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sur 528 notes
La malédiction des soeurs Chapel.

« Les soeurs Chapel: /d'abord elles sont mariées/ Puis elles sont enterrées. »

Ce roman à résonance gothique est génial! Un page-turner qui vous accapare jusqu'à la dernière page.
L'histoire débute au Nouveau Mexique en 2017 mais c'est surtout dans les Années 50 que le récit se déroule, au Village de Bellflower aux États-Unis.
On va suivre l'étrange et tragique histoire des 6 soeurs Chapel, aux prénoms de fleurs, frappées par une terrible malédiction. Chacune possède un talent artistique et vit dans une demeure victorienne en forme de « gâteau de mariage » avec leur père, un célèbre fabricant d'armes souvent absent, et leur mère Belinda qui ne semble pas avoir toute sa tête car persécutée par des fantômes la nuit.
Recluse dans son boudoir à l'air empoissonné, assaillie par le parfum « écoeurant » des roses annonciateur d'une naissance ou d'un malheur, elle finira sous traitement afin de « débarrasser les corridors hantés de son cerveau dérangé ». Mère fantasque et extralucide, elle a gardé un lien avec le monde des esprits en raison des circonstances qui ont entouré sa naissance.

Tout commence avec le mariage d'Aster la fille aînée. Prise d'un mauvais pressentiment sa mère annonce que si Aster se marie elle se condamne à une mort imminente. Personne à part Iris ne prend au sérieux ses avertissements. La prophétie se réalisera pourtant et annoncera le début d'une succession de tragédies troublantes et violentes liées à l'engagement amoureux. « Il faut fuir » selon les supplications de sa mère mais peut-on fuir son destin? Peut-on SE fuir ?

Dans les couloirs du manoir familial là où des rires d'adolescentes devraient résonner une atmosphère bien plus pesante prend peu à peu le contrôle de la maisonnée. L'aile des filles se videra progressivement.
Le « Toc toc » fréquent aux portes et fenêtres est-il vraiment le fait de spectres persécuteurs ou d'hallucinations auditives ?
C'est Iris la cinquième soeur qui nous relate leur étrange histoire qu'elle a consignée dans des carnets secrets. Elle est la plus déterminée à prendre son destin en main et conjurer le sort.
Luttant pour ne pas devenir comme sa mère dont elle a hérité le 6 ème sens, elle combat ses visions de la mariée sans tête et ses propres prémonitions.

C'est un roman subtil et métaphorique sur la condition féminine, sur l'émancipation de la femme, sa place dans le couple. Il y est aussi question d'amour et d'amour sororal puissant.

Une pincée d'irrationnel, une louche de mystère et de terreur latente, une poignée d'envoûtement, une larme de romantisme, une bonne dose de suspense et voilà l'ambiance au manoir en forme de « gâteau de mariage » et de ce roman irrésistible.
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Les hommes aiment les pistolets et les femmes aiment les fleurs...
Les hommes tuent les femmes avec le symbole phallique de l'arme à feu et les blessent avec un pénis. Les femmes sont délicates comme des petites Asters, des Roses, des Callas, des Daphnés, des Iris et des Hazels, qui aiment les pâtisseries, le parfum, les bagues de fiançailles, la poésie, le dessin et surtout elles saignent !!! (les règles, l'hymen percé)
Si ce roman paraît quelque peu cliché, il parvient tout de même à séduire.

***

Belinda ne voulait pas se marier car sa mère, sa grand-mère et son arrière-grand-mère sont mortes en couches. Elle ne se projette pas dans cette vie maritale. Mais la société dans laquelle, elle grandit, ne lui laisse pas beaucoup de choix, si elle ne veut pas finir sous un pont. Elle épouse un fabricant d'armes à feu et ne mourra pas en couche, car elle donnera naissance à six filles.
Six filles qui naîtront sous le joux d'une malédiction étrange...
Iris, seule survivante, nous conte son histoire...

***

Personnellement, j'ai été assez rapidement captivée par les histoires de toutes ses femmes. On pourrait trouver redondant le côté stéréotype homme/femme (et la seule qui s'en sort est celle qui ne se marrie pas), mais contextualisons l'époque, cela se passe en 1950, une époque qui n'est pas la mienne et j'ai été charmée par l'écriture de Sarai Walker, par cette touche fantastique et son imagination symbolique apportée. (Les femmes ne sont jamais crues).

