La Confrérie de la dague noire, tome 10 : L'amant ressucité

Elle était venue.
Elle était venue pour lui.
Elle éprouvait toujours de l'amour... pour lui.

L'orgasme fut plus puissant que tout ce qu'elle avait jamais ressenti : même l'intensité de la douleur qu'elle avait connue entre les mains du symphathe n'approchait en rien celle du plaisir qui parcourut son bassin, se réverbéra dans son torse et se répercuta jusqu'au bout de ses doigts et de ses orteils.
Elle connaissait la Terre. Elle connaissait le sanctuaire.
Mais ceci... c'était le paradis.

Dans le centre-ville de Caldwell, Tohr réussit à se débarrasser du froid, de la douleur et de l'épuisement qui l'assaillaient et se remit en chasse : l'odeur de sang frais d'éradiqueur agissait comme une drogue sur son corps, lui donnant un coup de fouet et la force de continuer

Tohr se passa une main tremblante sur le visage, comme s’il essayait d’effacer ses traits. Puis il saisit l’encolure de son propre débardeur, juste au-dessus du cœur.
— Je ne peux pas arrêter… uniquement parce que son corps a cessé de vivre.
— Mais tu te comportes comme si c’était arrivé hier, et je n’ai pas le sentiment que cela va changer.
Lassiter s’approcha du lit sur lequel était étalée la robe d’union. Il empoigna le satin, souleva le vêtement par la jupe et l’agita en l’air.
— Ce n’est pas elle. Ta colère n’est pas elle. Tes rêves, ta saloperie de douleur… rien de tout cela n’est elle. Elle est morte.
— Je le sais, rétorqua Tohr. Crois-tu que je l’ignore ?
Lassiter tendit la robe devant lui, et le satin tomba comme une pluie de sang.
— Alors dis-le !
Silence.
— Dis-le, Tohr. Laisse-moi l’entendre.
— Elle est…
— Dis-le !
— Elle est…
N’entendant rien, il secoua la tête et jeta la robe sur le lit. Grommelant à voix basse, il retourna vers la porte.
— On ne va nulle part. Malheureusement, c’est la même chose pour elle.

— L’automne est ma saison préférée, dit-il au bout d’un moment. Non que je me transforme en gonzesse ni en quoi que ce soit… mais j’aime les feuilles quand elles deviennent rouges et orange. Elles sont superbes sous la lune mais, surtout, c’est une transformation incroyable. Le vert du printemps et de l’été n’est que l’ombre de la véritable identité des arbres, et tout cette couleur qui apparaît à mesure que les nuits refroidissent est un miracle sans cesse renouvelé. C’est comme si les feuilles compensaient la perte de la chaleur par leur propre feu. J’aime… l’automne. (Il la regarda dans les yeux.) Tu es pareille. Tu es belle et tu brilles… et il est temps pour toi de sortir de l’ombre. Alors je choisis… Automne.
Dans le silence qui suivit, elle eut conscience du picotement aux coins de ses yeux.
— Quel est le problème ? se dépêcha-t-il de demander. Merde… ça ne te plaît pas ? Je pourrais en choisir un autre. Lihllith ? Pourquoi pas Suhannah ? Que… Joe ? Fred ? Howard ?
Elle posa la main sur son visage.
— Je l’adore. Il est parfait. Je serai désormais connue sous le nom que tu m’as donné, celui de la saison où les feuilles brûlent : Automne.
Se redressant, elle appuya les lèvres sur les siennes.
— Merci. Merci…Comme il hochait la tête d’un air solennel, elle l’entoura de ses bras et le serra contre elle. Être nommée, c’était être revendiquée, et cela lui donnait l’impression… de ressusciter.

Les mâles dotés d'une lignée comme la sienne, quand ils étaient en bonne santé et bien nourris, comme c'était son cas en ce moment, pouvaient bander pour un sac de pommes de terre.
Et PersOnne, en dépit de l'opinion qu'elle avait d'elle-même, était sacrément plus attirante que des tubercules...

Quand il disparut dans la salle de bain, elle secoua la tête pour elle-même. Les mâles étaient... eh bien, cinglés.

Il était... prêt à ce que quelque chose, n'importe quoi, jaillisse de sa poitrine : du désespoir, de la colère, de la frustration.
Tout ce qu'il obtint fut l'impression que ce qui venait de se passer était un début et non une fin.

- Tu dois manger plus, dit-il rudement.
Comme elle fronçait les sourcils et paraissait vouloir s'écarter de lui, il eut envie de se donner un coup de poing sur la tête. Aucune femelle n'avait besoin d'entendre parler de ses défauts dans un moment pareil.
- Tu es très belle, dit-il en sondant du regard le mince tissu qui lui couvrait les seins et les hanches. Je m'inquiète seulement pour toi. C'est tout.

Il fallut un moment avant que Xhexania ouvre.
- Salut.
- Je suis désolée.
Il n'y eut pas de réaction. Visible.
- Pourquoi ça ?
- Je sais ce que c'est de ne pas être désirée par ses parents. Je ne veux pas que tu...
- C'est bon.
Xhexania haussa les épaules.
- Ce n'est pas comme si j'ignorais mes origines.
- Je...
- Écoute, je dois me préparer. Entre si tu veux, mais je te préviens : je ne m'habille pas pour prendre le thé.
PersOnne hésita sur le seuil.