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Critique de Erik35


LE DIABLE EN RIT ENCORE

Ce n'est pas faire injure à cette immense philosophe que fût Simone Weil en estimant que cette "Note sur la suppression générale des partis politique" n'est sans doute pas son texte le plus fondamental. Pour autant, ces quelques pages, rédigées dans la première moitié de ce XXème siècle, entre ces deux épisodes tragiques de la mort industrielle, garde une profondeur, une acuité, une clairvoyance et une efficacité troublantes. Par certains de ses aspects, cette note singulière est une petite leçon de philosophie politique et analytique comme on n'en lit pas si souvent, et n'oublie pas d'avoir ses éventuelles implications pratiques même si l'autrice elle-même reconnait que le cours des choses ne sont point parties pour s'amender.

En quelques mots bien sentis, prenant pour base historique la Révolution Française et pour base philosophique -bien que détournée quasi immédiatement de son sens véritable, car, Simone Weil le reconnait, excessivement exigeante- la pensée de Jean-Jacques Rousseau, notre subtile autrice résume tout à la fois l'histoire de nos Démocraties ainsi que des partis politiques tels qu'ils sont constitués sur le continent européen (les partis anglo-saxon, tellement différents, sont écartés de cette analyse) et leur configuration générale.

Appuyant sa démonstration sur l'idée que le concept supérieur qui gouverne (ou devrait gouverner) quelque modèle politique que l'on se donne est de faire le bien de tous, sans passion (dans le sens psychologique du mot), avec raison, justice et vérité, Simone Weil, dans ces lignes profondément justes mais aussi profondément politiquement incorrectes - et pour cause- met en évidence à quel point nos démocraties de type représentatives, dans lesquelles les partis sont les vrais maîtres du jeu (avec leur lot d'écrasement des individualités, de refus des pensées non-orthodoxes, de volonté totalitaire, etc), ne peuvent aboutir, sauf fortuitement, au bien commun. Car, nous explique-t-elle :

"Les partis sont des organismes publiquement, officiellement constitués de manière à tuer dans les âmes le sens de la vérité et de la justice."

On ne ressort pas totalement indemne -pour peu qu'on attache le sérieux nécessaire à cette riche réflexion- de cette pensée sans concession, mais sans violence non plus. Une pensée sombre, en revanche, qui constate comme le système est si bien huilé, si viscéralement imprimé dans les esprits (Simone Weil n'oublie pas, même si elle ne s'attarde pas, les méfaits de la propagande ni des médias) que les ressorts sur lequel il fonctionne et perdure est devenu une sorte de lèpre qui "s'est étendue, à travers tous le pays, presque à la totalité de la pensée."

Aussi, et en phrase conclusive, en appelle-t-elle à la suppression des partis politique comme prolégomènes à tout remède contre cette lèpre qui tue tous les esprits.

Un texte fort, sans compromission, et, en ces périodes d'élections présidentielles puis parlementaire semblant vouloir se dérouler dans un climat ô! combien délétère, où l'on voit aussi comme les partis politiques sont l'une des cause probable à tous ces dérèglements, un texte à lire ou à relire d'urgence... Si l'on ne veut plus que le diable en rit encore...
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