***

J'avais déjà aimé Dietland même si je trouvais que son premier roman avait quelques maladresses (elle s'éparpillait), mais j'ai adoré certaines de ses phrases, la plaçant ainsi dans les auteurs à suivre.
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" Il était une fois, dans les années 1950 six jeunes filles aux doux prénoms de fleurs- Aster, Rosalind, Calla, Daphne, Iris et Hazel " .
On est en Amérique et leur père dirige l'entreprise florissante d'armes à feu, Chapel. Leur mère est "folle." Lorsque l'aînée sera sur le point de se marier, ce qui était le point culminant de la " carrière" d'une femme à l'époque, leur mère aura une vision : aucune des filles Chapel, ne survivra à une union...
Et la première des filles meurt, comme annoncé...
Oh, je ne dis rien qui ne soit dévoilé dés le début, Iris sera la seule à survivre et , quand on fait sa connaissance au début du roman, c'est une vieille dame, qui a fuit, la maison de son enfance, en forme de "gâteau de mariage" et qui est devenue une peintre célèbre...

S'inspirant vaguement de la vie et de la légende de Sarah Winchester pour la mère, et de la peintre Georgia O'Keeffe pour les oeuvres d'art omniprésentes dans ce roman, l'autrice, dont c'est le premier roman, fait une entrée fracassante dans le monde de la littérature. Tout d'abord , elle est publiée par la prestigieuse maison d'édition Gallmeister, et puis, parce que ce roman est très original. de style gothique et donc, immensément mystérieux, faisant référence à des poétes comme Emily Dickinson, mêlant littérature et peinture habilement, il est également très poétique avec cette profusion de noms de fleurs, qu'elles soient oeuvres d'art ou prénoms des filles Chapel...
C'est un roman qui a une vraie ambiance, une atmosphère propre qui plaira à certains lecteurs, et qui ne plaira pas à d'autres, qui ne se satisferont pas de ces morts inexpliquées, de tous ces mystères et qui en ressortiront frustrés ! Moi je me situe entre les deux, et je comprends les deux points de vue, mais la beauté de l'écriture, et son originalité ont davantage fait pencher la balance vers le positif . Certains aussi verront de l'illogisme dans cette malédiction car les femmes n'y meurent pas toutes de la même façon...
Tout n'est que symboles dans cette histoire qui peut faire penser par instants à un conte cruel "pour enfants"...
Les hommes y sont vus comme des menaces, que ce soit à travers le mariage et l'acte sexuel qui en découlera... Seul l'amour entre femmes est décrit de façon positive et poétique... Leur maison est dans le style architectural de" gateau de mariage" et sera au fil des décés : mortifère, étouffante, sentira le renfermé...Le père, de part son entreprise, est perçu comme un vecteur de mort, et celle de ses filles sera comme un retour de karma...

Poésie, peinture, fleurs, années 50, homosexualité, sororité, folie : si vous aimez le mystère , ce roman gothique vous tend les bras...
Sarai Walker sera une autrice à suivre...
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Imaginez, un gigantesque gâteau de mariage, structure, couleur, fleurs, tout y est.

Prenez un énorme couteau, vous découpez une belle tranche et à l'intérieur, 8 personnes, Belinda, la maman, Henry , le père et leurs six filles, Aster, Rosalind, Calla, Daphne, Iris, celle qui nous conte cette histoire et Hazel surnommée « Zelie ». Vous avez la famille Chapel au complet.

Cette immense bâtisse victorienne, située à Bellflower Village, semblait sortie tout droit d'un conte de fées, où six magnifiques princesses attendaient le prince charmant, seul le mariage pouvait les libérer de cette prison. Dans les années 1950, pas d'études pour les femmes, elles étaient nées pour agrandir la famille et prendre soin de leur mari.

