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Critique de EvlyneLeraut


Interlude, myriade d'oiseaux en plein vol, « Presque génial » est un récit poignant, lucide. Les fiançailles renouvelées d'une quête existentialiste. Francis est un jeune adulte entre deux rives. Les yeux plongés dans son enfance chaotique, en manque de repaires paternels, cherchant d'un regard affirmé le tracé originel de sa vie. Cet adolescent grandissant, arrimé au bancal d'une vie sociale appauvrie. Un mobil-home comme antre. Exclu dès le lever du jour, seul avec sa mère qui se doit d'aller à l'hôpital contrer ses turbulences, ses abîmes, son mal-être. Nous sommes à New-Jersey à Claymont encerclés dans un trailer park où Francis a un ami Grover, son alter-ego son ami de toutes les galères et solidarités. Les questionnements de Francis sont des écueils, des souffrances, des incertitudes tenaces. La trame soulève les inquiétudes, les risques, se ploie sous l'improbabilité du devenir de Francis. Ce dernier pressent ce qui fait de lui ce roseau frêle, cassant, courbé sous les affres, et le vent d'une précarité sans fin. Il veut savoir qui est son père, cet anonyme, dont Francis ignore tout. Benedict Wells délivre une histoire initiatique et rebelle. Cheveux devant les yeux, brouillard dense, Francis va avec Grover et Anne-Mary, oisillon échappé de l'hôpital psychiatrique où se trouve la mère de Francis, partir vers l'horizon des plausibles retrouvailles avec son inconnu de père. le récit est émouvant, volontaire, sillons d'une jeunesse éprouvée. Francis se sent hasardeux, triste et nostalgique de ce qui lui manque cruellement : la stabilité d'un foyer aimant. Deviendra-t-il cet autre ? Comment construire sa vie lorsque l'on sait qu'un donneur anonyme est le géniteur, choisi en rapport d'un QI particulièrement relevé ? D'où provient alors ce manichéen ? Lui, qui n'avance pas, et se sent dévoré par les aspérités de ses faiblesses ? L'empreinte sociologique est ici. La teneur grave du récit enclenche l'éthique des Sages. Ce qui est contraire au noble d'une science nécessaire. Francis est le bouc-émissaire, celui qui est issu d'un programme flouté par les ambitions d'un scientifique décalé et quelque peu fou aussi, somme toute dangereux. « Presque génial » est un signal, une échappée nécessaire au fond de soi-même. Il pointe du doigt là où ça fait mal. Il attise les vents contraires et bouscule l'ordre établi. Francis doit trouver sa voie, renaître à lui- même et aux autres. Racines généalogiques, passage de l'ombre à la lumière, ce récit émancipateur est une ouverture. Francis s'habille du point final. Lever de rideau. Traduit de l'allemand par Dominique Autrand. Publié par les Editions Slatkine & Cie.
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