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Critique de brumaire


"Bientôt, dans un moment, nous sortirons de la maison pour nous jeter dans la fournaise du monde ; sortis de l'histoire, nous rentrerons dans l'histoire et nous affronterons le verdict inexorable du temps. ". C'est par cette phrase énigmatique que se closent les sept cents pages du roman de Robert Penn Warren.
"Les fous du roi" est un livre ...métaphysique. Un roman exigeant dans lequel le lecteur aura quelquefois peine à entrer. Il ne faut pas s'attendre a une intrigue ponctuée de multiples rebondissement comme chez Ellroy par exemple, qui dépeint lui aussi dans ses livres les turpitudes de la vie politique américaine. Comme le dit justement Kajaku dans une critique précédente : "Il ne se passe pas grand chose" dans ce livre. Il existe quand même une trame narrative que Robert Penn Warren a emprunté à la vie du sénateur de Louisiane, Huey- Long, un homme politique démagogue et cynique, qui mourût assassiné . le personnage central du roman n'est pas le sénateur Willie Stark , l'avatar de Huey-Long , mais un de ces hommes qui gravitent autour des chefs de partis, un conseiller tout autant qu'un homme de main : Jack Burden.
L'intrigue , sans être compliquée, n'est pas facile à raconter. Si l'on veut qualifier le tout d'un raccourci trivial , on pourrait dire que c'est une histoire banale d'arroseur arrosé. le gouverneur du Comté de Mason City , Willie Stark brigue le Sénat. Un de ses adversaires, le sénateur McMurfee , se trouvant sur son chemin , il charge son homme de main, Jack Burden, de trouver un moyen de faire pression sur le Juge Irwin, un ancien ami de sa mère, afin que lui même intercède auprès de McMurfee pour qu'il laisse la place libre à Willie Stark. Burden ,connaissant bien l'intégrité du juge à la retraite, doute que l'on puisse le faire chanter , "cherche et tu trouveras" lui dit l'inflexible gouverneur. Et il va trouver : une misérable petite affaire de malversations financières vieille de trente ans ; la tâche, le pêché , dans la carrière immaculée du Juge Irwin. Cette découverte sera à l'origine des évènements qui vont alors s'enchaîner inexorablement.
Jack Burden sera ,à son corps défendant , le messager autant que la main du destin. L'auteur a mis beaucoup de ses questionnements, de ses angoisses, de ses anxiétés, dans son personnage principal. Jack Burden est le rejeton d'une riche famille sudiste, étudiant moyen, mal dans sa peau, amoureux fou d'Anne Stanton son amie d'enfance. Il devient journaliste dans un journal local d'où Willie Stark le débauche pour en faire son conseiller. Jack Burden n'est pas un raté malgré les apparences. C'est au contraire un homme d'une lucidité extrême, absolument pas dupe des forfaitures et des perfidies nécessaires au "vivre ensemble" de tous les jours. C'est l'homme de la "chair" , opposé à l'homme de "l'idée" incarné par son ami d'enfance Adam Stanton , brillant chirurgien habité par l'obsession du Bien , qui refuse la direction de l'hôpital construit par Willie Stark , persuadé qu'une bonne dose de Mal s'est invité à sa construction...
Vous l'aurez compris, au fin des fins, "Les fous du roi" se résume à une grandiose dissertation sur le Bien et le Mal , thème éminemment sudiste s'il en est (Faulkner et ma chère Flannery O'Connor ).
S'il vous prend l'idée (bienvenue , malgré mon compte-rendu décousu :-) , d'entreprendre la lecture de ce livre (lu dans l'édition de poche "biblio" ) , il faut absolument lire la belle introduction de Michel Mohrt qui explique magnifiquement les enjeux du roman, son contexte, sa place dans l'oeuvre de Penn Warren.
Enfin, une mention particulière pour la langue de Robert Penn Warren ; certainement édulcorée par la traduction (traducteur Pierre Singer, qui a du être à la peine vu la difficulté à rendre le sel des dialogues...) . L'auteur est un virtuose de l'image et de la métaphore. Tout au long des sept cents pages et au moment des dialogues je n'ai pu m'empêcher de penser à des scènes réelles ou imaginées de cinéma américain . Pouvoir du MYTHE !


"Par ici les choses ne changent guère" , dit le patron. La phrase ne semblait pas exiger de réponse , donc je n'en fournis aucune.
"Je parie que j'ai bien entassé , l'un dans l'autre, des milliers de litres de pâtée pour les cochons dans cette auge" dit-il. Il cracha de nouveau. " Je parie que j'ai régalé au moins cinq cents cochons dans ce coin-là. Et d'ailleurs, nom de Dieu ! c'est toujours ce que je fais : verser de la pâtée !
- Eh bien, c'est de ça qu'on vit, n'est-ce-pas ?
Il ne répondit pas."
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