Ce n'est pas une histoire à raconter aux jeunes filles qui allaient se marier.
« Les soeurs Chapel :
D'abord elles sont mariées
Puis elles sont enterrées »

La première à se marier, est bien sur Aster, l'aînée, l'ordre est respecté.
« J'essaie de me remémorer cette semaine précédant le mariage afin de vous la décrire (vous – qui êtes-vous, exactement ?). Mais j'ai enfoui cette époque dans ce que ma soeur Calla appelait « l'abîme de mon esprit ». Imaginez-le : un endroit froid et solitaire, des asphodèles poussant dans les fissures du béton, un bruit d'eau gouttant au loin, une porte qui grince.
Emily Dickinson a écrit qu'il n'y a pas que les maisons qui sont hantées, mais que le « cerveau regorge de corridors ». C'est vrai. Et les miens débordent. L'abîme de mon esprit – tous ces corridors hantés, selon la façon dont vous voulez le décrire – contient des éclats de verre brisé éparpillés sur tout le sol. J'attrape un tesson et je dépeins ce que je vois, puis je le repose.
Cette histoire a des arêtes déchiquetées, pourrait infliger de profondes blessures. Ce n'est pas une histoire que je peux raconter avec du fil et une aiguille, cousue à petits points bien nets. Ce sont des tessons ou rien. »

Un nuage sombre, planait sur cette maison, Belinda la mère, ne s'occupait jamais de ses pétales (filles), comme elle les surnommait, elle était hanté par des visions, elle entendait des voix, apercevait des fantômes, tués par des fusils Chapel, une entreprise florissante dont son mari était l'héritier. Ces armes avaient servis dans différents conflits. Elle hurlait toutes les nuits et prédisait la mort de ces filles à chaque mariage. On disait qu'elle était malade, folle.

Un beau mariage, pour la première des filles. Mais à peine est-elle mariée, que le lendemain de ses noces, elle meurt mystérieusement, laissant sa famille en état de choc. Puis la deuxième connaît le même sort. Quel malheur pèse sur les Chapel ? Une tension extrême règne sur les soeurs restantes, le chagrin, la peur, les questions. Elles sont maudites par des événements qui ont eu lieu dans la famille de leur mère et transmises par les femmes enceintes, sur plusieurs générations.

Iris, la cinquième, va tout faire pour échapper à ce funeste destin, elle est décidée à survivre, mais quel choix a-t-elle ?

