiens il s'agit de la plus ancienne ville de notre continent, toujours habitée. Il y a des lustres que dans ma petite classe des cours d'été d'anglais à Bournemouth, il y avait une Plovdivienne qui affirmait que sa ville venait tout de suite après Sofia, comme 2e de la Bulgarie. En fait, c'est Varna sur la mer Noire qui détient cet honneur, mais comme Nikolina était une jeune fille charmante, personne ne lui en voudra de ce pieux mensonge.

Dans 2 mois Angel Wagenstein célébrera ses 98 ans et il est un vrai enfant du siècle. Comme gosse, il a été avec ses parents en tant que gauchistes en exil à Paris. C'est l'armée rouge qui a libéré d'un camp le jeune Bulgare condamné à mort pour actes de résistance.
Avant d'en arriver à l'écriture avec succès, l'auteur s'est distingué avec le même succès comme réalisateur de films. Déjà en 1959, il a remporté le Prix Spécial du jury de Cannes pour son scénario de "Sterne" ou "Étoiles", une histoire d'amour entre un gardien allemand d'un camp nazi et une jeune Juive bulgare.

C'est à travers la destinée de ses grands-parents Mazal et Abraham, surnommé le Poivrot ("El Borrachón") par les familles Cordoba, Sevilla, Granada et les Catalans... de Plovdiv, qu'Angel Wagenstein nous éclaire le sombre sort des Juifs en odyssée forcée pendant des siècles avant de s'établir comme les Deutsch, Berliner, Schweitzer et Moskovitch en Bulgarie.
À propos l'historien, écrivain et député israélien, Michel Bar-Zohar, l'excellent biographe de David Ben Gourion est né, en 1938, non à Plovdiv, mais presque, à Sofia.

Ne vous laissez pas décourager par le fait qu'Abraham a été porté sur l'alcool. C'était un homme fort instruit qui avait lu Cicéron et Pestalozzi, parlait le Ladino (la langue des Juifs séfarades, comme le Yiddish des Juifs ashkénazes) et le Turc et qui savait même jurer dans un Bulgare impeccable. Il avait une mémoire impressionnante et se souvenait même de certains événements qui n'avaient jamais eu lieu... Ainsi, les Plovdiviens écoutaient avec fascination son récit du grand tremblement de terre bulgare, qui datait d'avant sa naissance, et de l'ouverture de la terre dans une gigantesque fontaine d'où jaillirent des poissons que l'on ne trouve normalement qu'en Amazonie.

L'ouvrage offre de l'ironie et de l'humour, mais c'est avant tout un document humain sur l'exode des Juifs d'Espagne. On apprend par exemple que les Turcs étaient contents d'accueillir des étrangers qui pratiquaient des arts et professions inconnus dans le vaste Empire ottoman. C'était, bien entendu, longtemps avant l'apparition de ce génie de Recep Tayyip Erdogan et son initiative lamentable de transformer l'Hagia Sophia ou la Sainte-Sophie en mosquée pour des raisons de popularité électorale !

Un livre donc bien instructif et merveilleusement traduit du Bulgare par le couple Veronika Nentcheva et son époux Eric Naulleau.
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