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Citations sur Note sur la suppression générale des partis politiques (42)

Supposons un membre d'un parti, député, candidat à la députation, ou simplement militant, qui prenne publiquement en public l'engagement que voici : " Toutes les fois que j'examinerai n'importe quel problème politique ou social, je m'engage à oublier absolument le fait que je suis membre de tel groupe, et à me préoccuper exclusivement de discerner le bien public et la justice. " Ce langage serait mal accueilli. Les siens et beaucoup d'autres l'accuseraient de trahison.

... Les partis sont un merveilleux mécanisme, par la vertu duquel, dans toute l'étendue d'un pays, pas un esprit ne donne son attention à l'effort de discerner, dans les affaires publiques, le bien, la justice et la vérité.

... La suppression des partis serait du bien presque pur. Les candidats diraient aux électeurs non pas : "J'ai telle étiquette." Ce qui pratiquement n'apprends rigoureusement rien au public sur leur attitude concernant les problèmes concrets, mais je pense telle ou telle chose à l'égard de tel, tel, tel grand problème". Les élus s'associeraient selon le jeu naturel et mouvant des affinités.

.... Presque partout et même souvent pour des problèmes purement techniques, l'opération de prendre parti, de prendre position pour ou contre, s'est substituée à la pensée... C'est là une lèpre qui a pris origine dans les milieux politiques et s'est étendue à travers tout le pays, presque à la totalité de la pensée.
... Il est douteux qu'on puisse remédier à cette lèpre, qui nous tue, sans commencer par la suppression des partis politiques.
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Supposons un membre d’un parti – député, candidat à la députation, ou simplement
militant – qui prenne en public l’engagement que voici : « Toutes les fois que j’examinerai
n’importe quel problème politique ou social, je m’engage à oublier absolument le fait que
je suis membre de tel groupe, et à me préoccuper exclusivement de discerner le bien public
et la justice. »
Ce langage serait très mal accueilli. Les siens et même beaucoup d’autres l’accuseraient de
trahison. Les moins hostiles diraient : « Pourquoi alors a-t-il adhéré à un parti ? » –
avouant ainsi naïvement qu’en entrant dans un parti on renonce à chercher uniquement le
bien public et la justice. Cet homme serait exclu de son parti, ou au moins en perdrait
l’investiture ; il ne serait certainement pas élu.
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Pour apprécier les partis politiques selon le critère de la vérité, de la justice, du bien public, il convient de commencer par en discerner les caractères essentiels.
On peut en énumérer trois :
Un parti politique est une machine à fabriquer de la passion collective.
Un parti politique est une organisation construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres.
La première fin, et, dernière analyse, l'unique fin de tout parti politique est sa propre croissance, et cela sans aucune limite.
Par ce triple caractère, tout parti est totalitaire en germe et en aspiration. S'il ne l'est pas en fait, c'est seulement parce que ceux qui l'entourent ne le sont pas moins que lui.
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Il y a plusieurs conditions indispensables pour pouvoir appliquer la notion de volonté générale. Deux doivent particulièrement retenir l'attention. (...)
L'une est qu'au moment où le peuple prend conscience d'un de ses vouloirs et l'exprime, il n'y ait aucune espèce de passion collective. (...)
La seconde condition est que le peuple ait à exprimer son vouloir à l'égard des problèmes de la vie publique, et non pas à faire seulement un choix de personnes. Encore moins un choix de collectivités irresponsables.(...)
Le seul énoncé de ces deux conditions montre que nous n'avons jamais rien connu qui ressemble même de loin à une démocratie. Dans ce que nous nommons de ce nom, jamais le peuple n'a l'occasion ni le moyen d'exprimer un avis sur aucun problème de la vie publique; et tout ce qui échappe aux intérêts particuliers est livré aux passions collectives, lesquelles sont systématiquement, officiellement encouragées.
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Si on confiait au diable l'organisation de la vie publique, il ne pourrait rien imaginer de plus ingénieux.
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Mais en fait, sauf exception très rares, un homme qui entre dans parti adopte docilement l’attitude d’esprit qu’il exprimera plus tard par les mots : « Comme monarchiste, comme socialiste, je pense que… » C’est tellement confortable ! Car c’est ne pas penser. Il n’y a rien de plus confortable que de ne pas penser.
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Seul ce qui est juste est légitime. Le crime et le mensonge ne le sont en aucun cas.
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Mais il faut d'abord reconnaître quel est le critère du bien.
Ce ne peut être que la vérité, la justice, et, en second lieu, l'utilité publique.
La démocratie, le pouvoir du plus grand nombre, ne sont pas des biens. Ce sont des moyens en vue du bien, estimés efficaces à tort ou à raison.
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Seul ce qui est juste est légitime.
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On en est arrivé à ne presque plus penser, dans aucun domaine, qu’en prenant position « pour » ou « contre » une opinion. Ensuite on cherche des arguments, selon le cas, soit pour, soit contre. C’est exactement la transposition de l’adhésion à un parti. (...)

Même dans les écoles on ne sait plus stimuler autrement la pensée des enfants qu’en les invitant à prendre parti pour ou contre. On leur cite une phrase de grand auteur et on leur dit : « Êtes-vous d’accord ou non ? Développez vos arguments. » A l’examen les malheureux, devant avoir fini leur dissertation au bout de trois heures, ne peuvent passer plus de cinq minutes à se demander s’ils sont d’accord. Et il serait si facile de leur dire : « Méditez ce texte et exprimez les réflexions qui vous viennent à l’esprit ».

Presque partout – et même souvent pour des problèmes purement techniques – l’opération de prendre parti, de prendre position pour ou contre, s’est substituée à l’obligation de la pensée.

C’est là une lèpre qui a pris origine dans les milieux politiques, et s’est étendue, à travers tout le pays, presque à la totalité de la pensée.

Il est douteux qu’on puisse remédier à cette lèpre, qui nous tue, sans commencer par la suppression des partis politiques.
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