Un récit puissant, un suspense qui monte au fil des pages, le parfum des roses, y tient une place très importante, l'ambiance est haletante et sombre. J'ai beaucoup aimé.
Gallmeister, une très belle maison d'édition.
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- Dans la famille Chapel, je demande la fille !
- Laquelle, elles sont six.
- Ah oui, c'est vrai. Hé bien, l'aînée...
- Donc celle qui se mariera la première.
- C'est une façon de voir les choses...
- Donc celle aussi qui mourra la première...
Là je ne savais plus quoi répondre, je me suis alors souvenu d'un coin paumé des États-Unis où à la fin des années cinquante, des enfants avaient inventé une comptine :
« Les soeurs Chapel :
D'abord elles sont mariées
Puis elles sont enterrées. »
Je suis entré dans l'univers des soeurs Chapel comme on entre dans un immense gâteau de mariage. Les voleurs d'innocence raconte une histoire dont la désinvolture et l'innocence des premières pages pourraient s'apparenter à un conte de fée.
Ces six jeunes filles ont des prénoms de fleurs. Venez dans le jardin, je vais vous les présenter, de l'aînée jusqu'à la cadette : Aster, Rosalind, Calla, Daphne, Iris et Hazel. auraient pu connaître le bonheur ; mais la réalité a été toute autre.
Progressivement, le récit va se transformer en un conte cruel...
L'histoire se déroule sur une courte période, celle des années 1950. Pourtant le roman débute en 2017, au Nouveau-Mexique. Sylvia Wrenn une célèbre artiste plasticienne et peintre déjà âgée, - elle doit avoir près de quatre-vingt ans, reçoit un jour d'une journaliste une lettre énigmatique lui demandant de la rencontrer. Pour l'en convaincre, elle évoque ce qu'elle prétend savoir : Sylvia Wrenn ne serait autre qu'Iris Chapel, seule rescapée de l'hécatombe de cette fameuse sororie de six filles... Sylvia Wrenn ne prête pas d'intérêt à cette sollicitation. Cependant, elle se souvient...
Nous sommes dans le Connecticut, précisément à Bellflower Village, dans les années 1950. La famille Chapel est très riche. le père, Henry Chapel, est propriétaire de la célèbre entreprise Chapel Firearms, qui fabrique des armes à feu et des munitions. La famille habite une énorme bâtisse victorienne ressemblant à un gâteau de mariage. C'était déjà comme un présage. En fait, elle est un exemple parfait d'un style architectural de l'époque qu'on désignait ainsi. Et une aile entière de cette maison est dédiée aux six soeurs qui vivent dans une harmonie digne d'un jardin fleuri.
Vous voyez, c'est presque comme un conte de fée...
Ah ! Je ne vous ai pas parlé de la mère, Belinda, passionnée par la végétation et un peu étrange. C'est là que le conte de fée commence à se fissurer. Déjà que la mère déteste les roses, elle en est même allergique... On apprendra vite pourquoi... Elle semble hantée par le poids d'un passé qui l'étouffe... Mais surtout, le jour où Aster annonce ses fiançailles, alors que les cinq autres soeurs jubilent, sautent de joie, maman Belinda évoque l'idée d'une malédiction. Se marier serait pour Aster le chemin assuré vers la mort... Vous imaginez le froid...
Alors la comptine des enfants de Bellflower Village m'est revenu comme quelque chose d'entêtant et de maléfique.
Dans ce destin inexorable qui appelait chacune de ces soeurs au mariage, l'une après l'autre, comme un chemin si bien construit par avance, tout aurait pu être beau, joyeux, magique. Elles étaient destinées à des existences conformes à la norme dans des chemins attendus, tracés sans vague jusqu'à la mort. Il n'en fut rien. Bien sûr j'ironise, car c'était un chemin sans rêve, sans vraie joie aussi, sans autre alternative surtout... Une prison aux barreaux dorées. Certaines s'en réjouissaient, d'autres s'en contentaient, d'autres...
Alors j'ai vu brusquement, dans ce récit qui m'a happé dès les premières pages, quelque chose de saisissant, qui prend à la gorge et transforme le conte de fées en vision horrifique d'une certaine société.
Ici les hommes n'ont pas le beau rôle, non pas qu'ils soient des voyous, des méchants, des salauds, non c'est bien plus insidieux, ils sont peut-être eux aussi conçus et programmés pour s'engager dans ce chemin où ils auront tout simplement le beau rôle. Ils ont même parfois le privilège selon le rang qu'ils occupent de cueillir en ce jardin les plus belles fleurs...
Et dans ce roman, ces hommes sont cela, enfermés, condamnés, muselés dans une vision patriarcale, le père, les jeunes époux l'un après l'autre, les garçons d'honneur, même le médecin venant constater le drame à chaque fois...
Sarai Walker est d'un regard sans concession pour dire la condition d'une époque, une société américaine malade de son patriarcat, elle se saisit d'un procédé narratif qui l'empêche cependant d'être manichéenne, sentencieuse, donneuse de leçons et c'est ici que réside la forme éblouissante du roman...
Qui plus est, fleurs parmi les fleurs, des citations d'Emily Dickinson, Walt Whitman, Percy Bysshe Shelley... enrichissent le texte.
Ode à la sensibilité, à la grâce, à la poésie, à la peinture... l'amour entre les femmes s'ouvre brusquement un jour comme une révélation pour la narratrice qui cherche dans ce fracas morbide une faille pour s'échapper...
J'ai trouvé dans ce roman une écriture incroyablement addictive qui nous emporte dans un souffle résolument féministe. La plume de Sarai Walker est belle, fluide, fait mouche avec beaucoup d'à propos, dispose d'un pouvoir capable de prolonger l'histoire au-delà des dernières pages, comme un écho lancinant...
Les voleurs d'innocence, c'est un roman gothique, envoûtant et douloureux, qui se dévore comme un gâteau de mariage, ou même un gâteau ordinaire, tant qu'à faire, quitte à être gourmand...
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Elles sont six, six enfants au prénom de fleurs, un si beau bouquet que pourtant la malédiction familiale menace. Leur mère a perdu sa propre mère lors de sa naissance et celle-ci avait vécu le même sort. Pour cette génération de jeunes filles, le destin frappe beaucoup plutôt, le jour même de leur mariage. Les prédictions de la mère, que seule Iris, la quatrième de la fratrie semble comprendre, n'y feront rien.

