On a voulu s’en aller, mais il a un de ces trucs alcootest dans sa voiture. Il a soufflé, pas moyen de démarrer. On a essayé de trouver quelqu’un de sobre dans le bar pour souffler dans le truc; personne à réussi à le faire démarrer.
Marie avait rompu avec moi. Elle avait dit que j’étais un connard et qu’elle méritait mieux.
Elle n’avait pas tort.
Je n’ai pas beaucoup de souvenirs du premier jour, si ce n’est de m’être épouvantablement ennuyé, même si j’essayais de me concentrer sur mes prières. C’était difficile d’être seul sans personne à qi parler, sans télé à regarder, sans musique à écouter. J’avais si faim et si soif que j’avais du mal à me concentrer sur autre chose que mon estomac. Je rêvais de hamburgers, de frites, de frybread, de glaces. Je voulais rester éveillé, mais je finis par m’endormir et me réveillai à l’aube le lendemain matin. Je passai l’essentiel du deuxième jour recroquevillé sur moi-même, les bras serrés sur mon ventre, en retenant mes sanglots.
Le troisième jour, je ne pensais plus à la nourriture. Je priais et m’interrogeais sur mon père, sur la manière dont je pouvais contribuer à sa guérison. Le soir, je m’enfonçai dans une espèce d’état second, tout en restant éveillé. À un moment je m’assoupis, et mes songes furent vraiment étranges. Je rêvai qu’un cerf s’approchait de mon campement, mais l’animal avait deux visages. J’avais tellement peur que je me détournai de la créature. Plus tard, je rêvai qu’un faucon blanc arrivait du nord et se mettait à me parler de mon père et de sa vie. J’avais l’impression que l’oiseau me disait de ne pas m’inquiéter, de rentrer à la maison.
– Je ne sais pas.
– Savez-vous quand ils ont commencé à vendre ? Sur la réserve ?
– Je ne sais pas trop, Nathan – mon neveu – a raconté qu’ils la lui avaient donnée gratuitement. Peut-être que c’est des conneries, ceci-dit ; ce n’est qu’un gamin.
– Vous dites qu’ils la lui ont donnée ?
J’acquiescai.
Il but une gorgée de son soda à la noix de coco.
– Quel âge à votre neveu ?
– Quatorze ans.
– Vous êtes sûr que la transaction a eu lieu sur le territoire de la réserve ?
– Ouais, au lycée. C’est ce que Nathan m’a dit.
Il sortit un petit carnet de sa poche et se mit à écrire.
Après avoir présenté ma pièce d’identité, j’entrai dans la pièce principale. Un nuage de fumée de cigarettes planait au-dessus des joueurs comme un voile cancérigène. D’un pas tranquille, je contournai les machines à sous pour atteindre le minuscule bar et demander un coca. Notre seul et unique avantage sur le casino de Pine Ridge voisin était que nous servions de l’alcool, bien qu’il n’y eût pas de véritable bar ni de salle pour s’asseoir avec un verre. En m’approchant du comptoir, j’aperçus Tommy. Même si la matinée n’était pas terminée, je voyais bien qu’il avait déjà un coup dans le nez, si ce n’est deux.