J’étais une fille médiocre, affreusement normale. La nature m’avait affublée d’un physique bateau et d’une personnalité lisse et sans aspérité. J’enviais ces filles dans les séries à la télévision qui étaient toutes si sûres d’elles, qui avaient de la répartie et qui étaient sexy en étant habillées d’un simple survêtement. Moi, pour avoir l’air un tant soit peu potable, il fallait que je fasse beaucoup d’efforts : maquillage, hauts talons, coiffeur. Et encore, même comme ça, on ne me rangeait pas du côté des jolies filles.
J’avais trouvé un job en attendant de trouver LE boulot de mes rêves. Ce n’était un travail ni bien folichon ni bien rémunéré ; je n’allais certes pas pouvoir mener la vie dont je rêvais en étant boulangère, mais, après tout, c’était provisoire. Une – infime, voire microscopique – partie de moi se réjouissait de cette nouvelle, pendant que l’autre nageait en plein désarroi.
Il paraît que pour faire venir un invité en retard, il suffit de déboucher une bouteille de champagne. De même, allumer une cigarette à une station de bus permettrait à ce bus d’arriver plus vite. À bout, je décidai d’appliquer ces méthodes peu scientifiques à mon cas : j’éteignais de plus en plus fréquemment mon portable et le rallumais une heure après, une heure au cours de laquelle je pensais très fort à mon homme, dans l’espoir que, dans cet intervalle, il m’aurait laissé un message. Peine perdue, ces jours ponctués d’optimisme et d’amertume me parurent durer une éternité.
C’est pas facile quand on débarque, on connaît personne et v’là qu’on est toute seule quand parfois on a un p’tit coup de grisou.
Il avait fallu que ma valise éjecte tout son contenu – culottes, soutiens-gorge, chaussettes, chaussures, vieux jeans, tee-shirts délavés et « pulls mémé » – devant un homme si profondément magnifique !Si j’avais su, j’aurais au moins prévu de mettre mes plus jolies tenues sur le dessus, histoire de sauver les apparences. Mais non, évidemment, c’était les vêtements les plus moches ou les plus gênants qui avaient choisi de sauter hors de ma valise.