Certes le propos est sombre et pourtant on est rapidement happé par cette histoire qui renvoie à la manière d'un conte à une réflexion sur le sort des femmes, au coeur du vingtième siècle. N'est-ce pas une sorte de petite mort que de se retrouver confinée entre quatre murs, fussent-ils richement garnis, pour oeuvrer dans l'ombre des homme s qui accomplissent leur destin, délestés des charges du quotidien ?


J'ai aimé les portraits de ces jeunes filles et l'ambiance parfois à limite du fantastique.

La deuxième partie est très différente, tant dans le contenu que la forme. Il est sans doute difficile de terminer une telle histoire. Mais le propos reste intéressant.

C'est un récit très féministe, dont la tendance est d'accuser le monde masculin de tous les maux que subissent les femmes, au point de ne leur reconnaître qu'une utilité accessoire

« Je n'ai jamais laissé beaucoup de place aux hommes dans ma vie, mais il est utile d'en avoir dans les parages lorsqu'il faut porter les objets lourds »

Belle découverte que ce roman écrit à la manière d'un conte, dont le décor rend racine dans notre passé récent.

Merci à l'équipe des Bibliomaniacs pour leur podcast consacré à ce roman, et qui m'a donné envie de le découvrir


624 pages Gallmeister 24/08/2023
Traduction Janique Jouin-de Laurens
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J'ai aimé ce livre pour son ambiance prenante et envoûtante qui serpente de manière vénéneuse dès la première page dans la demeure aux allures de serre de Bellflower dans le Connecticut des années 50.

J'apprécie particulièrement les histoires autour des maisons et Bellflower ne m'a pas déçue. La bâtisse est un personnage à part entière minutieusement décrite dans son architecture austère, le décor vintage des pièces à vivre ou à ne pas y mettre un pied.

La vie d'alors avec ses codes et ses carcans où la femme était réduite à son rôle domestique est marquante dans le roman. Ce poids d'une époque baigne dans une atmosphère particulière, presque étouffante et étouffée par l'innocence des adolescentes mises en danger par leur désir de mariage avec ses mirages d'une nouvelle liberté.

L'autrice américaine Sarai Walker magistralement traduite par Janique Jouin-de-Laurens dresse un portrait saisissant des 6 soeurs Chapel avec un soin du détail pour chacune d'entre elle qui les différencie toutes dans leur caractère et leurs passions.
Les 6 soeurs sont véritablement incarnées et très liées entre elles comme si elles avaient vraiment existées. La mère des jeunes filles inspirée de la légende de Sarah Winchester, héritière de l'industrie des armes à feu est à la fois diaphane et oiseau de mauvais augure.

C'est le personnage d'Iris, l'une des soeurs rescapée devenue vieille dame qui raconte plusieurs années après dans un « je » implacable nous plaçant derechef au coeur de l'histoire d'une lignée de femmes se heurtant à la loi des hommes et au surnaturel.

Une belle oeuvre littéraire  au message clairement féministe.
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Elles sont six soeurs au fond de l'océan et chaque année, l'une atteint sa majorité et a le droit de monter à la surface voir le monde des hommes.
Ou presque.
Elles ne vivent pas sous l'eau mais dans une énorme demeure victorienne, labyrinthique, symbole de la fortune familiale basée sur la vente d'armes.
La demeure est entièrement ornée de fleurs par leur mère un peu cinglée – et prophétesse de malheur.
Et prophétesse assez clairvoyante, car en effet aller voir le monde des hommes... c'est mortel.
Les critiques de mes camarades m'avaient plu au point de me précipiter sur ce roman, "gothique et féministe".
J'en attendais trop, peut-être.
J'ai trouvé le côté gothique un peu léger, et l'aspect féministe un peu superficiel également.
Ceci dit, ça se laisse lire, certaines images recèlent une vraie inspiration.
"J'ai enfoui cette époque dans ce que ma soeur Calla appelait "l'abîme de mon esprit". Imaginez-le : un endroit froid et solitaire, des asphodèles poussant dans les fissures du béton, un bruit d'eau gouttant au loin, une porte qui grince."
Délicieusement gothique, celle-ci, n'est-ce pas ?
Ou celle-ci : "Notre maison biscornue avait toujours été une île, mais (…) on aurait dit que notre parcelle de terrain avait fini par se détacher du reste du Connecticut pour flotter vers la mer."
Alors oui, l'écriture peut être inspirée… mais pas toujours.
J'ai trouvé bien longuets les descriptions de repas, de tenues, les passages tels que "Elle posa la tasse et la soucoupe sur le guéridon près du vase en verre goutte d'eau rempli de callas jaunes."
Puisqu'on est chez un marchand d'armes, l'autrice aurait pu relire avec profit ce que Tchekhov dit des fusils.

