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Critique de soniamanaa


Certains livres dégagent une fragrance particulière. Celui ci a tous les atouts pour ça en mettant en scène les six soeurs Chapel prénommées respectivement Aster, Rosalind, Calla, Daphné, Iris et Hazel.
Un bouquet que n'aurait pas renié Emily Dickinson tant l'hommage rendu à la poétesse herboriste est assumé.
Sarai Walker offre un roman tout en parfums et couleurs dans l'Amérique des années 50. Les jeunes filles ressemblent à des bonbons acidulés et, quand elles ne se parent pas, elles rêvent d'un mari viril et ombrageux et d'un foyer avec frigo et aspirateur.
Les filles Chapel vivent en huis-clos dans l'immense et baroque demeure familiale, fleuron des armements Chapel dont la célèbre carabine a assuré la postérité tant sur les théâtres de guerre que sur les plateaux hollywoodiens.
Image idyllique de cette Amérique en plein essor industriel où chaque jour amène son lot de progrès et d'avenir radieux.
Pourtant, il plane un autre parfum sur ce livre. Un parfum ombrageux, mystérieux, incarné par Belinda, la mère, silhouette solitaire et lointaine qui fraie plus souvent avec les morts qu'avec les vivants.
L'air de rien, l'auteure distille la tragédie quand, le lendemain de ses noces, Aster, l'aînée, décède dans une scène digne de Rosemary's baby.
Et il n'en restait plus que cinq...
Rosalind à son tour s'éprend d'un homme, l'épouse et meure dans des circonstances similaires.
Il n'en restait que quatre et le cimetière de la propriété est loin d'être repu.
L'immense qualité de ce roman est de traiter de l'étrange sans jamais basculer dans le glauque ou l'horreur.
J'ai pu lire le terme gothique pour qualifier cette oeuvre. Pour ma part, et loin des couleurs sombres et sataniques de ce mouvement culturel, c'est du côté de Mary Shelley que j'ai retrouvé de franches influences, et notamment dans la question de la quête compulsive de la conquête masculine.
Parce qu'à la fin, ne m'est restée qu'une seule et centrale question. Qui sont ces voleurs d'innocence si ce n'est les hommes en admettant que l'innocence soit à priori une vertu féminine?
Féministe, ce roman l'est inconditionnellement, mais avec subtilité et intelligence. Si les hommes y sont pour la plupart décrits comme des machos autoritaires, le contexte de l'époque ne permettait pas aux femmes la moindre propension à l'hystérie sous peine d'enfermement.
Bref. C'est un livre passionnant, protéiforme, que j'ai dévoré avec avidité et délices. Étonnée à la fin de ne garder qu'une seule odeur, celle d'une tubéreuse, capiteuse, entêtante et vaguement inquiétante.
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