Traduction de Janique Jouin-de Laurens.

Challenge USA : un livre, un État (Connecticut)
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À travers ses tableaux, Sylvia Wren est devenue l'une des artistes américaines les plus importantes de l'Histoire.
Mais qui connaît vraiment cette femme mystérieuse et recluse qui refuse toutes les demandes d'interviews ?
Quelque part au Nouveau-Mexique, Sylvia reçoit une lettre qui va la bouleverser. Une lettre d'une journaliste qui a découvert un secret soigneusement et profondément enfoui sur sa vie.
Et si Sylvia Wren n'avait pas toujours été Sylvia Wren ?
Voilà comment débute le prologue de ce roman de 600 pages signé par Sarai Walker et qui nous est vendu dès la quatrième de couverture comme un page-turner gothique absolument captivant par le New York Times.
Sous ses dehors floraux, l'ouvrage publié par Gallmeister et traduit par Janique Jouin-de Laurens, cache un parfum fantastique aussi vénéneux que fascinant, comme un serpent au milieu du jardin d'Éden.
L'autrice de Dietland quitte rapidement le Nouveau-Mexique pour le Connecticut et le Bellflower Village : bienvenue dans la demeure de la famille Chapel !

Filles de bonne famille
Changement de lieu et changement d'époque puisque la confession de Sylvia Wren nous transporte dans les années 50 sous la plume d'Iris Chapel, avant-dernière fille de la richissime famille Chapel… et véritable nom de notre artiste du Nouveau-Mexique.
Iris est donc l'une des héritières de l'immense fortune des Chapel construite sur la vente de fameuses carabines Chapel. Une chose qui horrifie sa mère, Belinda Chapel, mais qui ne semble pas accabler plus que cela son père, Henry Chapel.
Iris vit dans une immense demeure en forme de gâteau de mariage en compagnie de ses cinq soeurs : Aster, Rosalind, Calla, Daphne et Zelie.
La plus âgée, Aster, rencontre Matthew, un jeune homme de bonne famille qui la demande rapidement (et logiquement) en mariage.
Tout pourrait se poursuivre comme la chronique ordinaire d'un monde pris dans l'ambre, comme hors du temps. Celle d'une Amérique fière et souriante où l'argent appelle l'argent.
Mais Sarai Walker en a décidé tout autrement.
La famille Chapel conserve un secret, un secret intimement lié à Belinda Chapel, la mère de cette joyeuse et resplendissante petite famille.
Belinda est hantée, elle voit des fantômes, en réalité les victimes des armes à feu produites par son mari.
Alors que le mariage approche, Belinda sent que quelque chose d'horrible va se produire… et tout vire au cauchemar.
Les voleurs d'innocence n'a pas prévu d'emprunter des chemins évidents et préfère le flou et la brume pour noyer sa narration.
Le fantastique s'installe doucement, discrètement, comme un bruit à votre porte alors que la nuit s'épaissit.
Et si Belinda n'était pas folle ?

L'atmosphère qui vous colle à la peau
Cet énorme roman, véritable petit Everest où se collisionne Emily Dickinson, Sarah Winchester et Georgia O'Keefe, ne devrait pas vous effrayer par son nombre de pages. À l'instar d'un autre pavé, Notre Part de Nuit de Mariana Enriquez, l'aventure d'Iris Chapel se dévore sans pouvoir se lâcher. Sarai Walker vous prend au piège dès son prologue bourré de mystères et de pistes à moitié avouées.
Pendant plusieurs centaines de pages, vous voici plongé dans l'Amérique des années 50 d'un point de vue purement féminin, aux côtés d'une jeune fille qui va progressivement comprendre que le monde qui l'entoure, dirigé par des hommes pour des hommes, est certainement l'élément le plus effrayant et nocif de sa propre réalité.
Nous allons suivre les morts mystérieuses des soeurs Chapel et c'est Iris qui nous guide autant que faire se peut, car elle-même n'a pas toutes les clés, elle-même hésite encore sur ce que fut sa jeunesse et les traumatismes qu'elle renferme.
Avant toute chose, Les voleurs d'innocence est un pur roman d'ambiance gothique, une sorte de petit miracle qui arrive à marier à la perfection un fantastique constamment sur le fil et une narration dense comme un témoignage d'une extrême précision de toute une époque.
Sarai Walker excelle à dépeindre cette immense bâtisse qui abrite les Chapel et à en faire à la fois un refuge et une prison, un lieu de vie et un lieu de mort. le malaise insidieux qui se diffuse dans le récit d'Iris n'est pas uniquement dû au background savamment étudié de cette période mais c'est surtout la façon de confidences et les doutes qui rongent notre narratrice qui rend le tout d'une sincérité confondante.
Iris Chapel est un personnage de fiction absolument fabuleux… comme l'est sa mère dès ses premières apparitions.
Double fictionnel d'une certaine Sarah Winchester, Belinda Chapel est une femme hantée, une mère hantée. Elle est surtout et avant tout un portrait de femme du XXème siècle aux États-Unis absolument bluffant, criant de vérité, formidablement touchante et tranchante dans sa tristesse profonde. Car, inutile de vous le cacher plus longtemps, Les voleurs d'innocence n'est pas juste un roman de fantômes qui murmurent des choses terribles sur votre avenir, c'est surtout un roman de femmes.

Sororité nouvelle
Sarai Walker imagine une sororité prise au piège d'une époque où la femme reste un objet décoratif, quelque chose que l'homme utilise pour son plaisir et pour l'enfantement, pour le mariage et pour habiter les demeures trop grandes et poussiéreuse. On comprend que le pire ici n'est certainement pas l'évocation de créatures surnaturelles ou de sinistres visites nocturnes, mais bel et bien la vie qui attend ces jeunes femmes qui n'ont guère que le mariage pour horizon, enfants et bons repas à cuisiner en prime. C'est le gouffre qui sépare l'enfance et les liens qui unissent les six soeurs d'avec cette vie qu'on leur promet qui va activer le processus voulu par l'autrice. Cette vision terrible qui réduit la femme à une condition triste et dégradante, non seulement illustrée par l'histoire de Belinda mais bien sûr par la tragédie inexplicable qui va toucher toutes les filles Chapel…sauf une.
Cette exception, bien évidemment, c'est Iris. La seule qui choisit de croire sa mère, la seule qui choisit de la considérer sérieusement au lieu de la cataloguer comme folle ou hystérique et de l'enfermer dans un asile qui n'a même pas la décence de porter ce nom. Iris, qui n'aime pas les hommes et qui veut autre chose qu'un mariage ou une vie rangée.
Au fond, Les voleurs d'innocence est un (r)éveil à la conscience, un éveil à soi d'une jeune fille qui choisit d'affronter son sexe, son désir et son avenir.
C'est une artiste qui comprend que l'art ne doit pas être un tableau banal de plus mais quelque chose qui doit vous sortir les tripes, vous mettre à genoux, vous faire hurler, pleurer, aimer.
Car qu'est-ce qu'une vie sans amour ? Qu'est-ce qu'une vie passée à sentir des roses que l'on déteste ? Qu'est-ce qu'une vie passée dans les bras d'un homme que l'on aime pas ? Qu'est-ce qu'une vie passée dans l'ombre et rejetée dans la folie ?
La puissance du récit de Sarai Walker s'explique par la rage qui l'habite, une rage qui n'est pas brandit sans raison, une rage qu'elle arrive à mettre en forme au cours d'une histoire incroyable et vibrante d'émotions.
Opposant la violence des hommes, de leurs guerres, de leurs fusils, de leurs bombes et les espoirs, la poésie, la beauté de ces jeunes femmes que l'on formate à devenir des épouses avant de les voir disparaître, littéralement.
On pourrait arguer que le roman n'est jamais aussi puissant que lorsqu'il cultive le doute entre le surnaturel et le réel, entre le fantôme au pied du lit et les pierres tombales du jardin. Mais ce qu'on retiendra surtout, c'est la toute puissance d'une narration d'une maîtrise implacable dans le suspense et dans sa façon de passer un message féministe radical en faisant revivre toutes ces sorcières du passé brûlées ou muselées qui préféraient simplement regarder le ciel.

Les voleurs d'innocence est un piège mortel pour le lecteur comme pour les soeurs Chapel, le genre d'oeuvre qui vous retient quelque part entre le réel et l'irréel, hantant vos nuits pour longtemps une fois l'histoire terminée. Un chef d'oeuvre.

Lien : https://justaword.fr/les-vol..
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Il était une fois six soeurs au prénom de fleur qui vivaient dans une maison gâteau de mariage, avant de n'être plus que Cinq, puis quatre, puis trois… comme dans tout conte de fées, le coup du sort n'est jamais bien loin, ici sous la forme d'une étrange malédiction : chaque soeur qui se mariera, en mourra dès le lendemain. Cette triste prédiction, lancée non pas par une sorcière, mais par Belinda, la mère des soeurs Chapel, que tout le monde croie complètement folle, se vérifiera dès le mariage d'Aster, l'aînée, puis avec celui de Rosalind, neuf mois plus tard.

Avant cette double tragédie, la vie n'était déjà pas simple dans le gâteau de mariage, comme les soeurs Chapel surnomment leur maison, une bâtisse victorienne à pignons et encorbellements alambiqués. Leur mère, qui subit sa vie maritale et maternelle, tout en restant traumatisée par la mort de sa propre mère alors qu'elle était bébé, vit comme une recluse fantômatique ; leur père, qui dirige une entreprise d'armes à feu, ne s'occupe pas plus de ses filles, qui vivent ainsi complètement repliées et livrées à elles-mêmes. Comment alors continuer à vivre, quand le seul espoir de sortir de cette ambiance délétère et de connaître l'amour, c'est-à-dire le mariage (nous sommes dans les années 50), vous est refusé ?
Vaste question dont la réponse sera donnée par Iris, la seule survivante de cette histoire (je ne divulgue rien, on l'apprendra assez rapidement), dont le salut tiendra à un changement d'identité, pour mieux mettre son passé à distance et réaliser ses rêves.

Dès que les premières critiques de ce roman sont sorties sur Babelio, j'ai su que ce roman était fait pour moi ; et mes attentes n'ont pas été déçues parce que j'ai adoré ce roman !
Pourtant, c'est un roman assez lourd, dont la tristesse et la douleur évidentes, omniprésentes, sont renforcées par l'ambiance gothique régnant dans le gâteau de mariage. Certains critiques ont fait un lien avec les soeurs Lisbon de « Virgin Suicides », ce qui n'est pas faux, tant la mélancolie latente de ce groupe de soeurs dont l'horizon est rétréci est identique, de même que les questions liées au passage à l'âge adulte, à la découverte de ses désirs et à un féminisme, ici assez ardent.

En effet, le rôle que les hommes peuvent jouer dans la malédiction des Chapel est assez clair, celui que le mariage et la maternité ont sur les femmes aussi, rétrécissant toute ambition, tout rêve, toute liberté, comme l'autrice ne cessera de le marteler tout au long de son texte. La seule solution ? La fuite, l'affranchissement du carcan patriarcal dans lequel les femmes s'enferment d'elles-mêmes, voire même la prise de distance avec l'hétérosexualité.

« Les voleurs d'innocence » est ainsi un magnifique roman sur un apprentissage de la liberté, qui ne pourra se faire qu'à un prix très élevé. Sa mélancolie et sa douleur latentes, qui infusent des parfums délétères, rendent la lecture parfois irrespirable mais également assez envoûtante. Il m'a été impossible de me détacher du destin impossible de ces soeurs dont la pulsion de vie se fait au détriment de la logique et de la raison, comme des papillons de nuit attirés par la lumière qui les brûlera pourtant. Il en résulte un roman vénéneux, sombre, à la beauté hors norme, au plaisir de lecture rare.
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